Analyse de la législature 2022-2024 : les positions des principaux blocs politiques sur 11 mesures concrètes sur l’écologie et la justice sociale
Dans le contexte des élections législatives anticipées du 30 juin et du 7 juillet, le Réseau Action Climat et ses associations membres, ont analysé le positionnement des 3 principales forces politiques sur plusieurs enjeux concrets sur le climat et la transition juste débattues à l’Assemblée nationale depuis les élections législatives
Dans le contexte des élections législatives anticipées du 30 juin et du 7 juillet, le Réseau Action Climat et ses associations membres, ont analysé le positionnement des trois principales forces politiques (Rassemblement National, Renaissance, NUPES) sur plusieurs enjeux concrets sur le climat et la transition juste débattues à l’Assemblée nationale depuis les élections législatives de 2022.
Cette analyse se fonde sur des votes et/ou des dépôts d’amendements à l’Assemblée nationale, en séance publique comme en commission depuis juillet 2022. Les trois partis ou groupes de partis sélectionnés (Rassemblement National, Renaissance, NUPES) étaient les principales forces en présence lors de la précédente assemblée. Ils sont également les trois premières alliances désignées par les sondages.
Au vu de la rapidité avec laquelle ce décryptage a dû être réalisé, le Réseau Action Climat a fait le choix de se concentrer sur des mesures “bascules” qu’il juge représentatives des grandes tendances sur des enjeux clefs de la transition écologique et de la justice sociale : Qui doit participer au financement de la transition écologique ? Comment rendre plus accessible le véhicule électrique ? Comment lutter efficacement contre la précarité énergétique ? Comment garantir une alimentation de meilleure qualité pour nos enfants ? Autant de questions, parmi d’autres, qui ont été débattues lors de la dernière législature et qui ont fait apparaître des visions radicalement différentes entre les principales forces politiques en présence. Autant d’indicateurs de ce à quoi pourrait ressembler une Assemblée Nationale dominée par un des trois grands blocs qui vont s’affronter dans les urnes les 30 juin et 7 juillet prochains.
Le Réseau Action Climat rappelle que la solidarité internationale doit être le fondement de toute politique efficace de lutte contre le changement climatique. A ce titre, le Rassemblement National en faisant de la préférence nationale l’une des pierres angulaires de son programme, défend un positionnement incompatible avec les valeurs défendues par le Réseau Action Climat.
Les autres ressources de décryptage
Ce décryptage thématique vient s’ajouter à de nombreux travaux déjà produits au cours des dernières années par le Réseau Action Climat sur le bilan et les mesures portées par les différents partis politiques.
Les élections européennes 2024
- https://reseauactionclimat.org/que-fait-leurope-pour-le-climat-et-lenvironnement-decryptage-du-pacte-vert-europeen-et-des-votes-des-eurodeputes-francais/
- https://reseauactionclimat.org/communique-de-presse-elections-europeennes-decryptage-des-programmes-que-valent-ils-sur-le-climat/
Le bilan mi-mandat des municipales en 2023
Les élections présidentielles en 2022
Les élections régionales en 2021
Pour une offre de véhicules légers et abordables : un malus poids incitatif
Pourquoi c’est important ?
L’année dernière en France, près d’un véhicule vendu sur deux était un SUV. Plus lourds, plus polluants, plus chers à l’achat comme à l’usage, les SUV constituent une impasse sur le plan social, écologique et industriel. Cette tendance est le résultat d’un choix stratégique des constructeurs automobiles, qui ont délaissé leur offre de véhicules abordables au profit de véhicules premium à forte marge. Concrètement, le prix des voitures neuves a bondi de 22% en 5 ans et seule une minorité de Français et les entreprises sont aujourd’hui en mesure d’acheter un véhicule neuf, qu’il soit thermique ou électrique. Il y a donc urgence à contrer cette tendance à l’alourdissement des véhicules qui crée une transition à deux vitesses, au détriment du pouvoir d’achat et du climat.
Qu’est ce qui a été proposé par les différents groupes parlementaires ?
La majorité présidentielle : une proposition pour renforcer (un peu) le malus-poids
Aujourd’hui, il existe un malus poids sur les véhicules thermiques de plus de 1800 kg. Ce malus a concerné 2,6% des véhicules vendus en 2023. Dans le Projet de Loi de Finance 2024, la majorité présidentielle a proposé (article 14) de baisser le seuil de déclenchement du malus à 1600 kg, ce qui concernerait 9% des véhicules vendus.
La NUPES : une proposition pour renforcer (nettement) le malus-poids et inclure les véhicules électriques
La NUPES a proposé de baisser le seuil de déclenchement du malus poids sur les véhicules thermiques à 1300kg, avec l’application d’un barème progressif, et d’inclure les véhicules électriques et hybrides rechargeables, avec un barème spécifique. Ce seraient alors 40% des véhicules thermiques qui seraient concernés et 18% des véhicules électriques.
Le Rassemblement national : la suppression du malus-poids
Le Rassemblement national a proposé de supprimer le malus au poids pour les véhicules thermiques.
Analyse du Réseau Action Climat
Renforcer le malus au poids est un bon moyen de désinciter à l’achat de ces véhicules, mais surtout d’envoyer un signal fort aux constructeurs automobiles pour qu’il réorientent leur production de véhicules vers des modèles plus légers et donc plus abordables, moins polluant et moins gourmand en métaux critiques pour les véhicules à batterie.
Dans cette perspective, ce qui est proposé par la majorité présidentielle va dans le bon sens, mais reste insuffisant et ne suffira pas à influencer structurellement l’offre de véhicules. Surtout, elle ne concerne que les véhicules thermiques. Or, les constructeurs automobiles appliquent actuellement la même stratégie de montée en gamme sur les deux motorisations, rendant le véhicule électrique hors de prix pour une très grande partie de la population, malgré les différentes aides de l’Etat.
A l’inverse, la proposition de la NUPES est assez ambitieuse pour influer sur la stratégie des constructeurs. Le barème spécifique sur le véhicule électrique permet de prendre en compte le poids important de la batterie, mais sans exclure cette catégorie de véhicule.
Le Rassemblement national quant à lui s’oppose à ce renforcement de la fiscalité sur les SUV, sans proposer autre chose pour contrer la tendance à l’alourdissement des voitures et à l’augmentation de leur prix d’achat. Un véhicule neuf coûtait en moyenne 20 000 euros il y a 10 ans contre 35 000 euros aujourd’hui. Et combien demain si cette tendance se poursuit ?
Pour plus d’équité fiscale : taxer le kérosène
Pourquoi c’est important ?
C’est un levier de réduction des gaz à effet de serre. Les niches fiscales aériennes (pas de taxe sur le kérosène, TVA réduite sur les vols intérieurs et à 0% sur les vols internationaux) rendent possible des billets à très bas coût, incitant à voyager en avion plutôt qu’en train. Rétablir le “juste prix” de l’avion, mode de transport le plus néfaste pour le climat, contribuera à réduire les gaz à effet de serre. En 2018, le secteur aérien était responsable de 7% des émissions de CO2 françaises.
C’est une question d’équité fiscale. Alors que chacun paye une taxe sur l’énergie lorsqu’il fait un plein de carburant ou lorsqu’il prend le train, les voyages en avion en sont exemptés. C’est d’autant plus incompréhensible que ce sont surtout les CSP + qui prennent l’avion, pour partir en vacances.
C’est une source de financement pour la transition écologique. Chaque année, ce sont près de 10 milliards d’euros d’exonérations fiscales qui sont distribués au secteur aérien . Cet argent permettrait de réduire le prix des billets de train et de concrétiser les investissements nécessaires dans les infrastructures ferroviaires.
Qu’est ce qui a été proposé par les différents groupes parlementaires ?
La majorité présidentielle : une taxe sur certains aéroports mais rien sur le kérosène
Dans le PLF 2024 (Article 15), la majorité présidentielle a créé une taxe sur les autoroutes et les principaux aéroports internationaux, avec des recettes escomptées de 600 millions d’euros par an (dont environ 150 millions pour les aéroports). Les aéroports low cost, comme Beauvais-Tillé, ne sont pas concernés.
La NUPES : favorable à la taxation du kérosène
Lors de l’examen du PLF 2024 (articles 10, 14 et 16), la NUPES a proposé
- de taxer le kérosène et relever la TVA à 20% pour les vols métropolitains
- de renforcer l’éco-contribution sur les billets d’avions afin de financer le transport ferroviaire. Cette proposition permet de contourner la difficulté à taxer le kérosène au niveau international.
Le Rassemblement National : statu quo sur la fiscalité aérienne
Le Rassemblement National n’a fait aucune proposition pour renforcer la fiscalité du secteur aérien et s’est abstenu sur celle de la NUPES visant à taxer le kérosène.
Analyse du Réseau Action Climat
La mesure proposée par la majorité présidentielle manque cruellement d’ambition. Alors que le secteur aérien bénéficie de niches fiscales estimées à près de 10 milliards d’euros par an, le montant de la taxe proposée n’aurait que très peu d’incidence sur les capacités de financement de la transition écologique.
Le Rassemblement National quant à lui maintient le statu-quo, ce qui se traduirait par une poursuite de l’augmentation du trafic aérien et de ses émissions de CO2.
Enfin, la proposition de la NUPES renforce significativement la fiscalité du secteur aérien. Cela aurait permis de dégager des recettes de l’ordre de 1,5 milliards d’euros, qui auraient pu être réinvesties dans la décarbonation du secteur lui-même, dans notre réseau ferroviaire ou dans la transition des emplois impactés par la transition écologique.
Pour lutter contre le mal-logement et les factures trop chères : rénover les passoires thermiques en location
Pourquoi c’est important ?
Sur les 37 millions de logements que comprend l’ensemble du parc (résidences principales, résidences secondaires, logements vacants), au 1er janvier 2023, le nombre de passoires énergétiques est estimé à 6,6 millions, soit 17,8% du parc. Ces logements énergivores et mal-isolés ont non seulement des conséquences néfastes sur l’environnement, ils dégradent la situation financière, sanitaire et sociale des ménages qui les occupent parmi lesquels on compte 2,3 millions de ménages modestes. Chaque année, un nombre croissant de ménages français indiquent souffrir du froid chez eux (de 14% en 2020 à 26% en 2023) (Source : Médiateur nationale de l’énergie) et en 2022, 70% des habitants de QPV (Quartiers prioritaires de la politique de la ville) indiquaient qu’il faisait trop chaud l’été dans leur logement, contre 56% de Français (Source : Harris Interactive). En outre, les passoires thermiques engendrent des soucis de santé physique et mentale chez leurs habitants : une mauvaise qualité de l’air intérieur, une mauvaise isolation et une température instable engendrent des troubles respiratoires et cardiovasculaires, conduisant parfois au décès.
Afin de lutter contre les effets néfastes des passoires thermiques sur le climat, le pouvoir d’achat et la santé des individus, a été adoptée dans le cadre de la loi Climat et Résilience de 2021, une obligation de rénovation des passoires thermiques. Celle-ci prévoit que les logements classés G ne seront plus considérés comme décents à partir du 1er janvier 2025. La même logique devrait s’appliquer pour les logements classés F en 2028, et E en 2034.
Qu’est-ce qui a été proposé par les différents groupes parlementaires ?
La majorité présidentielle, si elle ne s’est pas opposée frontalement à l’obligation de rénovation des passoires, a cherché à amoindrir le dispositif
La majorité présidentielle a déposé une proposition de loi visant à exonérer les logements en copropriété de l’obligation de rénovation des passoires thermiques dès lors que ceux-ci portent sur les parties communes d’un immeuble et que les travaux de rénovation nécessitent un vote de l’assemblée générale des copropriétaires. Elle s’est, par ailleurs, opposée à une interdiction stricte de location des passoires thermiques lors des débats de la proposition de loi NUPES visant à renforcer le dispositif prévu à l’article 160 de la loi Climat/Résilience.
La NUPES, favorable à une réelle opérationnalisation de l’obligation de rénovation des passoires thermiques
La NUPES, via le groupe France Insoumise-NUPES, a déposé une proposition de loi visant à réellement obliger les propriétaires à rénover les passoires thermiques qu’ils possèdent avant remise sur le marché locatif. Estimant que le dispositif de la loi Climat Résilience n’allait pas suffisamment loin, en ce qu’il ne faisait que classer les logements G,F et E comme indécents, le groupe a ainsi proposé une exclusion stricte de ces logements du marché locatif, afin d’enjoindre les propriétaires à réaliser les travaux de rénovation.
Le Rassemblement national, purement et simplement opposé à l’obligation de rénovation des passoires thermiques
L’intégralité des membres du Rassemblement national – et Marine Le Pen en tête – a déposé une proposition de loi visant à supprimer l’obligation de rénovation des passoires thermiques telle que prévue par l’article 160 de la loi Climat et Résilience. Le groupe RN estimait alors que l’inclusion des passoires thermiques dans la qualification de l’indécence des logements était discutable et que cette obligation fait peser des contraintes économiques lourdes sur les propriétaires.
Analyse du Réseau Action Climat
Les textes recensés révèlent des ambitions différentes en matière de protection des ménages habitant dans des passoires thermiques. Le RN ne se préoccupe que des propriétaires et semble déterminé à ne rien vouloir leur imposer, la majorité présidentielle semble consciente des enjeux liés aux passoires thermiques mais souhaite éviter de pénaliser leurs propriétaires, tandis que la NUPES cherche à renforcer le dispositif – effectivement améliorable – de la loi Climat Résilience, en s’assurant que les passoires thermiques, autant nocive pour le climat que pour la santé et le pouvoir d’achat des ménages, ait l’obligation d’être rénovées.
Pour plus de justice sociale : enrayer la hausse des factures d’énergie des plus précaires
Pourquoi c’est important ?
La transition énergétique doit être réalisée en répartissant justement l’effort nécessaire.
Si la consommation de pétrole et de gaz doit diminuer, l’effort ne peut pas reposer sur les personnes les plus pauvres. Les 20% des ménages les moins aisés dépensent environ 16% de leurs revenus pour l’énergie (logement et carburants), contre 4,5% pour les 20% les plus aisés (ONPE, 2021).
Depuis 2022, sous l’effet combiné de la reprise économique post-Covid et de l’agression Russe en Ukraine, le prix de marché du gaz et de l’électricité ont été multiplié par plus de 7. Les prix du carburant ont également augmenté. Malgré les aides, l’effet a été plus important pour les personnes les moins aisées, en proportion de leurs revenus.
Qu’est ce qui a été proposé par les différents groupes parlementaires ?
La Majorité Présidentielle : la mise en place d’un bouclier tarifaire qui a surtout profité aux ménages aisés.
En 2022, lors de la loi de finances rectificative, le gouvernement a présenté des mesures d’urgence face à l’envol des prix de l’énergie. D’après une évaluation de la Cour des Comptes de mars 2024, le soutien total a été d’environ 20 Mds€ pour le gaz et les carburants. Ces mesures de soutien non ciblées ont profité plus fortement aux ménages aisés. De plus, le rapport précise que ce soutien intermédié “n’est pas exempt de risques d’effets d’aubaine dès lors qu’une partie des aides ne se traduit pas par des baisses de prix”.
La NUPES : Augmentation du chèque énergie, mais un vote contre le soutien ciblé pour le fioul
Tous les groupes de la NUPES ont déposé des amendements, par exemple celui-di déposé par la députée socialiste Marie-Noëlle Battistel, pour augmenter le chèque énergie en 2023. Ce chèque, ciblé sur les 20% de ménages les moins aisés, lutte directement contre la précarité énergétique, sans bénéficier aussi aux personnes qui n’en ont pas besoin.
Cependant, la NUPES a également soutenu un amendement visant à effacer un critère social pour le soutien du chauffage au fioul dans le budget pour 2023 !
Le Rassemblement National : Baisser le taux de TVA sur l’énergie, au bénéfice des plus aisés et des entreprises qui vendent l’énergie
Le Rassemblement National a proposé de diminuer la TVA sur le gaz et les carburants, de 20% à 5,5 %. La proposition, dont le coût est estimé à 12 Milliards d’euros par le RN, n’est pas ciblée sur les ménages les plus précaires. Elle a été soutenue par le groupe LR.
Analyse du Réseau Action Climat
Si les mesures de soutien d’urgence de la majorité ont apaisé le budget des ménages, ce sont presque 20 milliards d’euros de subventions au gaz et au pétrole qui ont été supportés par la collectivité, alors qu’ils ont profité aux entreprises des énergies fossiles, et aux ménages aisés autant qu’aux ménages en ayant réellement besoin.
La proposition du RN reproduit ces biais de manière encore plus intense. En baissant la TVA pour espérer une baisse des prix, non seulement la baisse des prix n’est pas garantie, mais les profits des vendeurs d’énergies fossiles sont en revanche certains d’augmenter, et les ménages les plus riches, donc les plus consommateurs, profiteront le plus de la baisse des prix.
A l’inverse, le chèque énergie soutenu par la NUPES est une mesure plus juste socialement car elle permet d’aider les personnes les plus dans le besoin sans générer de bénéfices excessifs aux entreprises des énergies fossiles.
Pour soutenir nos éleveurs : garantir l’approvisionnement des cantines de l’Etat en viande française
Pourquoi c’est important ?
En 2022, 30% de la viande consommée en France était importée. Les importations de viande sont particulièrement élevées dans la restauration hors-domicile, ou respectivement 60 à 75 % du poulet et plus de 55 % de la viande bovine sont importés. Si l’on manque de données précises pour le secteur de la restauration collective spécifiquement, les derniers chiffres disponibles estiment que, par exemple, 48% du bœuf dans la restauration collective était importé en 2017.
Cette tendance forte à l’importation nuit à la souveraineté alimentaire du pays, et pénalise les éleveurs français, mis en concurrence avec des élevages de pays où les normes sociales, environnementales et sanitaires sont souvent moins disantes qu’en France, en particulier dans la filière bovine. Cette concurrence est préjudiciable pour les débouchés et la rémunération des éleveurs français, et contribue par conséquent à décourager la transition vers des modèles d’élevage plus durables. Enfin, ces chiffres entrent en contradiction avec la demande des Français et des Françaises de consommer de la viande de qualité, locale ou a minima produite en France.
La question de l’approvisionnement en viandes françaises de la restauration collective d’Etat s’est posée à l’Assemblée Nationale en 2024 dans le cadre des débats sur la loi d’orientation agricole.
Qu’est-ce qui a été proposé par les différents groupes parlementaires ?
La NUPES : une proposition d’approvisionner les cantines de l’Etat en viandes françaises
Dans le cadre des débats sur la loi d’orientation “Souveraineté en matière agricole et renouvellement des générations en agriculture” en mai 2024, la député écologiste Marie Pochon a proposé un amendement visant à “s’assurer qu’à partir de 2027, 100 % des viandes bovines, porcines, ovines et de volaille servies dans les restaurants collectifs gérés par l’État, ses établissements publics et les entreprises publiques nationales proviennent d’animaux élevés en France”. L’ensemble des députés de la NUPES a voté en faveur de cet amendement.
La majorité présidentielle a voté contre
L’ensemble des députés de la majorité présidentielle (Renaissance, Horizons et MODEM) a voté contre l’amendement, à l’exception d’une députée du MODEM qui s’est abstenue (pour 57 voix contre).
Le Rassemblement national a voté contre
L’ensemble des députés du Rassemblement national a voté contre l’amendement, à l’exception de deux d’entre eux qui ont voté pour (contre 19 voix contre).
Analyse du Réseau Action Climat
Faire en sorte que 100% de la viande servie dans la restauration collective gérée par l’Etat, ses établissements publics et les entreprises publiques nationales soit issue d’élevages français permettrait d’assurer des débouchés et de réduire la pression concurrentielle sur les éleveurs français. Cette orientation est également cohérente avec la nécessité, pour des raisons environnementales de santé publique, de modérer la consommation de viande en privilégiant la viande de qualité produite en France.
En somme, suite aux nombreuses déclarations faites en réponse aux mobilisations agricoles et étant donné les difficultés auxquelles font face les éleveurs, cette mesure était un moyen de leur apporter un soutien concret tout autant que symbolique.
Pour la santé des enfants : offrir une option végétarienne quotidienne dans les cantines scolaires
Pourquoi c’est important ?
La plupart des cantines scolaires proposent aux élèves un menu végétarien par semaine, mais uniquement des choix de plats carnés tous les autres jours. C’est non seulement une négation de la liberté de choix, mais c’est aussi préjudiciable pour la santé des enfants. En effet, les enfants ont des apports en protéines deux fois supérieurs aux recommandations de l’ANSES, mais ils ne consomment pas assez de fruits, légumes et légumineuses.
Proposer une alternative végétarienne quotidienne est également bénéfique pour le climat : si elle est choisie par 25 % des enfants, cela entraînerait une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 19 % selon une étude de Greenpeace. Des études ont enfin montré que plus les cantines proposent des choix végétariens, plus elles font des économies leur permettant de servir des aliments de qualité, y compris davantage de viande locale et de qualité.
Qu’est-ce qui a été proposé par les différents groupes parlementaires ?
La NUPES : une proposition pour renforcer les repas végétariens dans les cantines
Dans une proposition de loi discutée en avril 2023, le groupe écologiste a proposé que d’ici 2025, les services de restauration scolaire « proposent une option végétarienne à tous les repas ou, chaque semaine, deux menus végétariens sans autre choix ». Suite à la suppression de cette proposition lors de l’examen en commission, les députés de La France Insoumise et ceux du groupe socialiste ont chacun déposé un amendement pour réintroduire ce dispositif.
La Majorité présidentielle : favorable à conserver un menu végétarien par semaine, mais opposée au renforcement du dispositif
Le gouvernement et les députés de la majorité se sont opposés à la proposition des écologistes de proposer davantage d’options végétariennes dans les cantines et ont fait supprimer cette mesure lors de l’examen de la loi en commission. Lors de l’examen en séance, dix députés de la majorité ont proposé un amendement pour faire en sorte que les cantines scolaires proposent un plat végétarien tous les jours où plusieurs options étaient proposées, mais 78 des députés de la majorité présents ont à nouveau voté contre (16 pour et 6 abstentions).
Le Rassemblement national : opposé à la mesure
Tous les députés du Rassemblement national se sont positionnés pour la suppression de l’article de la proposition de loi écologiste sur les menus végétariens, et ont voté contre l’amendement de Sandrine Le Feur pour une alternative végétarienne quotidienne.
Analyse du Réseau Action Climat
Garantir le choix d’une option végétarienne quotidienne équilibrée dans les cantines scolaires fait partie des recommandations d’une large coalition de 54 organisations, dont le Réseau Action Climat et des associations de consommateurs et de santé.
A l’heure où la planification écologique devrait s’accélérer, l’opposition de la majorité présidentielle et du Rassemblement national à cette mesure est très problématique, et ce d’autant plus que 80 % des Français et des Françaises sont favorables à l’augmentation de la fréquence des options végétariennes dans les cantines scolaires. La position de la majorité est particulièrement décevante étant donné que lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, la plupart de ses députés avaient voté pour l’instauration du menu végétarien hebdomadaire dans la restauration scolaire, et de l’option végétarienne quotidienne en cas de choix multiples dans la restauration collective sous responsabilité de l’État.
Pour la santé des consommateurs : supprimer les additifs cancérogènes dans les charcuteries industrielles
Pourquoi c’est important ?
Les additifs à base de nitrites et de nitrates, ou sels nitrités, sont utilisés dans les viandes transformées, en particulier dans les charcuteries industrielles. Or, ces additifs sont nocifs pour notre santé : l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation a confirmé en 2022 le lien entre l’augmentation du risque de cancer et la consommation de ces additifs dans les viandes transformées. La consommation de charcuteries contenant ces additifs est à l’origine d’au moins 4 300 cas de cancer colorectal chaque année en France, et pourrait aussi être un facteur de risque du cancer de l’estomac.
C’est pour cette raison que leur interdiction est exigée par de nombreuses organisations de santé comme la Ligue contre le cancer, la Société française du cancer, la Société française de santé publique.
Qu’est-ce qui a été proposé par les différents groupes parlementaires ?
La NUPES : une proposition pour interdire les additifs à base de nitrites et nitrates
En février 2023, le groupe des députés écologistes a déposé la proposition de loi “Mieux manger en soutenant les Français face à l’inflation et en favorisant l’accès à une alimentation saine”, dont l’un des articles interdisait les charcuteries contenant des additifs à base de nitrites et de nitrates. Des députés de La France Insoumise avaient déjà déposé en janvier 2023 une proposition de loi visant à interdire ces charcuteries dans la restauration collective scolaire, hospitalière et médico-sociale.
La majorité présidentielle s’est positionné contre l’interdiction des additifs cancérogènes
Lors de l’examen en commission de la proposition de loi “Mieux manger”, les députés de la majorité présidentielle ont proposé un amendement pour supprimer l’article interdisant les charcuteries à base de nitrites et de nitrates. Cet amendement a été voté avec le soutien du gouvernement. Cependant il est à noter que, quelques semaines plus tard, le ministère de l’Agriculture publiait un plan d’action “Réduction de l’utilisation des additifs nitrites/nitrates dans l’alimentation”, qui vise à réduire de 25 à 30 % les teneurs en sels nitrités de certaines catégories de charcuterie.
Le Rassemblement national contre l’interdiction ou la réduction des additifs cancérogènes
Comme la majorité présidentielle, les députés du Rassemblement national ont également proposé un amendement visant à supprimer l’article établissant l’interdiction des charcuteries contenant ces additifs nitrités cancérogènes. Lors de l’examen du texte en séance publique, un autre amendement du Rassemblement national proposait d’interdire uniquement l’importation de charcuteries nitrées.
Analyse du Réseau Action Climat
L’interdiction des charcuteries contenant des additifs à base de nitrites et nitrates est indispensable pour préserver la santé des Français et des Françaises. La proposition de la majorité présidentielle de réduire leur concentration est insuffisante car ces additifs cancérogènes sont nocifs même à des quantités infinitésimales.
Il est regrettable que le gouvernement se soit rangé du côté des lobbies agroalimentaires en sacrifiant la santé publique. Et ce d’autant plus que des alternatives à ces additifs existent : leur interdiction demanderait un effort d’adaptation des industriels mais permettrait de protéger la santé des Français et des Françaises et de faire de la France le leader des viandes transformées sans additifs.
Le positionnement de la majorité présidentielle et du Rassemblement national est d’autant plus problématique que comme l’a affirmé le député MODEM Richard Ramos lors des débats, « Les nitrites tuent les Français, et ça tue les plus pauvres ».
Pour une plus forte souveraineté alimentaire du pays : soutenir les agriculteurs bio, dont la filière est en situation de crise
Pourquoi c’est important ?
Les agriculteurs produisant en agriculture biologique traversent une crise difficile depuis deux ans, notamment à cause de la suppression de certaines aides publiques et d’une diminution de la consommation de produits biologiques, menaçant ainsi la pérennité de nombreuses fermes bio. Il est important de soutenir ces agriculteurs qui contribuent à renforcer la souveraineté alimentaire française. En effet, l’agriculture biologique ne dépend pas de l’utilisation d’engrais de synthèse (dont plus de 80% sont importés) ou de soja importé pour l’alimentation animale, et favorise le développement des circuits courts (en 2022, une exploitation bio sur trois utilisait la vente directe pour commercialiser sa production). Par ailleurs, elle limite les risques de maladies liées à l’exposition aux pesticides à la fois pour les producteurs et les consommateurs, et elle crée aussi plus d’emplois agricoles (30% d’emplois en plus par ferme). Enfin, elle joue un rôle clé dans la protection des écosystèmes.
Face à cette situation critique s’est posée la question d’accorder une nouvelle aide d’urgence à la filière de l’agriculture biologique.
Qu’est-ce qui a été proposé par les différents groupes parlementaires ?
La majorité présidentielle : malgré un refus initial, une aide annoncée par le gouvernement mais d’un montant insuffisant
Le 6 novembre 2023 lors de l’examen du projet de loi de finances, la députée Renaissance Sandrine Le Feur a proposé un amendement visant à mettre en place une aide d’urgence de 271 millions d’euros pour les agriculteurs biologiques. Cependant, lors du vote de cet amendement, seulement 2 députés de la majorité présidentielle ont voté pour, tandis que 21 ont voté contre et 1 s’est abstenu.
Cependant, bien que défavorable à cette aide de 271 millions d’euros, le Gouvernement a finalement annoncé à la fin du mois de janvier 2024, suite aux mobilisations agricoles, une aide d’urgence pour les exploitations en agriculture biologique en difficulté à hauteur de 50 millions d’euros pour l’année 2024 en réaction aux mobilisations agricoles. Cette aide a, par la suite, été rehaussée à 90 millions d’euros, puis récemment portée à 105 millions d’euros.
La NUPES : favorable à l’aide d’urgence aux agriculteurs bio
L’ensemble des députés de la NUPES a voté en faveur de cet amendement.
Le Rassemblement national : silence-radio sur l’aide d’urgence aux agriculteurs bio
Les 7 députés du Rassemblement national qui étaient présents dans l’hémicycle se sont abstenus.
Analyse du Réseau Action Climat
Ce besoin d’aides d’urgence pour les agriculteurs biologiques est soutenu par les organisations agricoles, comme la FNAB, mais aussi la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs. Le chiffre de 271 millions d’euros provient de l’estimation des filières agricoles pour combler le déséquilibre offre/demande : 71 millions d’euros pour la filière laitière, 30 millions d’euros pour la filière porc, 110 millions d’euros pour la filière Grandes cultures et 60 millions d’euros pour la filière Fruits et Légumes.
En ce sens, le plan de soutien mis en place par le gouvernement va dans le bon sens, mais n’est pas suffisant au regard des chiffres remontés par les filières, et il est donc regrettable que la majorité présidentielle se soit initialement positionnée contre la mise en place d’un plan d’urgence plus conséquent. En outre, l’augmentation progressive de l’enveloppe proposée par le gouvernement démontre l’ampleur des besoins non couverts pour la filière.
A l’inverse, la NUPES a appelé de ses vœux un soutien plus fort en faveur des filières biologiques indispensables à la transition agroécologique.
Quant au Rassemblement National, ses représentants ont choisi de ne pas soutenir cette initiative. Ce non soutien aux agriculteurs biologiques a été confirmé à l’occasion des débats sur le projet de loi d’orientation agricole en mai 2024, au cours desquels le RN a été le seul groupe parlementaire a voté contre un amendement du gouvernement inscrivant l’objectif national chiffré de surfaces agricoles en agriculture biologique à atteindre d’ici 2030 et au cours desquels le chef de file du parti sur les sujets agricoles a prononcé un plaidoyer contre la filière biologique.
Pour mieux se déplacer, consommer et accéder aux services essentiels : réduire l’artificialisation des sols
Pourquoi c’est important ?
Selon un récent rapport de France Stratégies, chaque année, 20 000 hectares sont artificialisés – c’est-à-dire bétonnés, bitumés ou transformés – soit l’équivalent de la ville de Marseille. La tendance s’est largement accélérée avec l’étalement urbain et est désormais symptomatique de logiques dépassées : des logements toujours plus éloignés des services, des centres-bourgs dévitalisés et une dépendance accrue à l’automobile. Et ce, alors même que huit français sur dix (79%) considèrent la voiture comme un “gouffre financier”, et que 81% des habitants des communes rurales affirment ne pas pouvoir choisir leur mode de transport. En effet, l’aménagement du territoire façonne nos manières de nous déplacer, produire et consommer, accéder aux services essentiels, nous loger. Il est possible de le repenser pour limiter l’artificialisation des sols tout en redonnant vie aux espaces publics : densifier l’espace bâti permettrait de limiter notre dépendance à la voiture et de donner vie à la commune du quart d’heure.
En 2021, la loi climat résilience entérinait l’objectif d’atteindre Zéro Artificialisation Nette (ZAN) d’ici 2050. Depuis, cet objectif est régulièrement remis en cause et menacé. En 2023, Les Républicains ont déposé une proposition de loi visant à “faciliter la mise en œuvre des objectifs de zéro artificialisation nette au cœur des territoires”, en réalité un assouplissement de la loi climat et résilience. Le texte et ses amendements déposés par LR proposaient par exemple de ne pas compter certains projets routiers comme de l’artificialisation.
Qu’est ce qui a été proposé par les différents groupes parlementaires ?
La Majorité présidentielle : favorable à un “droit à artificialiser”
La majorité a déposé plusieurs amendements à la proposition de loi des Républicains pour transformer en incitation l’obligation d’atteindre l’objectif ZAN et pour garantir aux communes rurales un “droit à artificialiser”, donc à poursuivre l’étalement urbain et la suppression d’espaces naturels, agricoles et forestiers.
La NUPES : des propositions pour limiter les projets inutiles et la dépendance à la voiture
La NUPES a déposé des amendements visant à limiter les projets inutiles renforçant notre dépendance à la voiture et sans gain social (contournements routiers, fermes-usines, etc), et supprimer les avantages fiscaux à l’implantation d’entrepôts, hangars, et parkings commerciaux. Ils ont également proposé d’affecter une part minimale de 5% de l’enveloppe d’artificialisation intercommunale à la création de pistes cyclables. Ils souhaitaient aussi améliorer l’intégration des enjeux sociaux dans la lutte contre l’artificialisation des sols en garantissant l’accès au logement, aux mobilités et à la nature.
Le Rassemblement National oppose le développement économique et la sobriété foncière
Le RN allait plus loin et souhaitait exclure les petites communes du dispositif ZAN. Ils revendiquent aussi leur volonté de sortir les “usines géantes” du dispositif, afin de faciliter leur implantation sur le territoire au nom de l’attractivité économique du pays.
Analyse du Réseau Action Climat
Les amendements recensés font état d’une vision politique très distincte entre les groupes. LR et RN s’opposent frontalement au principe même de la limitation de l’artificialisation des sols, vue comme antinomique avec le développement économique territorial. Sans aller aussi loin, la majorité reste frileuse sur ce sujet en ménageant les collectivités pour leur assurer des marges de manœuvre. Enfin, la NUPES voit dans le ZAN l’opportunité de penser différemment l’aménagement du territoire en densifiant et rapprochant logements, services, commerces, et développant d’autres formes de se déplacer.
Pour des vêtements durables et une industrie textile compétitive : limiter l’importation de produits neufs
Pourquoi c’est important ?
En France en 2022, 3,3 milliards de produits textiles ont été mis en marché. C’est 1 milliard de plus qu’en 2013 et 10 fois plus que ce que demanderait un alignement avec la trajectoire des 1,5 degrés. Avec 95,7% de produits textiles importés, l’impact environnemental de la mode mais aussi la santé économique du secteur en France sont grandement liés à l’importation massive par des entreprises de fast-fashion de produits textiles confectionnés à l’étranger. Les articles importés étant en grande majorité produits à bas coût au détriment de l’environnement et des ouvriers et ouvrières, limiter les importations de textiles neufs permet donc de réduire l’impact environnemental du secteur tout en protégeant une industrie textile française difficilement compétitive face à des prix extrêmement bas.
C’est en ce qu’est proposée en mars 2024 une loi du groupe Horizon visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile.
Qu’est-ce qui a été proposé par les différents groupes parlementaires ?
La NUPES : un amendement pour plafonner les importations de produits textile neufs et adopter un objectif de 30% de réduction d’ici 2030
Dans cette proposition de loi discutée en mars 2024, le groupe écologiste a proposé que d’ici 2025, les importations de produits textiles neufs soient plafonnées au niveau de 2023 et qu’un objectif de réduction de 30% d’ici 2030 soit adopté. Cet amendement déposé par le groupe Écologiste lors de l’examen en plénière a été soutenu par l’ensemble de la NUPES.
La Majorité présidentielle : opposé à la mesure
La majorité présidentielle a voté contre cet amendement à l’unanimité. La majorité a invoqué la non-conformité avec l’OMC et le droit européen pour s’opposer à cet amendement alors que cela serait en réalité possible. En effet, des accords limitant les importations de produits textiles (accords multifibres en vigueur jusqu’en 2005) ont déjà été mis en place par le passé et que le niveau européen pourrait (via le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières) et devrait (via le règlement éco-conception) adopter des mesures de limitations de l’importation de produits textiles.
Le Rassemblement national : abstention
Les députés du Rassemblement National ont voté contre à l’exception d’une députée qui a voté pour.
Analyse du Réseau Action Climat
Cette proposition aurait permis de réduire l’impact environnemental du secteur textile en France mais également de protéger le milieu de gamme français face aux multinationales de la fast-fashion. Demandée par l’industrie textile produisant en France ainsi que par une partie de marques de prêt-à-porter françaises souffrant de la concurrence avec la fast-fashion, cette mesure aurait permis d’enrayer la crise économique à laquelle fait face le secteur français de la mode.
Le statut quo vis-à-vis de l’importation de textile a et continuera d’avoir des effets délétères sur l’industrie de production de textile en France tout en permettant à la fast-fashion et aux produits d’entrée de gamme, représentant 70% des volumes d’achat en France, de continuer à gagner du terrain.
Pour prévenir les risques climatiques et économiques : réguler la finance
Pourquoi c’est important ?
Le saviez-vous ? Notre argent ne dort pas quand il est placé à la banque. Il est utilisé massivement pour investir dans les énergies fossiles, même avec un placement « vert ». En effet, les acteurs financiers sont aujourd’hui au cœur du problème sur le climat, puisqu’ils continuent à financer de nouveaux champs pétroliers et gaziers, et parfois de nouvelles mines de charbon. Ces financements sont apportés en toute impunité (les services financiers ne sont pas couverts dans la Directive européenne sur le devoir de vigilance), et vont à rebours de nos engagements sur le climat. Notre argent est investi massivement dans les énergies fossiles, malgré les risques réels sur le climat, sur l’économie et la finance. Les Français sont lucides : alors que 80 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales sont directement imputables aux énergies fossiles ils sont plus de 80 % à souhaiter sortir très rapidement ou progressivement de ces énergies.
L’Agence Internationale de l’Énergie dit d’ailleurs elle-même que pour rester sur une trajectoire limitée à 1,5°C, aucun nouveau champ pétrolier ou gazier ne peut être ouvert. De plus, la demande en pétrole et en gaz va atteindre son pic dans les prochaines années (avant 2030) avant de décroître, selon le directeur de l’AIE. Les nouveaux projets, en plus d’aller dans le mauvais sens pour le climat, sont tout simplement inutiles.
Pour que l’argent des Français·es ne soit pas utilisé pour financer des énergies fossiles sans leur accord, il est possible de réglementer. Une proposition de loi a été déposée en ce sens.
Qu’est ce qui a été proposé par les différents groupes parlementaires ?
La NUPES : Proposition de loi visant à réguler le secteur financier
Début 2024, le groupe écologiste a porté une proposition de loi visant à réguler le secteur financier par les leviers suivants :
- Interdiction d’octroyer des services financiers aux entreprises qui développent de nouvelles activitées relatives aux énergies fossiles ;
- Diminution de la part des actifs fossiles détenus dans les portefeuilles des sociétés d’investissements et autres acteurs financiers ;
- Reconnaissance du risque financier à investir dans les énergies fossiles et mise en place d’un fonds propre de sécurité pour ces investissements.
Cette idée de réglementer la finance et ses soutiens au chaos climatique se retrouve dans le programme du Front populaire.
Les composantes de la NUPES qui se sont exprimées (Écolo, LFI, PS, et le groupe communistes) se sont portées en soutien à la proposition de loi.
La Majorité Présidentielle : a voté contre au motif de protéger les petits actionnaires et épargnants
La majorité présidentielle a indiqué voter contre ce texte, citant notamment « les pertes possibles pour les petits actionnaires et épargnants » qui investissent dans les énergies fossiles. S’ils reconnaissent l’urgence de sortir des énergies fossiles, les députés, du groupe Horizons notamment,indiquent préférer se reposer sur la transparence avec les directives SFDR et CSRD.
La majorité s’est également opposée à l’interdiction de financement de projets charbon aux acteurs financiers français. Aucun acteur financier français ne finance aujourd’hui de nouveaux projets charbon, mais la majorité n’a pas souhaité le formaliser dans la loi.
Le Rassemblement National : Opposant à la transition et allié du charbon
Le Rassemblement National s’est opposé au texte, plaidant « la mise en place d’un outil européen de quantitative easing vert, qui n’aurait aucune contrainte mais permettrait d’orienter les financements vers des économies plus durables ».
Le Rassemblement national s’est également opposé à l’interdiction dans la loi de financements de projets charbon.
Analyse du Réseau Action Climat
Les acteurs financiers sont aujourd’hui les grands oubliés du climat, pourtant, ces derniers utilisent notre argent. Seuls les groupes composants la NUPES se sont impliqués pour réellement agir sur le financement des énergies fossiles.
Choisir de s’attaquer au problème des financements vers les énergies fossiles uniquement à travers des mesures de transparence, comme le propose entre autres la majorité présidentielle, relève d’une erreur qui est double. Pour changer le système, il est nécessaire d’avoir de la transparence, mais celle-ci va de pair avec des contraintes pour orienter la finance, et des sanctions.
La transparence repose sur l’idée de l’investisseur responsable, selon laquelle un investisseur qui a conscience des risques que comportent ses placements va chercher à les modifier, notamment pour s’aligner avec des objectifs soutenables. C’est une vision naïve que de penser que des groupes comme Blackrock ou Amundi vont changer leurs investissements car ils découvriraient l’impact des énergies fossiles sur le climat.
Même lorsque les placements sont dits « verts » ou responsables, ils peuvent contenir des énergies fossiles. 55 % des fonds d’assurance vie « verts » sont exposés aux développeurs fossiles, idem pour l’assurance salariale avec 70 % des fonds « verts » qui investissent dans les fossiles, un chiffre qu’on retrouve dans les fonds passifs (70 % aussi). La transparence ne permet pas de réorienter les flux financiers, et les grands perdants, ce sont les épargnants.
Pour régler le fond de ces problèmes, il est nécessaire de réguler. Seules les composantes de la NUPES ont reconnu le rôle de la finance et proposé des moyens pour la contraindre.
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