Comment mettre fin au paradis fiscal dont bénéficie le transport aérien
Selon une étude réalisée en 2018 pour la Commission européenne mais qu'elle n'a pas rendu publique à ce jour, l’Europe demeure un « paradis fiscal » pour le transport aérien. L'état des lieux met en lumière une fiscalité particulièrement avantageuse pour le transport aérien en Europe et notamment en France, au détriment du climat.
En bref
Selon une étude réalisée en 2018 pour la Commission européenne rendue publique le 13 mai 2019, l’Europe demeure un « paradis fiscal » pour le transport aérien. L’état des lieux met en lumière une fiscalité particulièrement avantageuse pour le transport aérien en Europe et notamment en France, au détriment du climat. Démontrant les avantages de la taxation environnementale pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, les nuisances sonores et ce, avec un impact négligeable sur l’emploi, elle appelle à des réponses politiques immédiates.
En complément de la nécessaire taxation du kérosène, le Réseau Action climat et ses associations membres ont proposé, dans le cadre de la Loi Mobilité examinée depuis le printemps au Parlement, une « contribution climat » de 20 à 100 euros selon le vol et la classe, dont devraient s’acquitter les compagnies aériennes pour tous les billets achetés pour un décollage en France. Le gouvernement a fait un premier pas dans cette direction en annonçant en juillet une écotaxe mais son montant (variant de 1,5 à 18 euros) est trop faible pour permettre une réduction du trafic aérien et de ses émissions de gaz à effet de serre, comme le requiert l’Accord de Paris sur le climat.
En France, le transport aérien hors des radars de la politique climatique et du projet de loi mobilité
Le transport aérien est le mode de transport le plus émetteur de gaz à effet de serre par personne et kilomètre parcouru : il est au moins deux fois plus émetteur de CO2 que la voiture et 14 à 40 fois plus que le train. Ses impacts dépassent le seul CO2 puisque ses trainées de condensation et les oxydes d’azote qu’il génère réchauffent aussi l’atmosphère (1). Dépourvu d’objectif contraignant sur ses émissions, le trafic aérien français poursuit sa hausse en métropole et à l’international (2), à un rythme insoutenable pour le climat. La consommation de kérosène a même cru en France en 2018 (UFIP).
Malgré ces impacts et ces tendances inquiétantes, aucune mesure de réduction du trafic aérien et des émissions de gaz à effet de serre du transport aérien n’a été prise à ce jour en France et le transport aérien est absent du projet de loi Mobilité.
A l’étranger, des démarches s’avèrent concluantes. En Suède par exemple, le nombre de passagers a diminué de près de 4,4 % sur un an, dont – 5,6 % sur les vols intérieurs, depuis la mise en place d’une nouvelle taxe climat sur les billets d’avion et la relance des trains (de nuit notamment).
La pollution du transport aérien largement subventionnée en France
La France n’a pour l’instant aucune fiscalité environnementale sur les trajets en avion. Au contraire, certaines compagnies et certains aéroports sont lourdement subventionnés pour garantir le fonctionnement des lignes régionales comme l’a démontré la FNAUT (3), le kérosène est complètement exonéré de TICPE et de TVA contrairement aux autres modes de transports -hormis le fioul maritime. De plus, le taux de TVA est réduit (10%) sur les billets acheté pour des vols nationaux tandis qu’un taux zéro de TVA est appliqué sur les billets internationaux. La taxe de solidarité est faible en comparaison d’autres taxes appliquées aux billets à l’étranger selon l’état des lieux produit par la commission européenne. La seule exonération de taxe sur le kérosène en France représente un manque à gagner de 3,6 milliards d’euros, un montant qui serait deux fois plus élevé si le kérosène était taxé comme l’essence (4).
Selon l’étude de la commission européenne, la mise en place d’une taxation du kérosène à hauteur de 33 centimes par litre permettrait de réduire de 9% les émissions de GES du secteur, équivalant au retrait de 850 000 véhicules sur les routes de France, de 7% le nombre de personnes exposées à de fortes nuisances sonores, et aurait des « impacts négligeables » en termes d’emplois. Les arguments des opposants à la taxation environnementale du transport aérien sont donc mis à mal par l’étude de la commission européenne. De plus, le maintien des avantages fiscaux créé une injustice sociale, moins d’un quart les des ménages dont le niveau de vie est le plus faible ayant pris l’avion en 2015, contre 49% des ménages dont le niveau de vie est le plus élevé (5).
Des attentes fortes pour mettre le transport aérien à contribution et investir dans les solutions comme le train
L’étude de la Commission européenne confirme qu’il est juridiquement possible, dans le cadre de la convention internationale de Chicago, de taxer le kérosène sur les vols intérieurs et les vols internationaux, à condition que les pays s’entendent bilatéralement sur son application. La France peut donc agir sans plus attendre avec les pays volontaires pour taxer le kérosène au national et à l’international, d’autres pays taxant déjà le kérosène.
En complément de la taxation du kérosène, le Réseau Action Climat a proposé l’instauration d’une contribution climat sur les compagnies aériennes pour chaque billet d’avion vendu en France pour les vols nationaux et internationaux pour enrayer de manière immédiate la la hausse du trafic et des émissions de gaz à effet de serre.
Son montant varie en fonction de la distance et de la classe : 20 euros en « classe économique » et 40 euros en « classe affaires » pour un vol de moins de 2000km et respectivement 50 et 100 euros pour un vol international de plus de 2000 km). Alors que l’Assemblée nationale s’apprête à examiner le projet de loi du gouvernement d’orientation des mobilités à partir du 14 mai, le Réseau Action climat et ses associations membres appellent les législateurs à adopter cette mesure. Vous pouvez aussi leur écrire grâce à notre outil d’interpellation Pour Qui Roulez Vous ?
Du mouvement des gilets jaunes au Pacte écologique et social du « pouvoir vivre » qui réunit 19 organisations, l’absence de taxation climatique sur le transport aérien est une aberration largement remise en question.
La fin de ces subventions constitue l’un des leviers incontournables de réduction des émissions de gaz à effet de serre du transport aérien, en complément de mesures favorables à la promotion d’alternatives à l’aérien comme le train en métropole et sur les liaisons transfrontalières.
Notes de bas de page
(1) Concernant les idées reçues sur le transport aérien : https://reseauactionclimat.org/publications/cinq-mythes-transport-aerien/
(2) Le transport aérien français a connu une hausse en 2017, au niveau international (+6%) et intérieur (+4%), où il est porté par le trafic sur les lignes transversales (province-province) : + 8,3 % contre + 0,8 % sur les lignes radiales (Paris-province).
https://www.fnaut.fr/actualite/communiques-de-presse/712-les-aides-publiques-au-transport-aerien
(4) Annexe Tome II – Évaluation des voies et moyens PLF 2019 : le coût de la niche fiscale dont bénéficie le kérosène en France est chiffré à 3,6 milliards d’euros sur la base du taux 17bis de 39,79 €/hl l’article 265 bis-1-b du code des Douanes. En se basant sur le même taux de TICPE que pour l’essence E10 (66 centimes/litre) et en ajoutant la TVA qui s’applique sur la TICPE, le manque à gagner pour les finances publiques est de 7,2 milliards €. Contrairement aux idées reçues, il est tout à fait possible juridiquement de taxer le kérosène sur les vols nationaux et internationaux, sous couvert que les pays s’engagent mutuellement.
(5)«Les Français et la mobilité durable » www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publications/p/2570/1228/francais-mobilite-durable-quelle-place-deplacements.html
Les niveaux de vie considérés comme « faibles » correspondent à 33 % des ménages, tandis que les niveaux de vie définis comme « forts » représentent 24 % des ménages de l’échantillon
SIX IDEEES RECUES SUR LA TAXATION DU TRANSPORT AERIEN
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