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Élevage intensif et souveraineté : les limites du produire plus

Dans le contexte géopolitique actuel, la souveraineté alimentaire s’est imposée récemment comme un objectif cardinal pour les politiques agricoles françaises.

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Concernant les filières de production animale, et notamment le poulet, la solution proposée par les pouvoirs publics et les filières semble claire : produire plus et à bas coût pour réduire les importations de viande du pays. Mais l’élevage intensif dépend d’importations et mobilise une part importante de la surface cultivée. Ce paradoxe, souligné par le Réseau Action Climat dans son nouveau rapport, démontre que l’intensification de l’élevage ne permet pas de résoudre les défis de souveraineté, alors même qu’hier le parlement s’est accordé sur la loi d’orientation agricole qui va favoriser les élevages industriels.

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Crédits Illustration : Margaux Lhuissier

L’élevage intensif, fortement dépendant des importations agricoles et d’engrais

La France importe de grandes quantités de matières végétales riches en protéines pour nourrir ses animaux d’élevage, dont 3 millions de tonnes de soja en 2022 pour un coût de 1,5 milliard d’euros, principalement d’Amérique latine. De plus, le recours aux acides aminés de synthèse est en croissance pour compléter l’alimentation des élevages intensifs, alors que la production est concentrée en Chine. 

De même, l’élevage intensif nécessite un usage important d’engrais minéraux pour la production de l’alimentation animale. Or, 80% des engrais minéraux sont importés, principalement  de Russie, Egypte, Algérie, Biélorussie, et ceux produits sur le territoire le sont à partir de gaz importé. Ces dépendances aux importations renforcent la vulnérabilité de notre secteur agricole face aux enjeux géopolitiques. De ce fait, la Commission européenne identifie d’ailleurs l’élevage comme le “talon d’achille” de la souveraineté agricole européenne dans son rapport annuel

44%* des terres cultivées le sont pour nourrir les élevages français, soit l’équivalent de 12 départements en moyenne

Une grande partie des terres cultivées en France sont utilisées pour nourrir les animaux d’élevages. Cela représente par exemple un tiers de la production de céréales. De plus, il faudrait multiplier par 8,5 la production française de soja pour couvrir les besoins en alimentation animale importés, soit une surface de l’ordre de 1,1 million d’hectares. En additionnant la part de surfaces cultivées française dédiés à nourrir les animaux d’élevages et les surfaces aujourd’hui délocalisées, la surface nécessaire aux cultures à destination des élevages français dépasserait les 50% de la surface cultivée totale de la France. 

* L’estimation réalisée se base sur les données Agreste pour l’année 2022 concernant la quantité de chaque culture utilisée en alimentation animale rapportée aux rendements moyens constatés et à la superficie cultivée totale de chaque culture. Elle se concentre sur les terres cultivées et n’inclut pas les surfaces toujours en herbe et de prairies permanentes.

Augmenter l’élevage intensif au nom de la souveraineté alimentaire est donc une erreur stratégique

Face à ce constat, des leviers d’action existent. L’enjeu de la souveraineté des filières animales passe par le développement des élevages durables, plus résilients et plus autonomes pour leur production, et plus rémunérateurs pour les éleveurs. Il implique aussi d’agir sur le levier de la consommation alimentaire. Car la hausse des importations de viande ne provient pas tant d’une crise de la production, que d’une forte évolution de la consommation durant les vingt dernières années, avec une hausse spectaculaire de celle de viande de poulet et de celle de produits transformés. L’Etat doit donc mettre en place des politiques alimentaires ambitieuses, en faveur de la réduction de la consommation de viande, tout en favorisant celle de viande de qualité (viande biologique, Label rouge, etc.) et produite en France, ciblant en priorité les acteurs structurant l’offre alimentaire (grande distribution, restauration commerciale, industriels).

Synthèse – Elevage intensif et souveraineté : les limites du produire plus
Rapport – Elevage intensif & souveraineté : les limites du produire plus
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