Planification écologique : Des financements pour 2024 en hausse, mais sont-ils suffisants ? Notre décryptage.

Le conseil de planification écologique qui devait donner les grandes orientations de la planification écologique, initialement prévu le 5 juillet, puis le 17, a finalement été repoussé à la rentrée.

FRANCE - QUESTIONS TO THE GOVERNMENT AT THE NATIONAL ASSEMBLY OCTOBER 18
© Xose Bouzas - Hans Lucas - Hans Lucas via AFP

C’est donc lors d’une réunion du Conseil National de la Transition Écologique (CNTE), où siège le Réseau Action Climat, qu’Elisabeth Borne a présenté les premiers arbitrages financiers pour la transition écologique dans le budget de l’Etat pour 2024.

Un effort budgétaire à souligner

7 milliards d’euros de plus pour la transition écologique en 2024 : c’est ce que la Première ministre a annoncé. Plus précisément, ce sont 5 milliards d’euros de moyens additionnels et 2 milliards d’euros qui étaient déjà prévus en plus pour 2024 dans la trajectoire des finances publiques. Cela représente donc un effort budgétaire inédit. Ce montant a été confirmé dans le document présentant les “Plafonds de dépenses du PLF 2024” publié le 17 juillet. Christophe Béchu a également indiqué lors de la réunion du CNTE que ces 7 milliards supplémentaires de décaissements disponibles pour 2024 seraient accompagnés d’un montant d’engagements (ce qui pourra être commandé en 2024, mais éventuellement payé après 2024) de l’ordre de 10 milliards d’euros. Ce montant est pour l’instant loin d’être confirmé.

Si ces 10 milliards d’euros supplémentaires d’engagements en 2024 étaient alloués, les montants se rapprocheraient des différents scénarios financiers pour atteindre les objectifs climatiques nationaux (qui représenterait selon les scénarios un effort budgétaire pour l’Etat autour de 10 milliards par an, chiffre que l’on retrouve chez I4CE et dans le rapport Pisani Ferry et Mahfouz). Il est donc important que ces annonces soient le premier jalon d’une trajectoire de réorientation et de forte hausse des moyens alloués à la transition écologique. 

… mais de grandes orientations sectorielles qui restent à préciser

Le document budgétaire publié le 17 juillet pour le budget 2024 explique de manière très synthétique où ira une partie des fonds annoncés : 

  • Augmentation du fonds vert, qui bénéficiera de 2,5 milliards d’engagements en 2024,  mécanisme déjà mis en place l’année dernière, qui vise à soutenir des projets des collectivités territoriales, sans visibilité à ce stade sur les types de projets. 
  • 1,6 milliard d’euros d’engagements supplémentaires pour le budget de l’ANAH  (Agence Nationale de l’Habitat)  afin de financer les rénovations de logements.  Nous serons vigilants au fait que cette somme supplémentaire soit allouée à la rénovation performante des logements et pas au simple remplacement de chaudière. Une augmentation qui va donc dans le bon sens, mais dont le financement devrait à terme atteindre les 3,2 milliards selon l’étude de l’initiative Rénovons ! afin de pouvoir rénover l’ensemble des passoires énergétiques au niveau de la norme Bâtiment Basse Consommation ou équivalent . 
  • 1,1 milliard d’euros pour les mobilités, notamment les infrastructures de transports et le verdissement du parc automobile, sans plus de précisions sur les modes de transports concernés. Par ailleurs, aucunes annonces n’ont été faites sur les nouveaux projets routiers, alors même que le Ministre des transports s’était engagé à une révision des projets. 
  • 1,3 milliard d’euros d’engagements et 0,8 milliard de crédits additionnels pour l’agriculture et la forêt, principalement pour le financement du fonds national de souveraineté alimentaire, un renforcement des moyens pour les plans haies et protéines ou encore le soutien au renouvellement forestier et à la filière bois. Ces grandes enveloppes devront être précisées afin de mesurer leur réel impact. Par ailleurs, nous regrettons que le soutien aux élevages durables n’ait pas été intégré dans ce renforcement des moyens alors qu’ils sont ceux qui sont les plus à même de résister aux crises actuelles et aux impacts du changement climatique

Au final, des enveloppes qui vont dans le bon sens, mais pour lesquelles des précisions seront nécessaires afin d’évaluer leur adéquation avec un cap permettant de rester sous 1,5°C de réchauffement global, en préservant la biodiversité, et en accompagnant les ménages en situation de précarité. 

L’origine de ces financements reste floue

Cette question est pourtant centrale : si il a été annoncé qu’une partie des financements viendrait de la réduction des niches fiscales néfastes au climat et à la biodiversité, ce qui est une très bonne nouvelle, les sommes évoquées à ce stade ne suffiront pas.. Au Réseau Action Climat, nous refusons que le financement de la transition écologique puisse reposer sur les plus précaires ou signifie la baisse de financements pour d’autres axes essentiels de l’action de l’Etat. C’est pour cela  qu’il est impératif que  les plus hauts revenus participent à cet effort, via la mise en œuvre d’un ISF climatique. Des solutions aussi explorées par le rapport Pisani-Ferry et Mahfouz. De même, l’argent public étant rare, les financements aux grandes entreprises doivent donner lieu à des engagements précis via une éco-conditionnalité.

Des financements publics à programmer sur plusieurs années

C’est d’ailleurs un angle mort de ces annonces sur le financement de la transition : Celui-ci ne peut se faire par à coup. Il est essentiel de programmer ces financements dans le temps pour donner un réel cap au budget de l’Etat, afin de le faire enfin coïncider avec les  objectifs climatiques français. Elisabeth Borne a elle-même reconnu ce besoin. Il est donc nécessaire que cette vision pluriannuelle soit  transcrite dans le cadre de la prochaine loi de programmation des finances publiques. Ainsi l’enjeu est maintenant le suivant : inscrire dans le temps l’effort de cette année

Le Réseau Action Climat sera donc vigilant dans le PLF2024 à ce que l’effort annoncé soit transcrit, et qu’il puisse financer les axes prioritaires de la transition sans pour autant impacter les plus précaires. 

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