Synthèse du 6e rapport du GIEC : l’urgence climatique est là, les solutions aussi

Le GIEC a publié le 20 mars la synthèse de son 6e rapport d’évaluation, qui décrit des changements d’une ampleur inédite, avec des effets néfastes dans le monde entier. Mais les scientifiques exposent aussi des solutions concrètes pour remplir nos objectifs climatiques… à condition d’une volonté politique pour les mettre en œuvre.

Crop Stubble Burning, thick smoke billowing into the sky, a farming practise to clear the land

Des changements sans précédent causés par les activités humaines

Un aperçu de l’ensemble des connaissances scientifiques sur le changement climatique : c’est ce qu’offre cette nouvelle publication du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), qui résume les contenus parus dans le cadre de son 6e rapport.

« Les activités humaines, principalement par le biais des émissions de gaz à effet de serre, ont sans équivoque provoqué le réchauffement de la planète »

Les gaz à effet de serre émis par les activités humaines perturbent l’ensemble du système climatique : la température à la surface du globe a augmenté de 1,1°C (par rapport à 1850-1900), les océans se réchauffent, s’appauvrissent en oxygène et s’acidifient, la fonte des glaces s’accélère… Certains de ces changements sont irréversibles, comme la hausse du niveau de la mer qui va continuer pendant des siècles voire des millénaires. Quelques exemples illustrent le caractère extraordinaire de ces changements :

  • Les températures observées depuis 1850 sont les plus hautes depuis le début du millénaire ;
  • La hausse du niveau de la mer est plus rapide depuis 1900 que depuis 3000 ans ;
  • Les océans se sont réchauffés plus rapidement au XXe siècle que depuis 11 000 ans ;
  • La concentration en CO2 dans l’atmosphère a atteint son record depuis 2 millions d’années.

Des conséquences partout et dans tous les secteurs

Toutes ces perturbations du système climatique ont entraîné des effets néfastes observables sur les écosystèmes et les sociétés humaines du monde entier :

  • Les événements météorologiques extrêmes (sécheresses, vagues de chaleur, inondations, incendies, cyclones tropicaux…) ont lieu plus souvent et sont plus intenses ;

Ces conséquences, parmi d’autres, sont généralement combinées et peuvent entraîner de nombreuses répercussions. Par exemple, l’augmentation d’épisodes météorologiques extrêmes a exposé des millions de personnes à de graves problèmes de sécurité alimentaire et hydrique.

Chaque dixième de degré supplémentaire de réchauffement entraînera des conséquences plus graves, touchant de plus en plus de personnes. Aujourd’hui, près de la moitié de la population mondiale est déjà exposée aux risques climatiques. 

Les moins responsables, les plus vulnérables

Le changement climatique est de manière certaine dû aux activités humaines, toutefois tous les pays n’ont pas la même responsabilité vis-à-vis de ce phénomène. En effet, ce sont les plus riches qui contribuent le plus fortement au réchauffement global. Le GIEC rapporte que les personnes ayant un statut socio-économique élevé contribuent de manière disproportionnée aux émissions.

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Les 10 % de ménages ayant les émissions par habitant les plus élevées contribuent à 34-45 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

À l’inverse, les communautés qui ont le moins contribué historiquement au réchauffement sont celles qui subissent les conséquences les plus graves. Par exemple, la mortalité due aux inondations, à la sécheresse et aux tempêtes a été jusqu’à 15 fois plus élevée dans les pays du Sud au cours de la dernière décennie. Les risques climatiques sont par ailleurs exacerbés par d’autres facteurs d’inégalités, liés “au genre, à l’appartenance ethnique, aux faibles revenus, au handicap, à l’âge et aux modèles historiques et permanents d’inégalité tels que le colonialisme, en particulier pour de nombreux peuples autochtones et communautés locales.”

L’avenir dépendra de nos émissions de gaz à effet de serre

Le réchauffement de la planète va se poursuivre à court terme et devrait atteindre 1,5°C (par rapport à 1850-1900) au plus tard au début des années 2030. Ensuite, le GIEC a modélisé plusieurs scénarios, qui dépendront principalement de nos émissions de gaz à effet de serre. Si ces dernières sont faibles, il sera possible de limiter le réchauffement sous 2°C, voire 1,5°C en cas de forte baisse. En revanche, les politiques actuellement en œuvre nous mènent à un réchauffement de 3,2°C en 2100, c’est-à-dire un monde invivable dans de nombreuses régions et pour beaucoup d’espèces

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La température à la surface de la Terre a augmenté de 1,1°C par rapport à 1850-1900. Les courbes de couleur représentent l’évolution de la température jusqu’à la fin du siècle en fonction des scénarios d’émissions (émissions faibles en bleu, fortes en rouge). 6e rapport du GIEC – groupe 1 (2021) – Figure RID.8

Seule une réduction rapide, forte et soutenue des émissions de gaz à effet de serre limiterait le réchauffement proche de 1,5°C ou sous 2°C au cours du siècle, correspondant aux objectifs climatiques de l’Accord de Paris. Alors comment faire pour réduire ces émissions ?

Les solutions existent

Faire face à l’urgence climatique est possible : selon le GIEC, nous disposons collectivement de suffisamment de connaissances, d’outils et de capitaux mondiaux pour relever ce défi, avec un rôle crucial pour les gouvernements. Cela nécessitera d’engager une véritable transformation de nos sociétés en déployant très rapidement des mesures de grande envergure dans tous les secteurs. Mais si la volonté des décideurs politiques est alignée avec les objectifs climatiques, de nombreuses options réalisables, efficaces et peu coûteuses sont disponibles à court terme, certaines avec des impacts positifs immédiats. 

Beaucoup de mesures climatiques offrent par ailleurs d’autres bénéfices : réduction des inégalités, lutte contre la faim dans le monde… Par exemple, de fortes mesures de lutte contre les émissions de méthane et la pollution atmosphérique permettraient non seulement de limiter les effets du réchauffement, mais aussi de procurer des avantages considérables pour la santé.

Énergie : sortir des fossiles, investir dans les renouvelables

L’une des principales sources de gaz à effet de serre est la combustion d’énergies fossiles, provenant notamment des centrales à charbon et des véhicules thermiques. Avec les infrastructures existantes, les projections indiquent qu’il ne sera pas possible de limiter le réchauffement à 1,5°C. Pour avoir une chance d’accomplir cet objectif, il faut donc stopper tout investissement dans ces sources d’énergie et mettre un terme le plus rapidement possible à leur exploitation. Pourtant, le GIEC indique que les flux financiers publics et privés pour les combustibles fossiles sont, encore aujourd’hui, plus importants que ceux pour l’action climatique !

Il est indispensable d’accélérer la transition à des sources d’énergie à faible émission de carbone. Parmi les trajectoires analysées par le GIEC, toutes celles qui sont compatibles avec les objectifs climatiques s’appuient sur un développement massif des énergies renouvelables. À court terme (2030) et à l’échelle mondiale, elles représentent le plus fort potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

De plus, les récents investissements dans ces sources d’énergies ont permis de forts progrès, en particulier pour l’énergie solaire et l’énergie éolienne, dont les coûts ont baissé respectivement de -85% et de -55% entre 2010 et 2019.

Sobriété : réduire la demande

Une autre condition est indispensable pour limiter le changement climatique en plus du déploiement des énergies renouvelables : réduire fortement notre consommation. Le GIEC emploie pour la première fois le terme de « sobriété » (“sufficiency” en anglais). Selon sa définition, il s’agit de mesures permettant d’éviter des demandes (en énergie, mais aussi en matériaux, terres, eau…) tout en assurant le bien-être des personnes.

Une forte réduction de la demande pourrait permettre une baisse de l’ordre de 40 à 70% des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2050. Une telle diminution ne repose pas principalement sur des petits gestes individuels : on parle ici d’une action collective, de la mise en œuvre de mesures politiques ambitieuses permettant une transformation de nos modèles actuels. Les secteurs de l’énergie, des transports, du bâtiment, de l’alimentation et de l’industrie sont ceux qui offrent le plus grand potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre du côté de la demande.

Des exemples d’actions pour une société plus sobre :

  • Éviter les transports polluants (voiture, avion) et préférer les mobilités actives (marche, vélo) et les transports en commun ;
  • Utiliser des véhicules plus légers, qui nécessitent moins de matériaux et demandent moins d’énergie ;
  • Favoriser les véhicules électriques ;
  • Adopter des régimes alimentaires moins riches en viande, sains, équilibrés et durables
  • Réorganiser les chaînes de production et d’approvisionnement pour limiter les distances parcourues par les marchandises et les personnes

Améliorer l’efficacité énergétique est également essentiel pour réduire la demande, c’est-à-dire consommer moins d’énergie pour un même usage : par exemple en rénovant les bâtiments pour une meilleure isolation ou en déployant des moyens de production plus optimisés dans l’industrie.

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Adaptation

En parallèle de ces actions visant à réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique, il est indispensable de déployer des mesures pour s’adapter aux changements déjà en cours et anticiper ceux à venir. Par exemple, diversifier les cultures agricoles ou végétaliser les villes pour faire face aux vagues de chaleur.

La plupart des actions aujourd’hui mises en place sont malheureusement inadaptées, car pensées sur le court terme et pour des secteurs et des risques isolés. Certaines peuvent même s’avérer contre-productives, augmentant l’exposition à un risque sur le long terme ou renforçant des inégalités existantes : on parle alors de maladaptation. Cela peut être le cas de la climatisation pour lutter contre la chaleur, qui contribue au changement climatique (car gourmande en énergie), et est accessible principalement aux populations aisées. Pour empêcher cela, il est nécessaire de déployer des mesures inclusives, plurisectorielles et planifiées sur le long terme.

Malgré tout, l’adaptation seule ne suffira pas. Plus nous retardons la réduction des émissions de gaz à effet de serre, moins nous aurons de solutions d’adaptation efficaces

Gouvernance inclusive et coopération internationale

Déployer de manière urgente ces solutions est indispensable pour assurer “un avenir vivable et durable pour tous”. Mais cela nécessitera de s’appuyer sur une approche inclusive et équitable, ainsi que sur une forte coopération internationale en matière de financement et de technologie. 

Les investissements financiers déployés à l’international pour l’action climatique sont largement insuffisants : ils devraient être multipliés par un facteur de 3 à 6, si l’on veut limiter le réchauffement à +2°C, donc encore plus pour atteindre l’objectif de +1,5°C. Un financement accru doit également être déployé pour l’adaptation, en particulier pour les pays en développement, afin de faire face aux risques climatiques ainsi qu’aux pertes et dommages, conséquences irréversibles du changement climatique.

L’urgence climatique est à nos portes et ses conséquences sont déjà dramatiques. Pour les limiter, il est indispensable d’agir au plus vite pour réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, bien qu’il n’existe pas de solution miracle, le GIEC nous montre qu’il est possible d’agir pour limiter le changement climatique. Plusieurs chemins sont disponibles : à nous (ou plutôt aux décideurs politiques) de choisir lequel nous souhaitons emprunter.

Dépliant – Les 10 points clés du rapport du GIEC
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