Je mange donc je sauve le climat

Le Président de la République a annoncé vouloir accélérer la lutte contre les changements climatiques. Nous aimerions le prendre au mot et devons l’avertir que pour s’engager dans la bataille contre le dérèglement climatique, il est indispensable de repenser notre système alimentaire et agricole.

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Jusqu’ici, l’alimentation est le grand oublié de la lutte contre les changements climatiques. Les Etats généraux de l’alimentation changeront-ils la donne ?

Le secteur agricole et alimentaire représente un tiers des émissions de gaz à effet de serre de la France. Une petite moitié est émise par les phases de production agricole : épandage des engrais azotés, rots des ruminants, gestion des déjections, émissions des engins agricoles, etc. L’autre partie est liée aux émissions indirectes (fabrication des engrais azotés, du matériel agricole, etc.) et surtout à la fabrication, au transport et à la distribution des aliments. Cela concerne donc toute la chaîne agroalimentaire : des industries alimentaires de transformation jusqu’à la fabrication des emballages, en passant par le transport des marchandises entre usines, entre usines et supermarchés, par la réfrigération des denrées alimentaires, etc.

Dans le cadre de ses engagements internationaux, la France devra au minimum diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole d’ici à 2050. Cet objectif est ambitieux et des chemins désirables existent pour l’atteindre. Le scénario AFTERRES2050, fruit d’un long travail de spécialistes, montre par exemple que cet objectif pourra être atteint si une évolution profonde de notre système agricole s’opère vers une agriculture réellement écologique et paysanne et que nos comportements alimentaires évoluent. Diminuer les engrais azotés, rechercher l’autonomie alimentaire pour les élevages, planter des haies, restaurer les prairies, diminuer le cheptel et élever les animaux dans de bonnes conditions, privilégier les filières de qualité et en particulier l’agriculture bio, changer nos habitudes alimentaires : manger moins de viande mais une meilleure viande, manger bio, moins gaspiller sont autant de pistes sur lesquelles travailler.

Mieux encore, le futur agricole proposé par le scénario AFTERRES2050 est attrayant : un secteur agricole plus résilient face aux crises économiques et climatiques, plus d’emplois créés, une meilleure santé grâce à une légère évolution des habitudes alimentaires et une baisse des produits chimiques, des paysages restaurés, des animaux bien traités, etc.

Seulement aujourd’hui, les politiques publiques ne nous emmènent pas sur la bonne voie.

Une étude du Réseau Action Climat montre que les politiques agricoles et alimentaires actuellement en place ne permettent pas de respecter les engagements climat de la France. Cela est encore confirmé par le Plan Climat présenté le 6 juin 2017 qui botte en touche sur le secteur agricole et alimentaire en renvoyant aux États généraux de l’alimentation.

Mais pour que les États généraux de l’alimentation deviennent une opportunité de mettre l’agriculture et l’alimentation sur le devant de la scène climatique, il faut qu’ils soient bien menés (voir notre communiqué de presse sur le sujet) : amener tous des acteurs concernés à réfléchir ensemble à un nouveau modèle agricole, à faire preuve d’intelligence collective, au-delà des intérêts financiers et corporatistes, pour définir ce nouveau modèle agricole et alimentaire français. Ces États généraux devront aborder tous les sujets, sans tabou : la baisse des engrais azotés, la diminution des élevages industriels et les politiques publiques nécessaires à l’évolution de la demande alimentaire. Pour être bien menés, ces Etats généraux de l’alimentation doivent nécessairement aboutir à l’adoption d’une stratégie nationale de l’agriculture et de l’alimentation, cohérente avec les objectifs climat de la France et engageant le gouvernement.

Nous avons besoin d’un nouveau pacte entre les agriculteurs et les mangeurs, et, au-delà, d’un pacte sociétal, car les crises environnementales, et en particulier climatique, les crises sanitaires récentes, les conséquences sur la santé nous concernent tous et toutes.

La ville de Mouans-Sartoux (Alpes Maritimes), par exemple, est passé à 100% de produits bio dans les cantines, à budget constant en faisant évoluer ses menus, en diminuant fortement le gaspillage et en installant un maraicher bio sur la commune. Conséquences : un impact positif sur la santé des enfants, une évolution des habitudes alimentaires dans les familles, un dynamisme économique local, une préservation des terres agricoles, la création de plusieurs emplois, etc.

Autre exemple dans l’ouest de la France, où plusieurs fermes d’élevage bovin de plein air, favorisant l’autonomie alimentaire, se sont avérées bien plus résilientes face aux crises économiques ou climatiques en créant davantage de valeur ajoutée et d’emplois, en élevant leurs animaux dans de meilleures conditions, tombant nettement moins malades . Ce sont ces petites fermes avec une meilleure efficacité économique qui permettront de lutter efficacement contre les changements climatiques.

Manger est un acte culturel, social et politique fort, et c’est aussi un acte de plaisir. Manger peut devenir un acte militant et un véritable moteur du changement : pour le climat, pour notre santé et celle des agriculteurs, pour l’environnement, pour les paysages.

Si le Plan Climat du gouvernement a loupé le coche sur ce point, les États généraux de l’alimentation devront prendre la mesure de l’importance de notre alimentation dans la lutte contre les changements climatiques et aboutir à des solutions concrètes.

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