Vote de la dernière chance sur les agrocarburants au Parlement européen

Le 24 février, la Commission Environnement du Parlement européen décidera du sort de la politique européenne en matière d’agrocarburants, dont les effets se sont avérés contraires à l’objectif premier de réduction des émissions de gaz à effet de serre mais aussi dévastateurs pour la sécurité alimentaire et la protection de l’environnement

carburants

Retours sur les contours et les raisons d’un accord tant attendu par les associations de défense de l’environnement et de solidarité internationale.

Une politique de soutien aux agrocarburants biaisée dès le départ

Tout commence en 2003 lorsque l’Union européenne adopte la directive Agrocarburants fixant un objectif non contraignant de 5,75% de biocarburants dans les carburants consommés par les transports en UE en 2010. L’Union européenne adopte ensuite en 2009 deux législations qui expliqueront le fort développement des agrocarburants en France et en Europe :

  • La directive relative aux énergies renouvelables qui instaura un objectif de 10% d’énergies renouvelables dans les transports en 2020.
  • La directive relative à la qualité des carburants qui oblige les fournisseurs de carburants à réduire de 6% l’intensité carbone du processus de production de leur carburant d’ici 2020.

Malheureusement, toutes les émissions de gaz à effet de serre des agrocarburants, et en particulier les émissions liées au changement d’affectation des sols indirects (CASI ou ILUC en anglais) n’ont pas été comptabilisées dans le bilan GES. Les agrocarburants sont apparus, à tort, comme l’un des principaux leviers pour atteindre ces objectifs.

Le changement d’affectation des sols indirect (CASI) se produit lorsque des terres agricoles destinées à l’origine à la production alimentaire sont détournées pour la production d’agrocarburants. A consommation alimentaire constante, voire en augmentation, cela oblige à trouver de nouvelles terres agricoles ailleurs pour répondre à la demande alimentaire. Cette expansion se fait au détriment de forêts ou d’autres écosystèmes riches en carbone, ce qui entraîne une augmentation importante des émissions de gaz à effet de serre (GES).
En France par exemple, si la demande en agrocarburants a causé une augmentation de la production d’agrocarburants, elle a aussi causé une importante hausse des importations des huiles végétales pour l’alimentation. Résultat, le biodiesel incorporé dans tous les véhicules circulant en UE s’avère plus émetteur de gaz à effet de serre que le diesel d’origine fossile lui-même !

Dernière chance pour l’UE d’apprendre de ses erreurs

Après des années de tergiversations de l’Union européenne et un échec en première lecture, le dossier est de retour à l’agenda politique du Parlement européen. Les eurodéputés de la commission environnement doivent voter sur le niveau du plafond d’incorporation des agrocarburants et l’inclusion des facteurs CASI. Alors que la commission européenne proposait un plafond de 5% d’agrocarburants produits à partir de matière première alimentaire dans l’objectif de 10% d’ENR dans les transports, la position du Conseil est de 7% et le rapporteur finlandais M. Torvalds propose de fixer ce plafond à 6% sur tous les agrocarburants produits à partir de matières agricoles, qu’elles soient alimentaires ou énergétiques. Chaque pourcent représentant 200 millions de tonnes de CO2, le plafond doit être le plus bas possible.

Le Réseau Action Climat compte sur les eurodéputés pour résister aux pressions des lobbies et inclure la comptabilisation des émissions liées au CASI dans les valeurs de la directive sur la qualité des carburants et les critères de durabilité de la directive relative aux énergies renouvelables. Sans prise en compte des émissions liées au CASI, l’UE continuera à fermer les yeux sur ce phénomène largement reconnu par la communauté scientifique, bafouant de fait le principe de précaution, pourtant fondateur du droit européen et régulièrement confirmé par la Cour européenne de justice.

Enfin, il faut introduire des gardes-fous sur la non-concurrence d’usage des matières concernées pour les « biocarburants » dits avancés afin d’éviter des dérives similaires. Il est impératif avant tout d’introduire des critères de durabilité robustes, de faire primer la logique « réduire, réutiliser et recycler » et de diminuer la consommation d’énergie. Il ne faut pas qu’une loi publique encourage le développement de carburants dont la production puisse être nocive pour l’environnement au nom d’une politique de promotion des énergies renouvelables.

La politique européenne des agrocarburants coûte aujourd’hui très cher, tant pour les contribuables européens qui s’acquittent de la défiscalisation des agrocarburants à hauteur de 6 milliards d’euros chaque année, que pour les populations du sud, victimes de l’accaparement des terres et de la volatilité des prix agricoles, et ce sans même atteindre son objectif premier : réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports. À la veille de la grande conférence des Nations Unis sur le climat qui aura lieu à Paris en 2015, il est temps pour l’Union européenne d’arriver à un accord qui mette un frein au développement des agrocarburants.

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