Lutte contre la pollution de l’air : déploiement des Zones à Faibles Émissions, où en sont les villes françaises ?
Pour lutter contre la pollution de l'air, plusieurs villes visent une interdiction progressive de la circulation des véhicules diesel et essence, à l'aide de la vignette "Crit'Air". A quel rythme se déploient ces zones ? Comment concilier cette politique avec la justice sociale ? Enjeux et décryptage du Réseau Action Climat.
Qu’est ce qu’une Zone à Faibles Émissions ?
Une Zone à Faibles Émissions (ZFE) est une mesure pour diminuer progressivement la circulation des véhicules les plus polluants en ville. Leur objectif ? Accélérer la transition vers des modes de transport plus durables et lutter contre la pollution de l’air. Comment ? Les ZFE s’appuient sur l’utilisation de la vignette Crit’Air qui classe les véhicules en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques pour interdire progressivement la circulation des véhicules les plus polluants, diesel puis essence.
Le Réseau Action Climat dresse un état des lieux d’où en sont les villes françaises et des grands enjeux pour garantir le déploiement de ZFE socialement justes.
Pourquoi mettre en œuvre une Zone à Faibles Émissions ?
La lutte contre la pollution de l’air est un enjeu de santé public majeur, on estime que près de 40 000 à 100 000 personnes décèdent prématurément chaque année en France à cause de la pollution de l’air (1). Cette pollution de l’air touche particulièrement les grandes agglomérations françaises et est en grande partie due au transport routier. En effet, le transport routier est responsable de 63% des émissions d’oxydes d’azote (NOx) et de 18% des émissions de particules fines PM2.5 (2). À eux seuls, les véhicules diesel sont responsables de 90% des émissions de NOx du transport routier.
Notre recommandation
Afin de lutter efficacement contre la pollution de l’air, de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de garantir une bonne lisibilité du dispositif ZFE en envoyant un signal clair et anticipé aux habitants des villes concernées, le Réseau Action Climat recommande d’inscrire au niveau national l’objectif de sortie progressive des véhicules diesel à horizon 2025 puis des véhicules essence à horizon 2030 dans les villes les plus polluées.
Progression des zones à faibles émissions : où en sont les villes françaises ?
Depuis le 31 décembre 2021, 10 villes françaises sont dans l’obligation de mettre en œuvre une ZFE. A ce jour, seules 4 villes se sont engagées à interdire progressivement la circulation de l’ensemble des véhicules diesel (Paris, Lyon, Strasbourg et Montpellier) et seule la Métropole du Grand Paris s’est engagée à interdire en 2030 la circulation de l’ensemble des véhicules diesel et essence.
Suite à l’adoption de la loi Climat et Résilience en 2021, les villes en dépassement régulier des normes de qualité de l’air seront dans l’obligation d’appliquer un calendrier minimum d’interdiction des Crit’Air 5 (2023), Crit’air 4 (2024) et Crit’Air 3 (2025). A ce jour, seules les villes de Paris, Lyon et Marseille sont concernées par ce calendrier.
La loi Climat et Résilience prévoit également que l’ensemble des villes de plus de 150 000 habitants présentent leur plan d’action ZFE, au plus tard le 31 décembre 2024. Contrairement à ce que l’on peut parfois lire, ces villes conservent bien la liberté d’appliquer le calendrier ZFE le mieux adapté à leur territoire.
Enfin, au niveau européen, plusieurs villes ont d’ores et déjà acté l’interdiction progressive des véhicules diesel puis essence : Oslo en 2024, Londres en 2025, Amsterdam en 2030, Bruxelles en 2030 pour les véhicules diesel et en 2035 pour les véhicules essence. Plusieurs villes européennes étant en avance sur les villes françaises, cela permet d’avoir déjà un recul sur l’efficacité des ZFE.
A Madrid par exemple, la ZFE a permis de réduire la concentration de dioxyde d’azote (NO2) de 32%.
A Lisbonne, la ZFE a permis de réduire la concentration de NO2 de 12% et celle de PM10 de 23%.
Enfin, à Bruxelles, la ZFE a permis de réduire la concentration de NO2 de 9% et celle PM2.5 de 17%.
Comment garantir la mise en œuvre de ZFE socialement justes ?
Afin de garantir la mise en oeuvre de ZFE socialement justes, celles-ci doivent remplir 5 conditions :
S’assurer que l’amélioration de la qualité de l’air profite à tous en garantissant une répartition équitable des bénéfices sanitaires. Cela nécessite de déployer les ZFE sur un large périmètre géographique, idéalement à l’échelle de l’agglomération, afin que les bénéfices sanitaires ne se limitent pas aux centres-villes.
Adapter la ZFE au contexte local grâce à une mise en œuvre claire et progressive. Le calendrier de mise en œuvre doit être connu suffisamment à l’avance et les restrictions échelonnées dans le temps pour permettre aux particuliers et aux professionnels de se préparer à la mesure et de s’adapter (adoption d’autres modes de transports, changement de véhicule, …). Si nécessaire, les villes peuvent aussi prévoir des dérogations particulières en plus de celles prévues dans la loi.
Anticiper les étapes d’interdiction en développant massivement les alternatives à la voiture individuelle : transports en commun, parcs de vélos en libre service, autopartage, etc.
Proposer des aides adaptées pour les ménages les plus modestes afin de leur permettre, si nécessaire, de remplacer leur véhicule par un véhicule moins polluant.
Faire connaître, conseiller et accompagner les ménages et les professionnels dans l’obtention de ces aides.
Les aides existantes
Plusieurs dispositifs d’aide permettent déjà d’accompagner la mise en oeuvre des ZFE :
Une prime à la conversion d’un montant maximum de 5000€ selon le revenu fiscal. Cette prime à la conversion peut-être complétée par une “surprime-ZFE” de 1000€. Suite à l’adoption de la loi Climat et Résilience, la prime à la conversion a été ouverte aux vélos à assistance électrique (VAE), l’aide est cependant limitée à 40% du coût d’acquisition dans la limite de 1500€
Un bonus écologique d’un montant maximal de 6000€ pour l’acquisition d’un véhicule neuf. Ce bonus a récemment été élargi aux véhicules d’occasion, son montant est de 1000€.
Une aide à l’acquisition d’un vélo à assistance électrique (VAE) pouvant atteindre jusqu’à 400€ selon le revenu fiscal.
Nos propositions pour renforcer l’accompagnement social des Zones à Faibles Émissions
S’ il existe déjà plusieurs dispositifs d’aide au niveau national, le Réseau Action Climat considère néanmoins que les mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des ZFE doivent encore être multipliées et renforcées. Les propositions du Réseau Action Climat rejoignent très largement les conclusions de la mission d’information parlementaire sur l’accompagnement social des ZFE qui a rendu ses conclusions en octobre 2022.
Accroître les investissements dans les services de transport en commun et en particulier les services express métropolitains afin de mieux relier les villes-centres avec le reste de leur agglomération et de proposer une alternative efficace à la voiture individuelle.
Augmenter le fonds vélo à hauteur de 500 millions d’euros par an pour soutenir le développement du vélo sur tous les territoires, avec une attention particulière sur les aménagements interurbains et les entrées de ville.
Mettre en place à l’échelle de chaque région, une formule d’abonnement unique qui permette d’accéder à l’ensemble de l’offre de transport du quotidien (transports en commun, TER, Intercités) et appliquer la tarification solidaire à cette formule.
Renforcer le malus poids pour réorienter la production de véhicules vers des voitures plus légères et mois chères.
Recentrer les aides à l’achat d’une voiture moins polluante sur les ménages les plus modestes. Cela doit notamment passer par l’exclusion de la prime à la conversion des 30% des ménages les plus aisés et la création d’une super prime à la conversion de 8000€ pour les 50% des ménages les plus modestes.
Instaurer un prêt à taux zéro mobilités garanti par l’Etat et ciblé sur les ménages les plus modestes.
Structurer un service national d’accompagnement et de conseil en mobilité via les Maisons France Services. Ce service devrait notamment permettre de faciliter l’obtention des aides en jouant le rôle de guichet unique et en offrant un service d’accompagnement personnalisé.
Généraliser le forfait mobilités durables payé par l’employeur afin d’inciter et d’accompagner les salariés dans l’utilisation d’autres modes de transport tels que le vélo, le covoiturage ou encore l’autopartage. Aujourd’hui, seul le remboursement des trajets domicile-travail effectués en voiture et en transports en commun sont obligatoires pour l’employeur.
Faciliter et inciter les collectivités à développer des offres de covoiturage et de voitures partagées.
Quel rôle pour les villes dans la fin des voitures essence et diesel ?
Les villes doivent aussi prendre leur part et proposer des dispositifs qui permettent d’accompagner la mise en œuvre des ZFE. Afin de renforcer la connaissance et la diffusion des dispositifs d’accompagnement pouvant être mis en place localement, le Réseau Action Climat a réalisé une sélection des initiatives déployées dans plusieurs villes françaises pour accompagner le déploiement des ZFE : aide à l’acquisition, aide au retrofit, aide à la réparation vélo, intégration de l’offre de covoiturage à l’offre de transport en commun, etc.
(1) D’après Santé Publique France, la pollution de l’air est responsable de 40 000 décès prématurés par an en France. Une étude publiée par des chercheurs en santé environnementale de l’université de Harvard estime que le nombre de décès prématurés par an pourrait être sous-évalué et davantage proche de 100 000 décès prématurés par an en France.
(2) Chiffres CITEPA 2020 (pour l’année 2019).
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