L’industrie lourde, entendue comme l’ensemble des procédés qui consistent à transformer une matière première dite naturelle en un matériau brut, grâce à une consommation énergétique importante, est à l’amont de la chaîne de production et essentielle à la souveraineté et à l’économie nationale. Elle comprend notamment les secteurs de la sidérurgie, la production cimentière ou encore la pétrochimie.
Pourtant, avec des procédés extrêmement consommateurs d’énergie et l’utilisation de ressources fossiles, celle-ci représente aujourd’hui 75 % des 78,3 millions de tonnes de CO2 équivalent (CO2eq) émises par l’industrie française en 2019 chaque année et se concentre autour de quelques bassins d’activités et d’entreprises des secteurs de la métallurgie, de la chimie et du bâtiment.
Si ses émissions ont diminué entre 1990 et 2015, du fait de l’amélioration de l’efficacité énergétique des procédés mais également des fermetures de sites, délocalisations et importations, cette tendance semble stagner, voire reprendre une pente ascendante. Le système européen d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre a montré ses limites et des mesures doivent être prises dès maintenant afin de tenir la trajectoire fixée par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) d’une réduction de -35 % des émissions en 2030 et -81 % d’ici 2050.
Enfin, la décarbonation du secteur est également une opportunité pour le déploiement de sites industriels innovants et compétitifs, mais cette transition ne pourra se faire sans anticiper les changements qu’elle opérera sur l’emploi et la nécessité de préparer la reconversion.
On estime à 50 % le besoin de renouvellement des équipements des usines sidérurgiques et chimiques sur la période 2020-2030 et 30 % pour les cimenteries. La période actuelle est donc un moment clé pour remplacer les équipements industriels des usines françaises vieillissantes et investir dans des technologies bas-carbone qui seront compatibles avec la trajectoire de la SNBC.
Afin de permettre ce saut technologique, il est nécessaire de faire dès maintenant des analyses de rentabilité qui permettront une mise sur le marché et une applicabilité rapide des nombreuses solutions déjà existantes, mais également de permettre l’innovation et la mise en œuvre de programmes de recherche.
Outre l’amélioration des procédés de production, un autre enjeu est celui de la réduction des matières premières utilisées dans l’industrie, par l’utilisation de matériaux recyclés, la substitution par des éco-matériaux, l’éco-conception des produits ou encore la diminution de mise en marché de certains produits. Dans ce cadre, le développement de l’économie circulaire, par l’amélioration de la qualité du tri et de la collecte, ainsi que le déploiement de solutions de recyclage pour la production de matériaux secondaires et une réflexion sur l’ensemble de la chaîne de valeur seront essentiels à la réduction de l’empreinte carbone de ces secteurs.
Enfin, la mise en place d’une réglementation permettant d’encadrer ces activités et de soutenir ces investissements apparaît essentielle afin de créer des marchés pour ces produits bas carbone, via notamment un soutien de la commande publique. Par ailleurs, afin d’assurer la compétitivité des produits européens et de permettre des opérations de relocation, d’autres outils comme le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF / CBAM) par exemple, peuvent jouer un rôle de facilitateur. Le succès de ce mécanisme reste toutefois conditionné à la transformation effective de l’industrie française vers des procédés bas carbone.