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Élections municipales : analyse de l’ambition climatique des programmes dans 10 villes françaises

Le Réseau Action Climat a réalisé un décryptage des programmes des principaux candidats aux élections municipales, sous l’angle des actions prévues pour lutter contre le dérèglement climatique et engager la transition énergétique.

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Le Réseau Action Climat a réalisé un décryptage des programmes des principaux candidats aux élections municipales, sous l’angle des actions prévues pour lutter contre le dérèglement climatique et engager la transition énergétique. Cette analyse, qui vise à donner des clés pour comprendre les programmes des candidats, prend appui sur des mesures portées par plus de 60 ONG dans le Pacte pour la Transition. Dix mesures phares ont été utilisées comme critères d’évaluation des programmes.

En résumé

Notre analyse montre que même si le climat, sujet de préoccupation majeur des citoyens, est présent partout, sur les 40 candidats évalués, seulement 13 ont intégré les mesures incontournables pour faire face à l’urgence climatique, tandis que 9 candidats n’en tiennent tout simplement pas compte. La grande majorité des candidats reste donc au milieu du gué.

Mise à jour du 9 mars 2020, intégrant de nouveaux engagements :

Sur les 40 candidats évalués, seulement 17 ont intégré les mesures incontournables pour faire face à l’urgence climatique, tandis que 7 candidats ne tiennent tout simplement pas compte de l’urgence climatique.

En effet, la plupart des candidats se concentrent sur un secteur d’action spécifique, sans adopter une approche intégrée et systémique qui devrait pourtant être de mise pour réduire efficacement les émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, les thématiques clés, bien que souvent présentes dans les programmes, ne sont pas accompagnées par des mesures concrètes pour permettre leur mise en œuvre effective. Il en va ainsi du développement des transports et de la mobilité durable, des énergies renouvelables, de la rénovation énergétique des logements ou encore de la gestion des déchets. Parmi les mesures les moins abordées et les plus clivantes, on retrouve l’enjeu majeur d’acter un moratoire sur les grandes surfaces en périphérie de la ville ou encore d’interdire les écrans numériques publicitaires. Enfin, si la question d’une alimentation et d’une agriculture locale est régulièrement présente, peu d’engagements sont pris pour faire évoluer notre modèle agricole actuel vers un modèle plus écologique et nos modes alimentaires vers une alimentation moins carnée.

Qui propose quoi dans votre ville ?

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Notre méthode

Le Réseau Action Climat a analysé les programmes de différents candidats par rapport à dix mesures qui s’inspirent du Pacte pour la Transition. Ce dernier regroupe 32 mesures concrètes pour construire des communes plus écologiques, plus démocratiques et plus justes. Il est porté par plus de 60 ONG.

L’analyse du Réseau Action Climat se concentre sur 9 communes et 1 métropole. 9 communes ont été sélectionnées car elles sont les villes cœur des neuf métropoles les plus émettrices de gaz à effet de serre (source WWF). A cela s’ajoute l’analyse des programmes des candidats à la Métropole de Lyon qui seront élus au suffrage direct, ce qui est une exception en France.

Les territoires analysés couvrent ainsi 20 % de la population française et représentent 16 % des émissions nationales de gaz à effet de serre (source WWF). Pour chaque ville, les programmes des quatre premiers candidats qui ressortaient des sondages publics au moment de l’analyse, ont été décryptés. Seuls les programmes officiels ont été analysés (il n’a par exemple pas été tenu compte des déclarations faites dans la presse ou à l’occasion de meetings).

Le décryptage portant sur une sélection limitée de villes et de listes, le Réseau Action Climat invite les citoyens, les acteurs de la société civile, les médias etc. à s’approprier ce travail pour l’appliquer à d’autres territoires.

Afin d’évaluer les mesures, le Réseau Action Climat a fonctionné selon une échelle de couleur :

  • Couleur verte : la mesure proposée apparait dans le programme
  • Couleur orange : la mesure proposée apparait dans le programme mais est floue, incomplète ou n’atteint pas le niveau d’ambition demandé
  • Couleur rouge : la mesure proposée n’apparait pas dans le programme

Le Réseau Action Climat a complété cette analyse par un système de bonus malus :

  • Un bonus, renseigné en vert, attribué à une proposition d’un candidat bénéfique au climat et différente des 10 mesures proposées dans l’analyse
  • En malus, renseigné en rouge, attribué à une proposition d’un candidat qui aurait pour conséquence d’augmenter nos émissions de gaz à effet de serre

De manière plus globale, le Réseau Action Climat rappelle que :

  • De par son objet et compte-tenu du temps de travail disponible pour procéder à l’évaluation, le Réseau Action Climat a concentré son évaluation sur 10 mesures structurantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et ne s’est donc pas intéressé plus globalement aux autres dimensions de la transition écologique (biodiversité, etc.).
  • Il ne s’agit pas, en l’espèce, d’évaluer l’ambition climatique des partis politiques nationaux mais bien d’analyser des programmes élaborés par des candidats au niveau local.
  • Trois programmes émanant de candidats du Rassemblement National ont été analysés, dans l’optique d’apporter de la transparence sur le contenu climat de ces derniers. Cependant, le Réseau Action Climat tient à rappeler que le socle de valeurs de son réseau n’est pas compatible avec les positions du Rassemblement National. Par ailleurs, au-delà des 10 mesures qui ont servi de base à cette évaluation, lutter contre le dérèglement climatique implique nécessairement une solidarité forte entre les pays, ce qui va à l’encontre des positionnements du Rassemblement National.
  • Ce décryptage repose sur 10 mesures structurantes qui forment un socle minimal de mesures. Les futurs élus devront les mettre en œuvre concrètement, et aller au-delà de ces 10 mesures pour réaliser la transition climatique juste. Cela nécessitera de faire le suivi de ces promesses électorales et d’accompagner les futurs élus, notamment par la formation.

Pourquoi c’est important ?

Alors que le Haut Conseil pour le Climat indique qu’il faut multiplier par 3 le rythme annuel des baisses d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2025 pour respecter l’objectif de neutralité carbone fixé pour 2050, les nouveaux élus exerceront leur mandat jusqu’en 2026.

Il est donc urgent que les candidats aux élections municipales s’engagent sur des mesures ambitieuses et surtout, qu’une fois élus, ils les mettent en œuvre.

Les élections municipales : un moment charnière pour le climat

Les villes sont responsables de 67 % des émissions de gaz à effet de serre nationales donc elles peuvent et doivent agir (source WWF) !

En France, les collectivités locales (communes, départements, régions etc.) ont de nombreuses compétences qui leur permettent d’agir sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre. A cet égard, les élections municipales ont une importance cruciale, non seulement parce que les communes ont des compétences importantes en la matière (gestion de la voirie, des bâtiments publics etc.) mais également parce que les nouveaux élus pèseront dans les décisions qui seront prises par l’intercommunalité. Or, cette dernière a également des compétences en matière de climat, par exemple pour les transports en commun, complémentaires de celles de la commune.

Les communes ont les compétences pour agir sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre

Les communes ont, par exemple, la compétence pour gérer la voirie et le stationnement, elles peuvent donc influencer directement les déplacements : plus de places de parking, c’est plus de voitures, limiter la vitesse de circulation à 30 km/h favorise les modes de déplacements actifs (à pied, en vélo etc.).

Les intercommunalités ont aussi de nombreuses compétences en lien avec le transport, et peuvent notamment créer des zones protégées des véhicules trop polluants, investir dans des pistes cyclables sécurisées, les transports en commun ou encore l’aide à l’achat de vélos à assistance électrique, vélo cargo… Les compétences en terme d’aménagement du territoire sont aussi centrales.

Mais si les villes souhaitent réellement réduire les émissions de gaz à effet de serre et se préparer aux impacts du dérèglement climatique, les candidats doivent s’emparer de toutes les compétences des villes afin de décliner un programme climatique cohérent : parler du transport, mais aussi de l’agriculture et de l’alimentation. Ces nouvelles politiques à mettre en place sont l’occasion de répondre à des problèmes sociaux comme la situation précaire des agriculteurs. Par la commande publique et la structuration de filières alimentaires courtes, les futurs élus peuvent réorganiser le territoire, mieux nourrir les habitants, assurer un salaire décent aux agriculteurs, recréer une économie locale autour de l’alimentation, régénérer la biodiversité des territoires et leur capacité à stocker le carbone…

Les communes peuvent aussi agir concrètement sur les questions énergétiques à travers plusieurs moyens. En premier lieu, sur la production en favorisant le développement des énergies renouvelables, notamment citoyennes, et en installant ce type d’équipement sur tout le patrimoine de la commune (école, gymnase, mairie etc.). En second lieu, la commune peut réduire les consommations énergétiques, via la rénovation des bâtiments publics, l’accompagnement à celle des bâtiments privés (notamment à l’intercommunalité) ou la gestion de l’éclairage public. Enfin, puisque la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas, la commune peut aussi mettre fin au gaspillage énergétique via, par exemple, l’interdiction des écrans publicitaires numériques.

En effet, la commune peut agir sur le volet de la publicité via le règlement local de la publicité en décidant de l’aménagement publicitaire dans la ville. Elle gère aussi les déchets (collecte, tri et valorisation etc.), et en tant qu’autorité chargée de l’aménagement via les Plan Locaux d’Urbanisme (ou PLUi pour l’intercommunalité), la commune peut lutter contre l’artificialisation des sols. D’autres compétences en terme de gestion de l’eau, d’économie locale, d’évènements culturels etc. ont aussi un impact sur les émissions de gaz à effet de serre et donc sur le climat.

La commune et l’intercommunalité sont donc des maillons centraux pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et mettre en œuvre une transition énergétique qui soit juste socialement c’est-à-dire qui tienne compte des impacts sur les ménages les plus modestes et propose des solutions accessibles au plus grand nombre.

Urgence climatique et justice sociale ne sont pas antinomiques

L’urgence climatique et sociale n’est pas une fatalité. Mener à bien la transition écologique et solidaire à l’échelle d’un territoire signifie s’assurer que les acquis de cette transition bénéficient à tous et toutes, et notamment aux personnes les plus vulnérables et les moins résilientes aux changements : cela nécessite de mettre en place des politiques d’accompagnements et des mesures ciblées pour ces publics. Par ailleurs, la transition est créatrice d’emplois sur le territoire, par exemple par la rénovation des logements, mais elle nécessite aussi d’anticiper les filières qui devront se transformer. Il faut prévoir ces changements dès maintenant à l’échelle des salariés concernés et au niveau des bassins d’emplois pour s’imaginer et développer d’autres activités en cohérence avec les principes d’une transition écologique et solidaire.

Pourquoi 10 mesures ?

Le Réseau Action Climat a sélectionné 10 mesures qui illustrent l’ambition nécessaire et la diversité des propositions à réaliser pour répondre à l’urgence climatique. Ces mesures, loin d’être exhaustives, sont issues du Pacte pour la Transition.

Les transports

Le transport est le principal secteur émetteur de gaz à effet de serre en France avec 31 % des émissions de gaz à effet de serre, dont 52 % sont issus de la voiture individuelle. Le transport en France a un fort impact sur notre santé, notamment par l’émission de particules (pot d’échappement mais aussi usure des pneus et freins) ou encore avec le bruit. Par ailleurs, ce sont souvent les populations précaires qui habitent les lieux particulièrement exposés à la pollution d’air, notamment aux alentours des axes de transport. Le Réseau Action Climat préconise de réduire la place des véhicules polluants (poids lourds / véhicules diesel / utilitaires etc.) dans les centres urbains (mesure n°1). Afin d’accompagner ces changements de pratiques, il faut développer d’autres modes de transport comme le vélo (mesure n°2) avec des pistes cyclables en nombre et sécurisées mais aussi une offre de services comme un stationnement sécurisé, des ateliers de réparations, etc. Il faut aussi travailler à une complémentarité des modes de transport en renforçant l’offre de transports en commun et en intégrant une tarification accessible aux plus précaires (mesure n°3). Prévoir une telle tarification est primordial pour ne pas exclure une partie de la population.

Les bâtiments et la production d’énergie

Le second secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre en  France est le bâtiment avec 19 % des émissions, principalement émises par le chauffage. Cela vient notamment du fait que les bâtiments sont mal isolés : c’est la double peine pour leurs habitants qui vivent dans le froid et paient une facture énergétique plus importante ! Une politique ambitieuse de rénovation des bâtiments permettrait des économies d’énergie, une protection des plus précaires (mesure n°4) mais aussi la création de nombreux emplois. Il faut accompagner les propriétaires par des dispositifs d’informations, un accompagnement technique et financier, et mener une réflexion pour permettre une couverture jusqu’à 100 % des couts des travaux pour les propriétaires les plus précaires.

Cette rénovation peut être couplée à une production locale et renouvelable de l’énergie, notamment issue de projets citoyens (mesure n°5).

L’agriculture et l’alimentation

Le secteur de l’agriculture est responsable de 19 % des émissions de gaz à effet de serre en France, dont 48 % proviennent de l’élevage. Le GIEC explique que manger moins de viande est le moyen le plus efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur agricole. Les collectivités peuvent agir très concrètement via la restauration collective en instaurant des repas végétariens mais aussi des produits biologiques, locaux et équitables (mesure n°6). Ces changements dans la restauration collective doivent être accompagnés d’une tarification sociale, pour que l’alimentation de qualité soit accessible aux plus modestes. Pour atteindre cet objectif, les futurs élus devront se réapproprier les compétences des collectivités sur l’alimentation et proposer des restructurations de la filière agricole, de la production à la consommation (mesure n°7), en utilisant la capacité d’investissements publics, la gestion du foncier mais aussi la sensibilisation du public.

L’étalement urbain

Un département entier — soit quelque 600.000 hectares — est englouti tous les sept ans dans l’étalement urbain par la construction incessante de maisons individuelles dans des lotissements, de routes, de grandes surfaces et d’entrepôts logistiques. Cet étalement urbain pose de nombreux problèmes : perte de la biodiversité, diminution de la part de champs cultivables, augmentation des risques d’inondations, etc. L’étalement urbain participe aussi à la dépendance à la voiture et augmentent ainsi les émissions de gaz à effet de serre…

Dans un monde sous contrainte carbone, les collectivités doivent cesser de soutenir les grands projets émetteurs de gaz à effet de serre qui sont aussi souvent synonymes de destruction de la biodiversité mais aussi d’emplois comme par exemple, les zones commerciales et logistiques en périphérie des villes (mesure n°8). Au niveau local, les élus peuvent agir, via notamment le plan local d’urbanisme.

La publicité

La publicité est au cœur de la question climatique en poussant à la surconsommation et par le gaspillage énergétique qu’elle représente. Si les élus locaux ne peuvent pas agir directement sur le contenu de la publicité, ils peuvent réduire les espaces disponibles et les aménagements publicitaire via les Règlements Locaux de Publicité (RLP ou RLP intercommunal). Les élus peuvent aussi agir sur la thématique publicitaire, en limitant sa place dans l’espace public, et notamment en interdisant les écrans numériques publicitaires très énergivores (mesure n°9). 

La gestion des déchets

Enfin, la commune est un maillon central en termes de gestion des déchets. Les déchets organiques, qui représentent 1/3 des ordures ménagères et sont, essentiellement composés d’eau, se retrouvent aujourd’hui incinérés ou enfouis. Pourtant, une grande part d’entre eux pourraient être valorisée, via le compost et la méthanisation, ou même être évitée par de la prévention. Pour cela, les collectivités peuvent, d’une part, soutenir les initiatives de compostage de proximité et organiser le tri séparé des biodéchets et, d’autre part, agir sur la prévention en luttant par exemple contre le gaspillage alimentaire. (mesure n°10).

Aller plus loin : les 10 mesures clés du Réseau Action Climat

La méthode détaillée et les extraits de programmes avec l’analyse sont disponibles sur demande à zoe.lavocat[a]reseauactionclimat.org

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