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ArcelorMittal et le gouvernement français font une annonce forte pour le climat

Ce vendredi 4 février, à l’occasion de la visite de Jean Castex à Dunkerque, ArcelorMittal a annoncé la fermeture de trois de ses cinq hauts fourneaux fonctionnant au charbon et encore présents sur le territoire national sur les sites de Dunkerque et Fos-sur-Mer. Le Réseau Action Climat salue cette décision et en analyse les implications.

Hauts Fourneaux

Grâce à un investissement de 1,7 milliard d’euros, en partie financé par des aides publiques issues du plan France 2030, le groupe prévoit de remplacer ces installations par des fours à arc électrique et une usine de réduction directe à l’hydrogène, moins émetteurs en carbone.

Ces transformations permettront la réduction de 7,8 millions de tonnes de carbone par an, soit 10% des émissions industrielles françaises. Pour Léa Mathieu Figueiredo, responsable industrie au Réseau Action Climat :

« Cette annonce est majeure, tant sur le plan industriel par le symbole que représente la fermeture des hauts fourneaux, que sur le plan environnemental par l’impact conséquent en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre.”

Zoom sur La filière sidérurgique

La filière sidérurgique française emploie 31 275 personnes, représente un chiffre d’affaires de 14,9 milliards d’euros pour une production en 2019 de 14,5 millions de tonnes d’acier et une consommation de 10 millions de tonnes. ArcelorMittal concentre les deux-tiers de la production française et les deux sites de Dunkerque et Fos-Sur-Mer représentent à eux seuls près de 3,5 % des émissions du territoire national.

L’engagement d’un groupe industriel au poids économique, industriel et carbone aussi important est évidemment une nouvelle encourageante pour le climat mais elle reste conditionnée à sa bonne mise en œuvre.

Une attention particulière devra être portée sur :

  • le déploiement des procédés de production (développement de l’économie circulaire et hydrogène durable)

  • les conditions de mise en oeuvre et le suivi des mesures

  • la création de marchés pour les produits dits “verts”

  • une transition juste et socialement acceptable

Vers un verdissement des procédés de production de l’acier

L’objectif est de substituer le procédé de production des hauts fourneaux par de nouveaux procédés de production innovants et le renforcement du recyclage de la ferraille.

Construction d’une usine de réduction directe du minerai de fer (DRI) avec de l’hydrogène à Dunkerque

Sur le modèle de la Suède, dont le projet Hybrit a permis de produire pour la première fois un acier vert à l’été 2021, ArcelorMittal prévoit de substituer l’hydrogène au coke dans son usine de Dunkerque.

L’enjeu du développement de cette technologie est d’assurer l’utilisation d’un hydrogène produit par électrolyse à partir d’électricité d’origine renouvelable (pour plus de détail, voir notre position sur l’hydrogène)

Trois aciéries électriques (deux à Dunkerque et une à Fos-sur-Mer)

La construction de nouvelles aciéries électriques va dans le sens du développement de l’économie circulaire dans la production industrielle avec l’augmentation du taux de recyclage et de réincorporation de la ferraille.

Dans son scénario NégaMat 2022, Négawatt prévoit une très forte substitution de la matière première vierge au profit de la matière secondaire d’ici 2050 et un taux de recyclage des métaux de 95%.

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Cette démarche s’inscrit dans une logique plus globale de sobriété à laquelle l’ensemble de l’industrie lourde doit prendre part, comme nous avons déjà pu le présenter.

Conditionner les aides publiques au respect d’objectifs climat ambitieux

Ces annonces ambitieuses sont un premier pas mais elles doivent maintenant être suivies avec beaucoup de vigilance.

Les financements publics débloqués doivent être conditionnés au respect d’une trajectoire compatible avec une hausse maximale de 1,5°C et à la réduction effective des émissions de gaz à effet de serre, sous peine de sanctions financières, ainsi qu’un maintien de l’emploi et d’un accompagnement des salariés et des sous-traitants vers ces nouvelles filières.

De plus, la réforme du marché carbone européen, et plus particulièrement la fin des permis à polluer gratuits délivrées sur le marché ETS, comme nous le soutenons et l’avons présenté dans notre décryptage du paquet climat européen, est une mesure essentielle. Celle-ci permettra dans le même temps de détourner les industriels des productions fortement émettrices et permettra une meilleure compétitivité des produits faiblement émetteurs comme l’acier vert sur le marché européen, et donc un moindre besoin de soutien public.

Enfin, au-delà de la transformation des sites industriels, il est nécessaire de mettre en place des incitations afin que ces nouveaux produits dits “verts” et faiblement carbonés restent compétitifs et puissent trouver un marché. La création de contrats carbone pour la différence, comme annoncé par le Premier ministre Jean Castex, va dans ce sens.

Cette stimulation de la demande pour ces produits pourra également passer par des incitations réglementaires avec l’élaboration de normes et standards exigeants sur les produits échangés sur marché européen, dans les cahiers des charges du bâtiment ou de la commande publique

Assurer le maintien des emplois et l’adaptation des compétences

Les annonces sont à ce stade peu détaillées sur la question centrale du maintien dans l’emploi des 6000 salariés concernés. Bien qu’ArcelorMittal se dise “capable de transformer des sites sans licenciement”, le conflit social autour de Florange en 2011 avait durablement marqué les esprits. Le Réseau Action Climat appelle à une vigilance accrue quant au déploiement d’un accompagnement rapproché et individualisé, y compris pour les entreprises sous-traitantes, et de formations permettant aux salariés de faire évoluer leurs compétences. 

La forte implication des salariés dans les discussions est essentielle pour une transition réussie des 2 sites.  

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