Après l’élection d’Emmanuel Macron, voici ce qui nous attend

Nous avons décrypté les engagements de campagne d’Emmanuel Macron sur les grands enjeux dans la lutte contre les changements climatiques

Emmanuel Macron
Emmanuel Macron

L’enjeu : relancer rapidement le développement des énergies renouvelables et leur fixer un cap à 100 % d’ici à 2050

Emmanuel Macron préconise une stratégie de sortie des énergies fossiles et une fermeture des centrales à charbon françaises avant la fin du quinquennat avec un accompagnement des personnes et des territoires. Il s’engage également à ne pas signer de nouveaux permis d’exploration d’hydrocarbure.
Emmanuel Macron confirme l’objectif de 50 % de nucléaire à l’horizon 2025 de la loi de transition énergétique et prendra les décisions stratégiques liées à l’atteinte de cet objectif une fois que l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) aura rendu ses conclusions, attendues pour 2018, sur la prolongation des centrales au-delà de 40 ans. La fermeture de la centrale de Fessenheim est liée, pour Emmanuel Macron, au démarrage de l’EPR de Flamanville.
Emmanuel Macron s’engage à tenir l’objectif de la loi de 32 % d’énergies renouvelables en 2030. D’ici à 2022, son objectif est de doubler la capacité en éolien et en solaire photovoltaïque. Il publiera la totalité du calendrier des appels d’offres en début du quinquennat pour donner de la visibilité aux filières. Il annonce 30 milliards d’euros d’investissements privés sur 5 ans dans les énergies renouvelables. Il veut simplifier les délais sur la mise en œuvre des projets renouvelables, rendre plus simples les procédures, aider les exploitants agricoles à produire des renouvelables.
Au niveau européen, il prévoit une réforme du marché carbone, en agissant par la fixation d’un prix plancher de la tonne de carbone.

Notre avis

Emmanuel Macron reprend les grandes orientations de la loi sur la transition énergétique et les politiques mises en œuvre depuis sa promulgation mais ne se prononce pas sur un cap au-delà de 2030. Il propose la fermeture des centrales à charbon avant la fin du quinquennat, comme le prévoit la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Sur le nucléaire, il confirme l’objectif présent dans la loi mais remet à après l’élection les précisions sur l’évolution du parc nucléaire créant une incertitude sur les choix d’investissement qui se posent aujourd’hui et un doute sur sa réelle volonté de respecter l’objectif de 50 % de nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2025, et de laisser ainsi la place au développement des énergies renouvelables.
Emmanuel Macron s’inscrit également dans la continuité des politiques actuelles concernant les objectifs sur les énergies renouvelables, tout en proposant quelques améliorations comme une meilleure visibilité sur les appels d’offres et une simplification réglementaire.
L’interdiction des nouveaux permis d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbure devra s’appliquer dans tous les territoires terrestres et marins français, y compris l’outre mer, et aller plus loin qu’un gel provisoire par son inscription dans la loi (le code minier). Ce moratoire est actuellement appliqué sur la méditerranée et la côte atlantique.
Emmanuel Macron reste cependant faible sur la vision énergétique qu’il entend défendre sur la scène européenne. Seule la mise en place d’un prix plancher de la tonne de carbone sur le marché européen est évoquée alors que la priorité devrait être donnée à une politique énergétique européenne basée sur la sobriété, l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables.

L’enjeu : une fiscalité adaptée à une transition écologique juste

Emmanuel Macron prévoit :

  • Un alignement de la taxe diesel sur celle de l’essence sur la durée du quinquennat
  • L’intégration du coût écologique dans le prix du carbone, en faisant monter en puissance la taxe carbone pour atteindre 100 € la tonne de CO2 en 2030.
  • Une prime exceptionnelle de 1000 euros pour permettre à tous ceux dont les véhicules ont été fabriqués avant 2001 d’acheter des voitures plus écologiques, qu’elles soient neuves ou d’occasion.

Notre avis

Emmanuel Macron s’inscrit dans le cadre de la loi de transition énergétique en fixant le prix de la tonne de CO2 à 100 euros en 2030. Mais aucune indication n’est donnée concernant les taux de progression annuels qui seront à décider au plus tôt lors du prochain quinquennat.
Par ailleurs, une prime à la conversion pour une voiture plus écologique existe déjà. Le programme ne prévoit pas d’autres mesures de redistribution qui puissent garantir le développement de solutions de mobilité alternatives à la voiture pour tous (transports en commun, mobilité actives, solutions en milieu rural, etc.) De nombreuses niches fiscales sont absentes du programme (kérosène, transport routier) alors qu’elles restent incompatibles avec la transition écologique. Enfin aucune mesure n’est annoncée pour revenir sur l’abandon de la taxe kilométrique sur les camions, qui fait cruellement défaut pour la transition du secteur du transport de marchandises.

L’enjeu : enclencher une transition agricole et alimentaire écologique

Emmanuel Macron propose :

  • Que d’ici 2022, 50 % des produits proposés par les cantines scolaires et les restaurants d’entreprise devront être bio, écologiques ou issus de circuits courts.
  • Un Plan de Transition Agricole de 5 milliards d’euros sur cinq ans qui soutiendra tous les projets de montée en gamme des exploitations, d’adaptation aux normes environnementales et de bien-être animal.

Notre avis

L’objectif sur les cantines et les restaurants d’entreprise va dans le bon sens. Cependant, la mesure devrait concerner l’ensemble de la restauration collective (et non les seules cantines scolaires : restaurants collectifs des ministères, hôpitaux, maisons de retraites, etc.) et contenir un sous objectif chiffré spécifique pour les produits biologiques.
Le Plan de transition agricole va également dans le bon sens mais devrait aller bien au delà de la simple application des normes environnementales, qui est un minimum et contenir des éléments sur la réduction des produits chimiques (engrais et phytosanitaires), l’élevage de plein air, etc. Par ailleurs, le programme ne précise pas d’où proviendront les 5 milliards d’euros du plan de transition agricole annoncés.

L’enjeu : accélérer la disparition des passoires énergétiques

Emmanuel Macron prévoit de :

  • Transformer le Crédit d’Impôt Transition Energétique (CITE) en prime immédiatement perceptible au moment des travaux et non l’année suivante. Et ce, afin de permettre à tous de pouvoir réaliser les travaux nécessaires, notamment à ceux qui n’ont pas aujourd’hui toutes les ressources pour investir
  • Aider particulièrement les ménages les plus pauvres à rénover les passoires énergétiques et à mieux s’alimenter
  • Proposer un audit gratuit à tous les propriétaires occupants en situation de précarité énergétique : maisons à la campagne, pavillons du périurbain, copropriétés où les travaux ont été trop longtemps repoussés
  • Viser la rénovation de la moitié des logements-passoires des propriétaires les plus modestes dès 2022, afin de diminuer les émissions et de faire baisser les charges (électricité, fioul, gaz). Et de financer à cette fin, via un fonds public doté de 4 milliards, les travaux des propriétaires les plus précaires
  • Interdire à la location les passoires énergétiques à partir de 2025

Notre avis

Le programme établit le lien entre précarité énergétique et rénovation des logements et cible spécifiquement les passoires énergétiques. De plus, il propose une réforme en matière de financement en proposant une forme de préfinancement. La question de l’accompagnement social des ménages en précarité énergétique n’est pas perçue au delà d’un audit énergétique gratuit. Si ce dernier va dans le bon sens, il faut le coupler à un dispositif d’accompagnement vers une solution adaptée pour ces ménages. Le soutien financier annoncé, s’il s’additionne au niveau de soutien actuel, soit 3 milliards d’euros par an pour les aides à la rénovation énergétiques des logements privés, montre que l’ampleur du problème est bien perçu. Si ce soutien financier vient se substituer à ce qui se fait actuellement cela signifierait une division par trois des montants d’aides actuels. Une clarification est donc importante sur ce point.

L’enjeu : donner accès à une mobilité propre à toutes et tous

Dans son programme Emmanuel Macron prévoit de :

  • Donner la priorité à la modernisation des infrastructures existantes en poursuivant le redressement entamé dans le secteur ferroviaire (pour les voyageurs et le fret) et en rattrapant le retard pris sur l’entretien des routes
  • Remplacer les vieux véhicules polluants en créant une prime de 1000 euros pour acheter un véhicule neuf ou d’occasion moins polluant
  • Accélérer le déploiement des véhicules électriques en maintenant le bonus-malus à l’achat et en accélérant le déploiement des bornes de recharge
  • Opérer sous le quinquennat le rattrapage de la fiscalité diesel sur celle de l’essence
  • Peser pour renforcer les normes anti-pollution européennes pour les véhicules neufs et les contrôles en conditions réelles (en tirant les enseignements du scandale Volkswagen), avec pour objectif de long terme de n’avoir plus, en 2040, aucune vente de véhicule thermique
  • Développer le covoiturage, grâce à la mise en place des voies dédiées aux bus, VTC et covoiturages sur les autoroutes urbaines et une modulation des péages en fonction de l’occupation des véhicules

Notre avis

La priorisation au redressement de l’existant en particulier du fret ferroviaire va dans le bon sens. Cependant, il conviendrait, pour rendre ce secteur compétitif, de restaurer l’écotaxe poids lourds et sur ce point, Emmanuel Macron ne formule pas de proposition.
Toujours dans le domaine des infrastructures, même si le programme n’en fait pas explicitement mention, Emmanuel Macron s’est engagé à mener à son terme l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes qui pourtant, du point de vue environnemental et climatique, devrait être abandonné.
Hormis une proposition intéressante et concrète sur le covoiturage, le programme reste insuffisant pour réduire la place de la voiture, alors que les transports en commun et les mobilités actives (marche et vélo) devraient être priorisés, notamment par un soutien financier de l’Etat aux collectivités locales souhaitant les développer. C’est en effet le développement de ces alternatives qui permettra d’opérer un véritable report modal depuis le véhicule particulier.
Le problème de la qualité de l’air est bien identifié dans le programme et l’un des moyens principaux pour y remédier, le rattrapage fiscal diesel-essence au cours du quinquennat est mentionné.
Emmanuel Macron s’exprime par ailleurs sur un renforcement des normes européennes sur les émissions de polluants des véhicules en conditions réelles ainsi que des contrôles renforcés au niveau européen, ce qui va dans le bon sens. Néanmoins, le renforcement des normes européennes ne vise pas que les émissions de polluants mais également les émissions de CO2 de tous les véhicules et à cet égard, des objectifs doivent être fixés pour 2025.

L’enjeu : concrétiser et amplifier les engagements financiers de la France pour une justice climatique au Sud

Emmanuel Macron propose dans son programme de respecter l’objectif de 0,7 % du revenu national brut consacré à l’aide publique au développement. Il conditionne cependant cette promesse aux résultats économiques de la France et conditionne également l’APD au respect des pays bénéficiaires des politiques migratoires (évaluées lors d’une conférence annuelle).
Il mentionne spécifiquement le développement durable (au même titre que l’éducation, la santé et la promotion des femmes) comme priorité de l’aide publique au développement, tout en définissant des zones d’intervention prioritaires : Afrique sub-saharienne, le Sahel, le Maghreb, pays en crise. Enfin, Emmanuel Macron propose une hausse de la part des dons gérés par l’Agence française de développement.

Notre avis

L’engagement d’Emmanuel Macron de consacrer 0,7 % du revenu national brut pour l’aide publique au développement va dans le bon sens mais il ne doit pas être conditionné aux résultats économiques de la France et au respect des politiques migratoires. De plus, Emmanuel Macron a précisé son engagement en annonçant que ce pourcentage ne serait atteint qu’en 2030 : cela rend cette promesse hors mandat.
L’engagement d’aide publique au développement, tout comme l’engagement financier de la France de consacrer 5 milliards d’euros par an pour soutenir les pays les plus vulnérables aux changements climatiques sont des engagements pris indépendamment du respect de telle ou telle autre politique. Les conditionner a posteriori équivaut à revenir sur ces engagements.
La volonté d’aider les zones les plus vulnérables et d’augmenter la part du don est un élément positif du programme d’Emmanuel Macron, mais qui ne prend de sens que si les promesses financières de la France en matière de solidarité climatique sont tenues. Le programme devrait, à ce titre, rappeler et soutenir l’engagement de fournir 5 milliards d’euros par an d’ici à 2020 pour aider les pays les plus pauvres à lutter contre les impacts des changements climatiques et développer des sociétés résilientes et bas carbone grâce aux énergies renouvelables.
Enfin, Emmanuel Macron s’est exprimé au cours de la campagne pour la suspension des négociations de la taxe sur les transactions financières européenne tant que le statut de la Grande Bretagne vis-à-vis de l’Union européenne et du marché unique ne serait pas réglé. Cela va à l’encontre de la nécessité de développer des outils de financements innovants, pour permettre de lever des financements supplémentaires en soutien aux pays en développement.

Plus d'actualités