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Les propositions du COI ouvrent-elles la voie à une véritable planification écologique dans le domaine des transports ?

Le rapport du Comité d’Orientation des Infrastructures (COI) doit permettre d’éclairer les choix d’investissement du Gouvernement dans les infrastructures de transport. Alors que ces choix politiques feront office de test de crédibilité de la planification écologique, le Réseau Action Climat analyse des différents propositions du COI.

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Les demandes du Réseau Action Climat : 

  • Instaurer un moratoire sur les nouveaux projets routiers : 12 milliards d’euros économisés
  • Interdire toute extension ou construction de nouvel aéroport
  • Faire du train un moyen de transport de masse : 15 milliards d’euros
  • Créer 50 000 kilomètres de pistes cyclables partout en France : 3 milliards d’euros
  • Doubler le nombre de déplacements en transports en commun : 2,5 milliards d’euros

Le détail de nos demandes

Trois scénarios, dont deux hors-jeu pour répondre aux enjeux de la planification écologique

Sur les trois scénarios détaillés par le COI, deux d’entre eux semblent dores et déjà incapables de répondre aux enjeux climatiques, sanitaires et sociaux auxquels la transformation de notre système de mobilité doit répondre.

😠 Un scénario 1 dit “scénario de cadrage budgétaire”

De l’aveu même du COI,  “ce scénario ne permet pas de répondre aux ambitions affichées par le Gouvernement”. En effet, ce scénario est placé sous le signe d’une très forte  contrainte budgétaire quitte à ne pas tenir compte dans son chiffrage de la forte inflation des derniers mois … Résultat, avec une enveloppe de 17,5 milliards d’euros sur la période 2023-2027, ce scénario propose d’appuyer sur le frein alors même que la transition écologique nous oblige à accélérer les investissements dans l’entretien et la modernisation du réseau ferroviaire, les infrastructures cyclables ou encore les transports en commun.

Un scénario 2 dit de “planification écologique”

Il propose d’investir 25,8 milliards d’euros sur la période 2023-2027 soit une augmentation des crédits de 50 % par rapport à la période actuelle.  Cette enveloppe attendrait ensuite 29,4 milliards d’euros sur la période 2028-2032. Si ce scénario acte une vraie prise de conscience des besoins d’investissement dans l’entretien du réseau ferroviaire, d’autres points méritent d’être questionnés. C’est le cas en particulier de la faible importance accordée aux infrastructures cyclables ainsi qu’aux transports en commun. Ce scénario fera l’objet d’une analyse spécifique dans la suite de cet article.

😠 Un scénario 3 dit ”priorité aux infrastructures”

Ce scénario reprend les grandes orientations du scénario 2 en y intégrant davantage de nouveaux projets routiers et ferroviaires. Conséquence directe de choix, l’enveloppe budgétaire pour la période 2023-2027 atteint près de 29 milliards d’euros et même 35,3 milliards d’euros sur la période 2028-2032. L’autre conséquence est bien sûr environnementale puisqu’il prévoit notamment de financer la réalisation de l’ensemble des nouveaux projets routiers pourtant néfastes pour le climat et la biodiversité (A133/134, contournements de Nîmes et de Arles, etc.). 

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Il existe en France plus de 55 nouveaux projets routiers contestés pour un coût total estimé de 18 Md€ dont plus de 12 Md€ d’argent public.

🧐Un scénario 2 qui esquisse d’un début de planification écologique

A l’issue de ce premier tour d’horizon, le scénario dit de “planification écologique” semble être le seul en mesure de répondre aux enjeux de planification écologique. Il apparaît même être un strict minimum si le Gouvernement souhaite sérieusement s’attaquer à cet enjeu. 

Ce qui est positif mais peut encore être amélioré :

Dans le détail, le scénario renforce significativement les investissements dans le transport ferroviaire. Au total, ce sont près de 1,5 milliard d’euros supplémentaires qui pourraient bénéficier à l’entretien du réseau existant – y compris des petites lignes -, au développement du fret ferroviaire, des trains de nuit et des RER métropolitains. Pour le Réseau Action Climat il s’agit néanmoins d’un minimum puisque c’est près du double qui serait en réalité nécessaire pour véritablement accélérer le développement du transport ferroviaire. 

Le Réseau Action Climat s’inquiète notamment des montants insuffisants accordés à l’entretien des petites lignes et au fret ferroviaire. Rien n’est dit non plus sur le modèle de financement des nouvelles lignes de train de nuit, alors qu’il s’agit d’un point crucial si le Gouvernement souhaite développer un réseau d’une dizaine de lignes à horizon 2030. En Autriche, pays pionnier en matière de trains de nuit, le Gouvernement a par exemple fait le choix clair de soutenir l’exploitation des lignes de nuit. 

Sur les nouveaux projets routiers, le COI recommande l’arrêt définitif du projet d’autoroute entre Poitiers et Limoges. Le COI exprime aussi de nombreuses interrogations sur plusieurs autres nouveaux projets routiers. C’est par exemple le cas du projet d’autoroute A133-A134 à Rouen, du contournement de Nîmes ou encore de Arles pour lesquels le COI invite le Gouvernement à réexaminer les impacts climatiques, en termes de biodiversité ou encore budgétaires de ces projets.

Ce qui ne va pas :

Les projets cyclables et de transports en commun sont en revanche les grands perdants de ce second scénario. ll est par exemple proposé une enveloppe de 110 M€/an sur le vélo, soit près de 2 fois moins que les crédits prévus par le Gouvernement pour 2023 et 5 fois que les besoins estimés. Le constat est le même pour les transports en commun, le COI propose une enveloppe de 100 M€/an soit près de 5 fois moins que les besoins identifiés. Tout comme pour le vélo, la reprise de cette proposition reviendrait à acter un ralentissement des investissements dans les infrastructures cyclables et de transport en commun alors même qu’une politique de développement équilibré de ces offres de mobilité sur tout le territoire nécessite au contraire un renforcement des investissements. A titre d’exemple, les 4 appels à projets transports en commun en site propre lancés depuis le Grenelle de l’Environnement ont permis de mobiliser 2,7 Md€ sur la période 2008-2025 soit l’équivalent 160 M€/an, une enveloppe supérieure à celle proposée par le COI. 

Concernant les infrastructures aéroportuaires, le COI souligne que “la planification écologique suppose la maîtrise de la demande et le report modal vers les modes terrestres et le ferroviaire chaque fois que c’est possible”. Le COI ne se prononce en revanche pas sur les dix projets d’extension d’aéroports toujours en discussion en France et qui aboutiraient à une augmentation du trafic aérien, pourtant incompatible avec le principe énoncé ci-dessus. 

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Il existe en France 10 projets d’extensions d’aéroports qui contribueraient à augmenter le trafic aérien.

🥰 Pour une vraie planification écologique : le besoin d’un scénario 2 bis dit “priorité aux transports du quotidien”

Le Gouvernement a été clair sur le fait qu’il construirait son propre scénario à partir des travaux du COI. Le Réseau Action Climat appelle donc ce dernier à construire un scénario 2bis dit “priorité aux transports du quotidien”. 

Ce scénario largement inspiré du scénario 2 devrait aller plus loin encore sur l’effort de d’entretien du réseau ferroviaire et augmenter les enveloppes allouées aux infrastructures cyclables et de transports en commun pour leur donner toute leur place dans la planification écologique. Le Réseau Action Climat attend aussi du Gouvernement qu’il traduise politiquement les interrogations émises par le COI sur de nombreux projets routiers en annonçant un moratoire sur les nouveaux projets routiers

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