Un plan de relance vert pâle
Les détails des 100 milliards d’euros du Plan de relance ont été dévoilés la semaine dernière. Il est annoncé que 30 % de l'argent sera fléché vers la transition écologique. Cependant, une analyse plus détaillée nous permet de repérer des investissements qui sont incompatibles avec la transition écologique. Décryptage.
Les détails des 100 milliards d’euros du Plan de relance ont été dévoilés la semaine dernière. Il est annoncé que 30 % de l’argent sera fléché vers la transition écologique.
Dans ces 30 milliards d’euros sont notamment comptabilisés 6,7 milliards d’euros pour la rénovation thermique, 4,7 milliards pour le rail, 2 milliards dans l’hydrogène et 1 milliard pour l’agriculture et l’alimentation ainsi que des financements pour la décarbonation de l’industrie et des formations vers des métiers verts(1).
Investi de la bonne façon et dans les bons secteurs et sans financer de projets nuisibles au climat, cet argent pourrait donner un véritable coup d’accélérateur à la transition écologique. Cependant, une analyse plus détaillée de l’allocation de ces 30 milliards d’euros nous permet de repérer des investissements qui ne contribuent pas à la transition écologique ou qui y sont incompatibles, voire nuisibles (technologies ou projets incompatibles avec les principes de la transition écologique : nucléaire, agriculture de précision, hydrogène non-renouvelable, 5G, etc.).
En outre, sur les investissements compatibles avec la transition écologique, plusieurs freins limitent leur potentiel :
- Le bornage à deux ans des aides pour la transition, ce qui ne permettra pas à ces filières d’avenir de s’implanter de manière pérenne.
- Le sous-calibrage de certaines lignes budgétaires qui ne permettront pas d’atteindre les objectifs affichés (1 milliard €/an supplémentaire sur la rénovation des logements privés ne permet ni d’augmenter la performance des rénovations ni de diminuer le reste à charge pour les ménages les plus modestes).
- La question de l’additionnalité de certains financements laissée en suspens : est-ce que la totalité des 4,7 milliards d’euros pour le ferroviaire représente des crédits additionnels ?
- Les aides aux entreprises, sans aucune condition écologique et sociale, qui continuent d’alimenter des secteurs incompatibles avec les limites planétaires (notamment la baisse des impôts de production).
- La confusion entre les priorités dans l’allocation d’une partie de ces 30 milliards d’euros. C’est notamment le cas dans le soutien aux indicateurs de qualité et d’origine qui ne présentent pas de garanties environnementales.
Mener une politique écologique, sociale et économique cohérente avec nos objectifs climatiques n’est pas compatible avec un soutien inconditionnel aux entreprises qui aggravent le dérèglement climatique. Il ne s’agit pas d’un plan de relance “vert de rupture” qui permet de faire le saut nécessaire vers un nouveau système de production et de consommation plus résilient.
Le Réseau Action Climat en appelle aux Parlementaires pour augmenter l’ambition et la cohérence du Plan de relance et rendre le budget global de la France pour 2021 plus vert et plus juste.
Notre évaluation :
✅ : Proposition qui contribue à la transition écologique
❌ : Proposition qui freinera l’action climatique
📝 : Proposition devant être améliorée
Quelle ambition climat du Plan de relance?
Besoin de précisions concernant l’impact climat du Plan de relance
📝 Le communiqué du Gouvernement nous indique que les mesures de rénovation énergétique des bâtiments, de décarbonation des sites industriels, de verdissement du parc automobile privé et public et le développement de transports en commun permettront de générer des baisses d’émissions de “57 millions de tonnes de CO2”.
Aucune explication supplémentaire n’est donnée pour préciser la durée de vie des investissements considérés ou le choix du calcul en CO2, excluant par celà les émissions de méthane, etc.
Placer un tel chiffre sans aucune contextualisation ou méthodologie dans un document officiel pose, pour le Réseau Action Climat, un problème de crédibilité.
S’il est nécessaire d’avoir une évaluation sérieuse ex-ante concernant l’impact additionnel du Plan de relance sur l’évolution des émissions, en prenant en compte l’impact des subventions brunes, nous n’avons certainement pas besoin d’un coup de communication.
Notre proposition
– Publier une véritable évaluation ex-ante des impacts écologiques (sur les gaz à effet de serre mais aussi sur la biodiversité) ainsi que les impacts sociaux et sur l’emploi.
– Élargir l’application de la méthodologie “budget vert” pas seulement au PLF2021 et au Plan de relance, mais également aux 3 LFR de 2020, pour identifier l’équilibre des financements entre ceux favorables et défavorables au climat et plus globalement à l’environnement.
Rénovation énergétique des logements publics et privés
4 milliards d’euros pour la rénovation des bâtiments publics
✅ L’investissement de 4 milliards d’investissement pour rénover les bâtiments publics va dans le bon sens(2). Par contre, il faudra veiller, notamment pour les actions dites de “gain rapide” et de “gros entretien”, à ce que les travaux restent compatibles avec une future rénovation lourde pour cibler une performance énergétique ambitieuse.
2 milliards d’euros pour la rénovation des logements privés
📝 Ajouter un milliard d’euros par an au budget du dispositif de MaPrimeRénov permettra de revenir sur le niveau d’investissements publics atteint en 2018 par le Crédit d’Impôt Transition Energétique (CITE), mais ne servira pas de moteur suffisant à l’accélération souhaitée du nombre des rénovations et de leur performance.
Si dans le même temps on rapporte cette augmentation à l’élargissement du nombre de bénéficiaires de MaPrimeRénov’ (à partir de 2021, MaPrimeRénov inclura les déciles 9 et 10 de revenus, les propriétaires bailleurs et les syndicats de copropriété), on voit mal comment aller vers une réduction du reste à charge pour les ménages les plus modestes et à une augmentation de la performance des rénovations. Il faudra donc se partager la somme entre plus de personnes éligibles(3).
Pour que cet élargissement soit “juste écologiquement” il serait nécessaire de conditionner ces subventions publiques à l’atteinte d’un haut niveau de performance pour ces travaux.
Avec la transformation du CITE en prime (MaPrimeRénov’) il n’existe plus d’espace public pour discuter des détails techniques (performance ciblée, aide financière proposée, type d’accompagnement). En effet le contenue de MaPrimeRénov’ est techniquement discuté entre le Ministère de transition écologique et l’ANAH et passera plus par un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat comme cela a été le cas jusqu’ici.
Notre proposition
– L’augmentation des financements publics est la bienvenue, mais n’est pas encore de l’ordre de ce qui doit être envisagé pour permettre au minimum la rénovation des passoires énergétiques dans les années à venir. Selon l’étude publiée par l’Initiative Rénovons, il faudrait en effet 3,2 milliards d’euros, ciblées uniquement sur les passoires, pour les rénover au niveau Bâtiment Basse Consommation (BBC), chaque année jusqu’à 2040. Les ménages modestes et très modestes pourraient paradoxalement se retrouver perdants si aucune annonce supplémentaire ne vient compléter ce dispositif.
– Généraliser les bâtiments très performants (niveau Bâtiment Basse Consommation) en rendant la rénovation énergétique globale progressivement obligatoire, comme le préconise la Convention Citoyenne pour le Climat. Pour la rendre possible et acceptable, l’obligation de rénovation doit bien sûr être accompagnée des aides financières et de l’accompagnement opérationnel à la hauteur de cette ambition, notamment pour les ménages modestes qui ne doivent être pénalisés. Elle devra être articulée avec les enjeux de biodiversité et de santé (végétalisation des toitures et/ou des façades, anfractuosités et nichoirs favorables à la faune, matériaux biosourcés, etc.) à travers des conditionnalités ou des bonus.
Automobile : soutenir l’achat des véhicules à faibles émissions
❌ Le Gouvernement avait déjà annoncé la mise en place de mesures en soutien d’un grand plan de déstockage automobile, en augmentant le bonus pour les véhicules électriques, mais en finançant également 200 000 acquisitions de voitures neuves majoritairement thermiques, pour un coût budgété via le plan de relance à 1,9 milliards d’euros. Contrairement à ce qu’a avancé le Gouvernement, cette aide n’a pas touché que les plus précaires, puisque les critères d’éligibilité ont été élargis pour toucher près de trois quarts de la population. De plus, à l’image des autres plans de sauvetage mis en oeuvre par le Gouvernement, aucune contrepartie claire, en matière de relocalisation ou d’investissement dans les nouvelles mobilités par exemple, n’ont été fixées par le Gouvernement.
Notre proposition
– Revoir en profondeur la fiscalité automobile pour qu’elle soit réellement efficace d’un point de vue écologique et sociale.
– Renforcer le barème du malus fondé sur les émissions de CO2 et asseoir la fiscalité automobile sur le critère complémentaire du poids des véhicules.
– Revoir les critères d’éligibilité du bonus et de la PAC pour les recentrer sur les véhicules les moins émetteurs et les besoins des plus démunis, en les complétant de d’autres dispositifs le cas échéant tel qu’un prêt à taux zéro.
– Ouvrir les aides aux autres modes de mobilité pour sortir d’une simple logique de subvention au marché et accompagner l’évolution des pratiques de mobilité.
250M pour le développement de nouveaux projets d’infrastructures routières
❌ Alors que les financements du plan de relance dans le secteur des transports devraient être exclusivement tournés vers les modes de transport les moins émetteurs, le Gouvernement prévoit de financer de nouveaux projets d’infrastructures routières totalement incompatibles avec les principes de la transition écologique et juste.
Notre proposition
Exclure tout financement de nouveaux projets d’infrastructures routières du plan de relance.
Transport : développer des alternatives à la voiture
4,7 milliards d’euros pour le ferroviaire
📝 Les annonces faites en faveur du transport ferroviaire sont un signal positif mais ce plan reste sous dimensionné par rapport aux besoins de financement et très en deçà des soutiens qui ont été apportés aux secteurs auto et aérien (23 milliards d’euros au total). Ce plan prévoit un montant d’investissement total de 4,7 milliards d’euros sur deux ans alors que les besoins d’investissements supplémentaires sont estimés à environ 3 milliards d’euros/an(4). La limitation de ce soutien aux deux prochaines années est aussi problématique alors qu’une vraie vision et ambition pour le ferroviaire doit se construire à horizon dix ans. Reste aussi le flou qui demeure entre les crédits qui sont réellement des crédits additionnels et ceux qui viennent financer des dépenses déjà programmées. Enfin, ce plan évince une question majeure : le sauvetage financier de la SNCF très durement touchée par la crise sanitaire. Il ne dit rien non plus sur un rééquilibrage, pourtant indispensable, de la fiscalité entre les différents modes de transport que ce soit pour le fret ou les voyageurs.
Notre proposition
-Élaborer une véritable stratégie de développement du transport ferroviaire à horizon dix ans en investissant 3 milliards d’euros supplémentaires par an pour régénérer toutes les composantes du réseau (axes structurants, petites lignes, trains de nuit, lignes de fret, etc.), renouveler le parc de matériel roulant, faire des gares de véritables pôles d’intermodalité et encourager l’emport des vélos dans les trains, soutenir l’activité de fret ferroviaire.
-Sauver la SNCF en la recapitalisant à hauteur des pertes subies durant la crise sanitaire.
-Rééquilibrer la fiscalité entre les différents modes de transport, aussi bien pour le fret que pour les voyageurs, faute de quoi la “relance du ferroviaire” restera un voeu pieux.
1,2 milliards d’euros pour les transports du quotidien (vélo et transports en commun)
📝 Les annonces faites en faveur des transports du quotidien (1 milliard d’euros) sont positives mais leurs effets risquent d’être limités faute de cohérence globale. Le Gouvernement prévoit en effet d’investir dans le développement des transports collectifs du quotidien afin de favoriser le report modal depuis la voiture individuelle mais d’un autre côté, il prévoit aussi d’investir dans la modernisation du réseau routier en accélérant par exemple le passage en 2*3 voies de la rocade bordelaise… Ces investissements dans de nouveaux projets d’infrastructures routières ne feront qu’accroître le trafic autoroutier au détriment du développement des transports en commun et du vélo. Le Gouvernement ne règle pas non plus la question du financement des transports publics de province durement touchés par la crise (selon l’UTP les pertes en lien avec la crise sanitaire sont estimées à 4 milliards d’euros). Concernant les crédits spécifiquement alloués au développement du vélo (200M€), c’est un signal très encourageant mais qui reste insuffisant en vue d’atteindre l’objectif ambitieux fixé par la loi mobilités de 9 % des déplacements à vélo en 2024.
Notre proposition
– Mettre en cohérence les différents volets du plan de relance en en excluant tout financement de nouvelles infrastructures routières.
– Elaborer un plan de soutien financier aux transports publics de province sur le modèle de l’accord trouvé avec Ile-de-France Mobilités.
-Porter le montant du fonds vélo à 500M€ par an pour atteindre un investissement annuel de 4 à 5 milliards d’euros. C’est le budget nécessaire pour résorber rapidement le déficit d’infrastructures, développer la pratique du vélo dans tous les territoires (urbains, périurbains, ruraux) et atteindre l’objectif fixé par la loi mobilités de 9 % des déplacements à vélo en 2024.
Transformation du système agricole et alimentaire
Le budget accordé au secteur agricole est bien trop faible. Un milliard d’euros sur 2 ans pour le secteur agricole (excluant donc les 200 millions d’euros pour la forêt) correspond à 1 % du plan de relance alors que ce secteur représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, à peu près 30 % des enjeux liés à la biodiversité et 5 % de la population active directe pour la partie production (agriculture et industries agroalimentaires, donc sans compter les emplois indirects générés par le secteur).
Parmi les 30 milliards dédiés à la transition écologique, le milliard affecté à la transition du secteur agricole regroupe diverses mesures. Si certaines favorisent effectivement la transition (par exemple le soutien à la conversion à l’agriculture biologique), d’autres n’y contribuent pas (parmi lesquelles les investissements dans des équipements répondant aux exigences de clients étrangers, la robotisation des abattoirs, etc.).
Enfin, si des financements devaient être alloués au secteur agricole et alimentaire dans la perspective de la transition écologique, ceux-ci devraient servir une transformation profonde et systémique de nos modèles agricoles et d’élevage et non pas être une addition de petits financements.
Accélérer la transition agroécologique au service d’une alimentation saine, durable, locale, de qualité pour tous
📝 400 millions d’euros sont prévus sur cet axe : comparativement, 250 millions d’euros sont prévus pour l’agroéquipement et l’agriculture de précision : il y a clairement un manque de sens des priorités.
- Le Fond d’avenir bio est renforcé pour la structuration des filières. C’est bien, mais le montant de 60 millions d’euros, partagé entre le Plan de structuration des filières agricoles et alimentaires et le renforcement du Fonds Avenir Bio, est insuffisant.
- Une prime à l’investissement pour la restauration collective est prévue mais c’est insuffisant car elle ne vise que les cantines scolaires des écoles maternelles et primaires des petites communes. De même le montant de 50 millions d’euros est insuffisant alors que 330 millions d’euros par an pendant trois ans sont nécessaires.
- Le montant pour soutenir la structuration des filières locales au travers de projets alimentaires territoriaux, de 80 millions d’euros, est insuffisant. Des critères environnementaux et sociaux pour l’octroie des aides aux PAT doivent être fixés. Par ailleurs, ce point donne trop d’importance au HVE : il s’agit d’une démarche qualité qui n’est pas du même niveau que le label AB (qui est un label, avec certification ecocert et contrôles).
- Dans le cadre de l’amélioration des pratiques agricoles, l’AB et les haies sont des bonnes solutions, mais la HVE et les SIQO ne doivent pas être placés au même niveau et ne doivent pas bénéficier de financements censés répondre aux enjeux environnementaux.
Notre proposition
– L’ensemble de l’enveloppe destinée au secteur agricole et alimentaire doit être alloué à la transition agroécologique, dont l’agriculture biologique, pour opérer le virage nécessaire.
– Le montant du Fonds Avenir Bio doit être précisé et une partie doit être fléchée via les structures territoriales dont les ONVAR, notamment les GAB, CIVAM, etc., et donc passer par une remise en question de la ventilation actuelle des fonds CASDAR (répartitions, montants, nature des financements, bénéficiaires).
– Flécher la prime à l’investissement pour la restauration collective vers toutes les collectivités territoriales et fixer le montant à 330 millions d’euros.
– Fixer des critères environnementaux et sociaux pour l’octroie des aides aux PAT et en préciser les montants.
– Pour des raisons de priorisation dans l’utilisation de l’argent public, exclure la HVE et les SIQO des critères environnementales.
Filières animales : modernisation, sécurité sanitaire et bien-être animal
❌ Certains points de cet axe sur les filières animales peuvent apporter une amélioration du bien être animal mais, dans sa globalité, il se concentre sur de la protection des maladies et de la modernisation des équipements. Concernant les abattoirs par exemple, si dans certains cas leur modernisation peut apporter des améliorations pour les animaux, la robotisation, l’automatisation ou la digitalisation sont loin d’être prioritaires car ils n’améliorent pas la transition écologique. L’axe “compétitivité des abattoirs”, risque de conduire à augmenter la taille des abattoirs pour les automatiser, et donc accentuer la concentration territoriale de l’élevage, là où on aurait au contraire besoin de déspécialiser les régions. Et surtout, rien n’est prévu pour accompagner le changement global de nos modèles d’élevage vers plus de durabilité et de bien-être animal.
Notre proposition
Des soutiens doivent être prévus pour la conversion des élevages vers des élevages durables (extensifs, permettant de replanter ou maintenir les haies et prairies permanentes naturelles, autonomes pour leur alimentation, à l’herbe pour les ruminants et au maximum à l’air libre pour les granivores, etc.), dans une approche systémique et respectueuse du bien-être animal.
Stratégie nationale sur les protéines végétales
📝 Le budget de 100 millions d’euros est largement sous-dimensionnés par rapport aux besoins de transformation des filières de légumineuses. De plus, l’objectif de « permettre à la France de réduire sa dépendance » ne va pas assez loin et ne vise pas l’autonomie protéique totale pour l’alimentation humaine et animale. Puis, il n’est fait mention à aucune mention de critères environnementaux dans les modes de cultures ou de prise en considération d’une approche systémique. En effet, au delà des impacts environnementaux positifs, les filières de qualité (en particulier AB) de légumes secs à destination de l’alimentation humaine ont clairement un avantage concurrentiel par rapport aux filières conventionnelles concurrencées par les importations. Enfin, dans la période transitoire où les importations de soja en provenance d’Amérique du Sud seront toujours indispensables, il n’est pas prévu de mesures pour s’assurer que le soja importé ne contribue pas à la conversion d’écosystèmes.
Notre proposition
– Nous avons besoin d’un cap beaucoup plus ambitieux qui doit viser à moyen terme l’autonomie protéique totale pour l’alimentation humaine et animale. Cette stratégie doit nous affranchir des importations de soja dont l’impact sur la biodiversité et le climat est désastreux. Ceci passera nécessairement par l’évolution du modèle d’élevage (avec meilleure autonomie) et la réduction de la production de viande, d’oeufs et de produits laitiers. Il faut donc que cette stratégie inclut des mesures visant à accompagner l’évolution de l’élevage et une réduction du cheptel. A travers le déploiement des légumineuses, cette stratégie doit en outre être articulé à un objectif de diminution de l’utilisation des engrais azotés de synthèse pour pouvoir prétendre atteindre les objectifs fixés par la stratégie nationale bas carbone.
– Cette stratégie doit prioritairement soutenir les filières de légumes secs en AB.
– La priorité de cette stratégie doit être mise sur les produits pas ou faiblement transformés, au détriment des produits très transformés (ingrédients, cracking, etc.), dont les impacts nutritionnels sont encore peu connus. La stratégie ne doit pas tout miser sur les filières de transformation et doit être articulé avec le PNNS qui encourage l’augmentation de la consommation de légumes secs et des produits peu transformés.
– Gouvernance et fléchage des fonds : Il faut que les ONVAR, dont les GAB, CIVAM, CUMA, etc. mais aussi les collectivités territoriales bénéficient d’une partie de l’enveloppe. Tout l’argent ne devra pas passer par l’interprofessionnational mais pouvoir être déployé dans les territoires dans le cadre de projets de développement local notamment adaptés aux exploitations les plus petites. Cela peut notamment passer par des programmes CASDAR et donc par une remise en question de la ventilation actuelle des CASDAR (répartitions, montants, nature des financements, bénéficiaires).
– Mise en oeuvre effective de la Stratégie Nationale de lutte contre la Déforestation Importée : le Gouvernement doit mettre en oeuvre les propositions du Conseil Scientifique et Technique pour élaborer un mécanisme de gestion des risques permettant d’éviter les importations de soja issu de conversions d’écosystèmes et agir au niveau européen pour qu’une législation interdise la mise sur le marché de produits liés à la conversion d’écosystèmes naturels.
Agroéquipement
❌ L’agroéquipement inclut notamment le renouvellement de pulvérisateurs, une prime à la conversion pour inciter les exploitations agricoles à acquérir des matériels de précision permettant d’optimiser les pratiques, etc. Une partie de cette argent ira donc à l’agriculture de précision. Mais attention à ne pas se tromper de priorité. L’urgence est à la transition agroécologique et climatique : agriculture biologique, haies, prairies, diversification des fermes et des territoires, systèmes alimentaires durables et solidaires. L’agroéquipement à outrance, dont l’agriculture de précision, ne doit pas être financé par de l’argent public.
Notre proposition
Zéro financement public sur l’agriculture de précision notamment tant que des études d’impacts sur la biodiversité, le foncier, le climat, etc. ne sont pas faites.
Le financement des collectivités territoriales pour la mise en oeuvre des politiques de la transition écologique – un trou dans la raquette
Aucune mention de la généralisation des contrats de relance et de développement écologiques et de financements pérennes pour les collectivités
❌ Depuis le début de la crise sanitaire, les territoires sont mis en avant comme acteurs essentiels pour mettre en oeuvre la transition écologique et la relance, le Gouvernement multipliant les effets d’annonce comme “la généralisation de contrat de développement écologique à 100 % des territoires d’ici à 2021”. Or, si le constat est partagé de l’importance des collectivités territoriales, ces propositions sont pour l’instant une coquille vide. En effet, le plan de relance ne mentionne pas les contrats de développements écologiques qui n’ont pour l’instant aucune ligne de financement dédiée, ni périmètre pour ces contrats (EPCI, territoires de projets etc ?) et ni aucune condition à des objectifs climatiques.
Alors que la crise actuelle fragilise les collectivités territoriales, avec une baisse des recettes fiscales d’au moins 7,5 milliards d’euros pour 2020 et 10 milliards pour 2021(5), cette fragilité financière est accentuée par la baisse des impôts de production. Il est nécessaire de remarquer que pour permettre la mise en œuvre effective de l’ensemble des actions prévues dans le Plan de relance, il est indispensable de garantir aux collectivités des moyens financiers pour accompagner leurs dépenses d’investissement et de fonctionnement.
Enfin, le plan de relance ne permet pas d’avoir de la visibilité puisqu’il ne propose des financements que sur deux ans : il est clair qu’une collectivité ne peut pas construire de projets territoriaux sur une période si courte qui nécessite un soutien pérenne.
Notre proposition
Le Plan de relance ne répond pas aux exigences de transition pour les collectivités et le PLF2021 devra apporter les réponses à ces questions. Cela passe par généraliser les contrats de relance et de développement écologique à 100% des territoires en y adossant des moyens financiers suffisants.
Afin de s’assurer de l’efficacité de ces contrats de relance et de développement écologique (CRDE), il faut :
– que des financements suffisants et dédiés à du fonctionnement soient adossés à leur réalisation. Sans personne capable de porter les politiques publiques à l’échelle locale, celles-ci ne seront pas mises en oeuvre.
– qu’ils soient adossés au Plan Climat et à la stratégie climat-énergie locale en cohérence avec le SRADDET
– qu’ils soient conditionnés au soutien de secteurs clés de la transition écologique et sociale, tout en bannissant les secteurs les plus émetteurs
– qu’ils soient assortis d’un engagement à faire une évaluation environnementale du budget
Les financements d’investissement présents actuellement dans le Plan de relance devront augmenter et surtout être sanctuarisés et pérennisés au delà de 2022.
Les aides aux Entreprises : Baisse d’impôts de production et eco-conditionnalités climat
La baisse des impôts de production
❌ Le Plan de relance inclut une baisse durable des impôts de production de 10 milliards d’euros par an; 20 milliards d’euros sur les deux ans du Plan de relance sans aucune conditionnalité ni écologique ni sociale pour les entreprises concernées et sans fléchage vers les activités compatibles avec le transition écologique. La baisse d’une partie des impôts concernés (notamment de la CVAE – La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) va de manière disproportionnée aux grosses entreprises. Et il n’y a aucune assurance que cette baisse qui diminue les recettes des collectivités contribuera à créer une dynamique de relocalisation. Il s’agit d’un cadeau aux entreprises sans aucune considération sur leur performance environnementale et sociale.(6)
Notre proposition
– Revenir sur cette annonce et soutenir plutôt les entreprises dont l’activité est compatible avec l’accord de Paris et garant d’emplois locaux et stables.
– Exclure au moins les entreprises des secteurs polluants de la liste des bénéficiaires ainsi que les grandes entreprises soumises au reporting extra-financier.
– Diminuer les “subventions à la production”qui dépassent largement les impôts de production.
L’absence d’éco-conditionnalités aux aides aux entreprises
❌ Il y a des nombreux subventions et prêts garanties (par exemple le volet “Financement des entreprises” et “Souveraineté technologique” dans la partie Compétitivité(7)) qui bénéficieront aux entreprises françaises. A aucun moment il y a mention du sujet des eco-conditionnalités climat pour les aides aux entreprises; un sujet portant débattu au PLFR2 et 3(8) et pour lequel des nombreux acteurs sont en attente d’une annonce du gouvernement.
Notre proposition
Mettre en place une réelle conditionnalité climat pour les entreprises qui comporte les éléments suivants :
– Un périmètre large des aides concernées : tout type de soutien public (chômage partiel, garanties exports, montée au capital, PGE, aides à la relocalisation, etc);
– Abaisser le seuil des entreprises concernées : au moins les entreprises soumises au reporting extra financier ; à élargir progressivement à toutes les entreprises;
– Un reporting annuel scope 1-2-3 (la définition des émissions significatives reste trop lacunaire pour le moment);
– Une trajectoire de réduction annuelle des émissions (scope 1-2-3) en valeur absolu en cohérence avec un scénario globale de 1,5°C spécifique au secteur d’activité (à périmètre d’activité stable);
– Afin de garantir cette trajectoire, l’entreprise doit publier annuellement le montant d’investissement total tout en soulignant les sommes en faveur de la transformation écologique de ses activités lors des dix prochaines années;
– Une sanction pour le non respect et un retard de publication du reporting;
– Une sanction pour le non respect / le dépassement des réduction d’émissions annuelles;
– Montée au capital de l’Etat, avec droit de veto au sein du conseil d’administration, dans les entreprises bénéficiaires pour empêcher tout projet d’investissement incompatible avec une trajectoire 1,5°C eu égard aux objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre définis par le HCC ;
– Aujourd’hui le sujet des éco-conditionnalités climat est discuté sous l’angle des conditionnalités aux soutiens financiers publics mais il s’agit d’élargir le sujet notamment dans le cadre du Projet de loi “Convention Citoyenne pour que les conditionnalités concernent progressivement toutes les entreprises.
Bpifrance et son plan Climat
Au coeur du plan de relance, Bpifrance dit opérer sa transformation pour devenir la “Banque du Climat”. Bien que la démarche soit bienvenue car la banque publique était très en retard sur l’alignement de ses activités avec l’Accord de Paris(9), son plan de transformation est loin d’être à la hauteur.
Pas de plan pour mettre fin aux aides à l’exportation dans les énergies fossiles
❌ Proposition qui freinera l’action climatique
C’est notamment du côté des aides à l’export que le bât blesse. Sa filiale Assurance Export est la plus carbonée : elle finance massivement le secteur des hydrocarbures, l’aéronautique et la construction navale. Or, Bpifrance ne compte pas mettre fin à son soutien aux exportations des secteurs polluants. Dernier exemple en date, la banque publique s’apprêterait à subventionner, au nom et pour le compte de l’Etat, un immense projet gazier de Total dans l’Arctique russe(10).
Pour décarboner son portefeuille export, la banque annonce simplement faire plus de “vert”, en promouvant les exportations d’énergies renouvelables. Bpifrance ne mobilisera que 275 millions d’euros de crédits exports au développement d’énergies renouvelables quand elle apporte des milliards d’euros aux projets fossiles. Elle prétend aussi accompagner la transformation des secteurs de l’aéronautique et de la construction navale, en misant sur des fausses solutions, selon les ONG, comme la compensation carbone ou la construction de navires au gaz naturel liquéfié. Il n’est aucunement question de mettre fin aux garanties au commerce extérieur pour les énergies fossiles.
Depuis 2009, Bpifrance a garanti de nombreux projets liés au pétrole et au gaz, au Mozambique ou en Arctique par exemple, à hauteur de 9,3 milliards d’euros(11). Le 24 septembre 2019, Emmanuel Macron s’exprimait contre les financements export de ces « nouvelles installations polluantes », estimant qu’ils étaient « incohérents » et « irresponsables »(12). Malheureusement, la loi de finances votée à l’automne 2019 n’avait traduit en actes qu’une partie de cette promesse présidentielle, en excluant des garanties à l’export les projets liés au secteur du charbon et à une partie des hydrocarbures non-conventionnels.
Notre proposition
Mettre fin à toutes les subventions aux énergies fossiles, y compris via les garanties à l’exportation, dans le prochain budget.
Des investissements verts dans les énergies renouvelables, la rénovation des bâtiments mais aussi les “deeptech green” ?
📝 Aux côtés de la banque des territoires, Bpifrance annonce un plan de 40 milliards d’euros sur quatre ans pour accélérer la “transition verte des entreprises et des acteurs publics du territoires”. Si certains investissements dans la rénovation thermique des bâtiments, les énergies renouvelables, la mobilité douce et la décarbonation de l’industrie sont bienvenus, les aides à l’innovation de Bpifrance pour les “deeptech green” laissent présager des financements aux fausses solutions, notamment dans le secteur du numérique pour faire de l’agriculture de précision par exemple.
Notre proposition
Exclure tout financement à l’agriculture de précision, les agrocarburants, l’hydrogène non-renouvelable.
Bpifrance reste muette sur les entreprises carbonées dont elle est actionnaire
❌ Dans son plan climat, Bpifrance reste muette sur la stratégie de décarbonation des entreprises dont elle est actionnaire pour le compte de l’Etat, comme celles du parapétrolier (Vallourec, TechnipFMC). Les activités de ces entreprises sont quasi-exclusivement tournées vers les énergies fossiles. Or, Bpifrance en tant qu’actionnaire, ne compte pas réorienter les activités de ces entreprises afin qu’elles arrêtent de miser sur les énergies fossiles et assurent une transition juste pour leurs salariés. Ceci est d’autant plus urgent que Vallourec, en pleine tourmente financière cherche à être recapitalisé par l’Etat.(13)
Notre proposition
Contraindre les entreprises dont elle Bpifrance actionnaire à aligner leurs activités avec les objectifs de l’Accord de Paris.
Energie et technologies vertes : Le retour du nucléaire
Rien pour les renouvelables mais 470 millions d’euros pour le nucléaire
❌ Alors que la taxonomie européenne exclut le nucléaire des financements verts du fait notamment de la production de déchets de cette filière, “Le plan de relance consacre 470 millions d’euros dans le nucléaire pour investir dans les compétences et la formation, soutenir les sous-traitants de la filière et préparer l’avenir en finançant la recherche pour la conception de petits réacteurs modulaires (SMR).”
Financer la recherche pour le développement de nouveaux réacteurs confirme la volonté politique de continuer le développement du nucléaire en France et son exportation. Cela est inacceptable pour le Réseau Action Climat. En outre, alors que l’urgence climatique exige de se concentrer sur des options efficaces et résilientes, il est aberrant de financer une filière dont le déploiement et la rentabilité, en raison de ses coûts élevés, sont hautement contestés.
Ce soutien au nucléaire est d’autant plus choquant qu’aucun financement n’est prévu pour les énergies renouvelables qui ont pourtant prouvé leur capacité à créer des emplois. Une étude récente(14) a montré que les retombées économiques sont notables au sein des territoires, à l’heure où les acteurs locaux souhaitent activement participer à la transition énergétique.
Notre proposition
Changer le fléchage de ces sommes pour les orienter vers la maîtrise de la consommation d’électricité, en particulier pendant les pointes, et vers la recherche et le développement des énergies renouvelables tout en accompagnant les salariés et sous traitants du secteur nucléaire qui ne sont pas protégés par des contrats d’EDF.
L’hydrogène bas carbone ouvre la porte à l’utilisation de l’électricité nucléaire
📝 Une vigilance particulière est indispensable pour que la production et l’usage de l’hydrogène financé via le Plan de relance contribuent réellement à la transition écologique. En effet, actuellement,l’hydrogène est produit majoritairement à partir de ressources fossiles, en particulier à partir de vaporeformage de gaz fossile, avec un impact néfaste pour le climat. Par ailleurs, les usages actuels de l’hydrogène sont principalement liés à des industries ayant également des impacts significatifs en termes d’émissions de gaz à effet de serre : le raffinage pétrolier et les engrais de synthèse (dont l’épandage entraîne des émissions de protoxyde d’azote). Tout l’enjeu est donc de développer l’hydrogène vert, – et le seul hydrogène vert est celui produit à partir d’énergies renouvelables. Or, le Plan de relance utilise la formulation “hydrogène bas carbone” qui ouvre la porte à l’utilisation du nucléaire pour sa fabrication. Cela ne doit pas être utilisé comme justification au développement de capacités nucléaires additionnelles. Pourtant les chiffres montrent que le nucléaire se développe très peu dans le monde et que les dernières centrales construites ou en construction coûtent de plus en plus cher notamment par rapport à des solutions renouvelables. Sans parler du problème de gestion des déchets pour lequel n’existe aujourd’hui aucune solution durable.(15)
Notre proposition
Financer uniquement la production d’hydrogène renouvelable et ceci sans entrer en concurrence avec la production d’électricité renouvelable qui pourrait être directement utilisée pour d’autres usages pour ne pas ralentir davantage l’atteinte des objectifs de la France en termes des énergies renouvelables. Par ailleurs, les capacités de production d’hydrogène dans de bonnes conditions environnementales, c’est à dire par électrolyse de l’eau à partir d’électricité d’origine renouvelable, étant limitées, les usages doivent par ailleurs être réservés à des process ou fonctions pour lesquels d’autres vecteurs ne sont pas adaptés. C’est pourquoi nous préconisons de réserver l’usage de l’hydrogène en priorité :
– à des process industriels nécessitant de fortes chaleurs comme la métallurgie, la sidérurgie, la céramique, le verre et certaines chimies
– aux transports lourds terrestres et professionnels tels les poids lourds, les trains fonctionnant actuellement au diesel et aux VUL parcourant de grandes distances
– Pour les autres transports lourds pouvant à terme utiliser de l’hydrogène, tels les avions et bateaux, la priorité doit être donnée à une réduction drastique à court terme du trafic.
– Pour les transports légers, l’électrification ou l’usage de bioGnV est préférable pour des raisons de coûts et de rendement. A ce titre, l’absence de soutien à la filière biométhane – filière mature et ancrée dans les territoires – est préjudiciable au développement des carburants renouvelables.
Biodiversité : préservation des milieux naturels et soutien à la filière forêt-bois
Préserver les milieux naturels et les continuités écologiques
📝 Dotée de 250 millions d’euros (soit 0, 0025 % du plan de relance qui correspond en pratique plus à un plan de soutien au BTP qu’à un plan de protection de la biodiversité et des écosystèmes), la mesure relative à la biodiversité dans les territoires nous paraît un peu fourre-tout. L’on y trouve même des actions ne portant pas sur la reconquête de la biodiversité : sécurisation de barrages, gestion du trait de côté, création d’équipements éco-touristiques sur le littoral et dans certaines aires protégées… pour un montant que nous estimons de 50 à 70 millions. Les actions ciblées « biodiversité » sont majoritairement :
- soit des reprises de mesures figurant dans le plan Biodiversité de 2018 (suppression de points noirs, portée ici à 20 au lieu de 10) ou dans la feuille de route de l’Office français de la biodiversité (mouillage écologique, soutien aux atlas de la biodiversité communale) ;
- soit des mesures encore imprécises (accompagnement à la transition agro-écologique dans les aires protégées, lutte contre les espèces exotiques envahissantes à la Réunion).Parmi les actions très précises, l’on note la mise en service des passes à poissons de Rhinau et Marckolsheim pour 80 millions en 2024 et 2026…alors que celle-ci aurait dû intervenir en 2020, aux termes des obligations internationales et communautaire de la France. D’où la demande insistante de la Commission européenne intervenue en août 2019.
Nous saluons toutefois le lancement de plusieurs chantiers de restauration en Bretagne, en Corse et en Guadeloupe. Nous notons également l’intérêt potentiel pour la biodiversité de mesures agricoles (plantation de 7 000 km de haies), forestières (adaptation de 45 000 ha de forêt) et piscicoles (soutien aux investissements environnementaux), pour autant qu’elles soient en lien avec les enjeux de biodiversité, en particulier ceux identifiés dans le cadre de la politique Trame verte et bleue.
Enfin, le recours quasi systématique aux appels à projets interroge, sachant que le maintien et la restauration de la biodiversité exige des mesures de long terme.
Notre proposition
– Doter la future Stratégie nationale pour les aires protégées 2020-2030 d’un budget permettant de garantir pour chaque aire protégée existante ou nouvelle, une protection et/ou une gestion efficace et effective, avec la mise en place de mesures de suivi et de contrôle adaptées. Ces moyens sont à chercher tant dans la suppression des aides et avantages nuisibles à la biodiversité que dans le développement de nouvelles sources de financements.
– Augmenter significativement les lignes budgétaires destinées à Natura 2000 (et le dispositif équivalent dans les Outre-mer qui reste à mettre en œuvre) et veiller à la fluidité du versement des aides pour soutenir l’animation territoriale, la signature des contrats Natura 2000 et les exonérations fiscales (via les chartes) et assurer la mise en œuvre des actions des documents d’objectifs.
– Financer les « solutions fondées sur la nature » afin de lutter contre les risques naturels et d’adapter les territoires au changement climatique, en particulier dans les zones urbaines et les Outre-mer où les objectifs de préservation des mangroves et des récifs coralliens fixés par la loi Biodiversité doivent être atteints.
– Relancer la dynamique des Plans Nationaux d’Actions pour les espèces (PNA) notamment en mettant en place des PNA de groupes, d’espèces « parapluie » ou d’habitats et les doter de moyens suffisants.
Plan de soutien à la filière forêt-bois
📝 L’annonce d’un plan de soutien à la filière forêt-bois pour l’adaptation au changement climatique va dans le bon sens mais le cadrage proposé est trop flou et pourrait encourager des pratiques défavorables à la biodiversité et au climat comme la transformation de peuplements en impasse économique (et non sanitaire) par coupe rase suivie de plantation monospécifique. Les associations regrettent que ce plan ait été négocié pendant l’été entre les acteurs de la filière forêt bois et le Ministère de l’Agriculture, sans aucune consultation des autres parties prenantes. Les publications du rapport de la députée Anne-Laure Cattelot et de la feuille de route sur l’adaptation des forêts au changement climatique doivent maintenant servir d’éléments de débat et de cadrage de ce plan de soutien.
Notre proposition
Il est indispensable d’associer des conditionnalités au plan de soutien à la filière forêt-bois:
Sortir du postulat que le reboisement est la seule option pour adapter les forêts au changement climatique: lorsque c’est possible, il est préférable de privilégier des méthodes d’intervention les moins perturbantes pour les écosystèmes comme le balivage des taillis, l’enrichissement par des plantations en trouée, la régénération naturelle ou encore la libre-évolution.
– La transformation d’un peuplement entier par coupe rase suivie d’une plantation ne doit se justifier, et être soutenue par des aides publiques, qu’en dernier recours et sur la base de critères sanitaires vérifiables (établis par le Département de la Santé des Forêts, DSF). Dans certains territoires, les coupes rases suivies de plantation sont justifiées davantage pour des raisons économiques que sanitaires. La notion d’impasse sylvicole mis en avant par le gouvernement est trop floue et ouvre la voie au financement de ces dérives. Elle doit donc être remplacée par celle d’impasse sanitaire.
– Lorsqu’un reboisement intégral d’une parcelle est nécessaire, les aides publiques doivent être conditionnées à la plantation d’au moins 3 essences (dont une feuillue) dans une proportion minimale chacune de 20%.
Par ailleurs, aucun budget pour renforcer les missions de service public de l’ONF n’est prévu dans ce plan de relance. Il nous semble indispensable d’augmenter de 200 millions d’euros le budget de l’ONF.
Densification et renouvellement urbain : fonds de recyclage des friches et du foncier artificialisé
✅ et 📝 La mise en place d’un fonds “friches” à hauteur de 300 millions d’euros, destinée à financer la ré-occupation de friches et de délaissés industriels et urbains, est en soi à saluer s’agissant d’un domaine qui a déjà été l’objet de quatre rapports du Comité pour l’Economie Verte (CEV) et qui a justifié la mise en place d’une dizaine de groupes de travail l’an dernier, dont, précisément, un cycle de quatre réunions spécifiquement dédiées aux friches et pilotés par l’ancienne ministre E. Wargon.
Cependant, cette initiative doit être nuancée eu égards à son montant (1% de la part du plan de relance dédiée à la transition écologique) et eu égards, également, à l’ampleur des besoins, sachant que:
- les données surfaciques indiquent qu’il y a de 90.000 à 150.000 ha de friches essentiellement industrielles à traiter, à l’exclusion donc des délaissés urbains (ADEME);
- certains territoires concentrent les besoins en la matière (377 friches identifiées dans le seul département de la Seine-Maritime);
- la problématique des logements vacants devrait être mieux prise en compte, et faire l’objet de financements spécifiques, sachant qu’il y a entre 3,5 et 4 millions de logements vacants en France, et qu’au surplus 80.000 à 90.000 logements vacants supplémentaires sont “produits”, autrement dit abandonnés, chaque année en France (source CEV juillet 2019, “Les instruments incitatifs pour la maîtrise de l’artificialisation des sols”).
Dans sa philosophie, à ce stade, le “fonds friches” – déjà évoqué à la suite de la présentation du rapport du Haut Conseil au Climat le 9 juillet dernier – semble surtout destiné à compenser le surcoût généré par les opérations de démolition et de dépollution que nécessitent le réemploi de sites antérieurement construits. Or, par rapport à ces besoins, il est indiqué que le Fonds devrait “permettre la réhabilitation d’environ 900 hectares”: c’est donc un point de départ, et non pas un point d’arrivée ou un aboutissement décisif.
Notre proposition
Comme pour plusieurs sujets évoqués plus haut, il faudrait passer d’une logique de financement ponctuel et nécessairement limité à une logique de financements pérennes : passer du “seau” au “tuyau”. Pour ce faire, il faut engager plus vigoureusement une politique visant à réduire les financements – y compris privés – là où ils sont trop abondants (au profit par exemple de l’immobilier tertiaire et de bureaux en île-de-france, à hauteur de 10 à 11 milliards /an) et inciter à les diriger, notamment, vers les opérations de renouvellement urbain pertinentes, tout en freinant radicalement l’urbanisation nouvelle comme le demande la Convention Citoyenne pour le Climat.
Financement de la décarbonation de l’industrie
Investir dans la transformation de l’industrie en France
✅ et 📝 En France, les émissions de la production industrielle représentent 26% des émissions. Environ 60% de ces émissions provenaient de trois sous- industries à très forte intensité énergétique, à savoir l’acier (18%), le ciment (15%) et le raffinage et la production de produits chimiques (27%). Selon la SNBC, les émissions de l’industrie doivent être réduites d’au moins 86% en moyenne entre 2017 et 2050. Les baisses obtenues lors des dernières années sont majoritairement dues aux fermetures des capacités de production. L’intensité carbone des productions n’a peu évoluée.
Il est donc temps de lancer un programme qui cible le soutien à l’investissements dans les industries lourdes pour décarboniser les sites de production.
Le Plan de relance prévoit un programme de 1,2 milliards d’euros pour le soutien à l’efficacité énergétique, à l’adaption des procédés et la chaleur bas carbone dans l’industrie. L’argent sera alloué avant tout sous forme d’appels à projet. D’autres dispositifs français et européens compléteront ces aides : Les dispositifs pour le soutien de la production l’hydrogène bas carbone, Le fonds de l’innovation de l’EU ETS, le fonds européen « transition juste », le PIA 3 et 4.
Notre proposition
Globalement c’est une très bonne nouvelle de cibler les sites industriels très émetteurs de GES mais par contre ces aides doivent remplir certaines conditions :
– les réductions d’émissions des projets retenus doivent être en cohérence avec les potentiels de baisse des secteurs concernés et les consignes sectoriels de l’EU ETS et la SNBC ;
– il faut éviter des situations de « lock in » et privilégier des solutions qui permettent d’aller jusqu’au bout des réductions nécessaires sans créer des investissements échouées ;
– la viabilité des projets dépend souvent d’une prise en compte des coûts de fonctionnement qui sont souvent plus élevés. Aussi les productions qui seront « bas carbone » coûteront plus cher que leurs concurrents surtout dans un premier temps. Si les soutiens aux projets s’adressent pas ces points, les investissements risquent d’être bloqués par crainte de rentabilité économique sur la durée;
– il faut intégrer la question du maintien des emplois dans les aides;
– un sujet crucial pourtant absent des débats est l’incidence des changements de mode de consommation dans le cadre de la transition écologique sur les modes de production et donc le besoin d’anticiper ces changements dans les investissements dans les outils de production aujourd’hui.
Economie circulaire et circuits courts
Les investissements se concentrent sur les déchets plastique et les ressourceries existants
📝 Les investissements se concentrent sur les déchets plastique et les ressourceries existants sur le territoire. Ainsi, ils ne sont pas suffisants pour permettre de développer massivement la filière du réemploi et du recyclage dans des secteurs très émetteurs de gaz à effet de serre comme le textile, le BTP et l’électronique. Pourtant, la fédération RCUBE chiffre à 700 000 les créations d’emplois sur le territoire qu’entrainerait une politique volontariste développement du réemploi (en ressourcerie et commercial) et du reconditionnement en usine des produits et matériaux dans l’automobile, BTP, textile, électronique…
Des propositions ont été faites au Ministère de l’Economie pour développer ces filières, notamment afin de créer de l’emploi sur les bassins en difficulté suite à la fermeture de sites industriels polluants (Fessenheim en Alsace, Pétroplus à Rouen, Général Electric à Belfort etc), au lieu d’y laisser s’implanter des entrepôts de e-commerce, qui aggravent la surproduction. Il apparaît donc que le plan de relance n’investira pas d’argent dans ces alternatives alors qu’elles sont à même de réduire les émissions liées à nos importations (57% de nos émissions totales), de créer massivement des emplois et de jeter les base d’une reconquête de l’autonomie industrielle de la France.
Notre proposition
Accorder 500 millions d’euros supplémentaire au développement des filières de réemploi et du reconditionnement (déchetteries, centres de tri, usines de traitement, accessibilité de l’offre sur le territoire: ressourceries, boutiques, vente en ligne) sur tout le territoire. Privilégier l’implantation des usines sur les territoires en difficulté suite à la fermeture de sites industriels et ceux qui sont prêts à accepter l’implantation d’entrepôts de e-commerce alors que ces derniers détruiront deux fois plus d’emplois qu’ils n’en créeront en France et n’apporte aucune plus value industrielle.
Notes de bas de page :
- Dossier de presse du gouvernement sur France Relance
- i4ce : volet climat du plan de relance
- Communiqué de presse de Rénovons
- Trois priorités pour relancer le ferroviaire en France, Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, août 2020.
- Note de la FNH
- Oxfam liste 6 raisons qui contre-indiquent la baisse des impôts de production
- Plan de relance du gouvernement
- Décryptage de Greenpeace du greenwashing des députés LREM
- Rapport des Amis de la Terre 2019
- Article du Monde
- Article de Contexte
- Discours du Président de la République à l’Assemblée générale de l’ONU
- Article le Figaro
- Rapport juin 2020 du Syndicat des Énergies Renouvelabes
- Article de Greenpeace
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