Planification écologique : un PLF2024 plein de contradictions

Alors que la "planification écologique" d'Emmanuel Macron semble manquer de définition claire et de portage politique, le Projet de Loi de Finances (PLF) pour 2024 constituait une opportunité de mettre le budget de l’Etat en cohérence avec le virage écologique indispensable pour respecter nos objectifs climatiques.

FRANCE - QUESTIONS TO THE GOVERNMENT AT THE NATIONAL ASSEMBLY OCTOBER 18
France, Paris, 2022-10-18. Photography by Xose Bouzas / Hans Lucas. Public session of questions to the government at the National Assembly. Elisabeth Borne, French Prime Minister, speaks. France, Paris, 2022-10-18. Photographie par Xose Bouzas / Hans Lucas. Seance publique de questions au gouvernement a l Assemblee Nationale. Elisabeth Borne, premiere ministre francaise, prend la parole. (Photo by Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Le Mardi 19 décembre, Elisabeth Borne a fait à nouveau usage de l’article 49.3 à l’Assemblée Nationale. Le texte en l’état renforce significativement les budgets consacrés à la transition écologique mais ne permet pas de réduire les dizaines de milliards de dépenses néfastes qui continuent de plomber les efforts en matière de transition écologique et climatique. Le Réseau Action Climat a passé au crible ses 19 mesures prioritaires pour évaluer les avancées et reculs du PLF.

Sur la base de 19 mesures prioritaires (voir tableau en lien), nous constatons des avancées notables (vert) mais surtout des avancées d’étapes insuffisantes (orange), voire des stagnations ou des reculs (rouge) :

Un effort budgétaire global avec 3 avancées pour la rénovation et le chauffage qui méritent d’être soulignées

Avec 7 milliards de financements supplémentaires pour la transition écologique, le PLF 2024 signe un grand pas en avant même si cela reste toujours en deçà des investissements nécessaires pour atteindre les objectifs de la planification écologique du Gouvernement.  Dans les dépenses structurantes pour la transition, on peut souligner notamment le renforcement de 1,6 milliard d’euros du budget de MaPrimRenov et une priorité mise sur la rénovation globale des passoires énergétiques et des copropriétés, ainsi que sur l’accélération du remplacement des systèmes de chauffage.

8 de nos propositions progressent mais restent nettement insuffisantes pour financer et faciliter la transition

Parmi elles, les 300 millions d’euros prévus en 2024 pour l’entretien et la modernisation du réseau ferroviaire représentent une première marche largement en-deçà de l’objectif annoncé par la Première ministre en février 2023 d’atteindre un investissement annuel supplémentaire de 1,5 milliard d’euros en 2027 dans le cadre du plan d’investissement de 100 milliards d’euros pour le transport ferroviaire.

Le PLF 2024 prévoit une taxe sur les concessions automobiles et aéroportuaires, permettant de générer 600 millions d’euros en 2024. Si cette piste de financement représente une première étape, elle ne compense aucunement les 7 milliards d’euros de manque à gagner chaque année liée à l’exemption de taxation du kérosène du secteur aérien, un problème fondamental auquel le PLF ne s’attaque toujours pas.

Par ailleurs, concernant les mesures afin d’orienter l’offre et la production automobile vers de petits véhicules électriques accessibles et produits en France, si le seuil du malus poids a été diminué de 1800kg à 1600 kg pour les véhicules thermiques et 1800 kg pour les hybrides, le Gouvernement n’a pas maintenu l’amendement adopté par le Sénat en première lecture prévoyant l’inclusion des véhicules électriques dans ce malus « masse » automobile. La vente des gros SUV électriques ne sera donc toujours pas découragée en 2024, alors même que ces véhicules sont trop consommateurs en métaux critiques dans un contexte d’approvisionnement de la France très tendu (premières pénuries prévues d’ici 2030, selon l’AIE).

8 de nos propositions ne connaissent aucune avancée, voire des reculs, mettant en péril l’atteinte des objectifs écologiques et climatiques.

C’est particulièrement vrai sur le secteur agricole : le Gouvernement a supprimé du texte, à l’issue des 49.3, le renforcement du soutien à l’agriculture biologique et à l’accompagnement de la restauration collective pour lui permettre de proposer à toutes et tous une alimentation saine et durable. Ces mesures avaient pourtant été soutenues et adoptées démocratiquement par une majorité de parlementaires. C’est également le cas pour l’amendement parlementaire qui prévoyait une hausse de 350 millions d’euros pour le soutien aux mesures agroécologiques, même si depuis 150 millions ont été annoncés par le ministre. De même, alors que les objectifs européens du Green Deal visent une réduction de 50 % des pesticides dans l’UE d’ici à 2030, le Gouvernement a cédé à la pression de la FNSEA et est revenu sur la hausse de la redevance pour pollutions diffuses prévue dans le texte initial. L’agriculture est pourtant le 2ème poste d’émissions de gaz à effet de serre en France, et l’Inspection Générale des Finances estime que 6,5 milliards d’euros de la déclinaison de la PAC contredisent directement les efforts de lutte contre le changement climatique et l’érosion de la biodiversité.

L’année 2024 marquera le début de la mise en œuvre concrète de la planification écologique, en particulier avec les COP territoriales. Le PLF 2025 devra nécessairement corriger le tir : il est plus que temps de mettre en cohérence les discours et les actes et d’accélérer la transition pour protéger nos concitoyens des crises à venir.

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