Transports

Quelle stratégie européenne pour réduire l’impact des transports sur le climat ?

Alors que les transports représentent désormais le premier secteur émetteur de CO2 en Europe, la Commission européenne s’apprête à rendre publique sa "stratégie de mobilité à basses émissions" d’ici à 2030 en vue de formuler de nouvelles propositions législatives aux États-membres et au Parlement dès 2016.

Copyright : Gérard Colombat
Siège de la Commission européenne, Bruxelles

[Actualisation 20 juillet 2016 : La stratégie de la commission européenne est désormais disponible ici http://ec.europa.eu/transparency/re…, ainsi que le plan d’action résumé : http://ec.europa.eu/transparency/re…]

Les mesures pressenties dans le cadre de la feuille de route de la commission européenne pour réduire la consommation d’énergie des transports seront-elles à la hauteur des enjeux ?

Les transports, aujourd’hui premier secteur pollueur en Europe

À l’inverse des autres secteurs dont les émissions de gaz à effet de serre ont connu une baisse ces 25 dernières années, les émissions des transports ont augmenté de 20% entre 1990 et 2014 en Europe. Cet échec s’explique en grande partie par l’absence de politiques nationale et européenne dédiée au report modal et visant à contrecarrer la hausse de la demande en transports mais également par l’insuffisance des politiques et mesures d’efficacité énergétique pour les véhicules.

Or, pour atteindre l’objectif de réduction d’au moins 30% des émissions du secteur des transports d’ici 2030, comme le suppose le paquet énergie climat 2030, des normes réglementaires sont nécessaires pour limiter les émissions des véhicules légers et lourds neufs en amont, dès 2025. Celles-ci pourraient même contribuer à hauteur de moitié de l’objectif visé au niveau européen, qui reste, rappelons le, insuffisant pour limiter la hausse des températures à 1,5-2°C comme le prévoit l’Accord de Paris et suppose de la part de l’Union européenne de revoir à la hausse ses ambitions climatiques européenne.

La commission européenne ne peut faire l’impasse dans sa communication du 20 juillet sur la nécessité d’introduire des instruments réglementaires ambitieux tout en soutenant l’introduction de mesures complémentaires pour le report modal. L’ébauche de la communication de la Commission européenne qui a fuité la semaine passée laisse présager des avancées sur l’efficacité énergétique des véhicules en particulier sans s’avancer davantage sur les autres chantiers.

Des véhicules légers et lourds moins gourmands en carburant

Les voitures qui représentent la moitié des émissions des transports environ au niveau européen voient leurs émissions régulées depuis l’adoption en 2009 d’une norme contraignante de 130gCO2/km en moyenne pour les véhicules neufs vendus en 2012 qui fut renforcé en 2014 avec l’introduction d’un nouvel objectif de 95gCO2/km en 2021.

Source d’économies pour le consommateur et pour les acteurs économiques, impérative pour retrouver une meilleure qualité de l’air pour tous les Européens, bouclier pour la sécurité énergétique de l’Europe face aux pays exportateurs de pétrole, l’innovation dans le secteur automobile sera aussi fortement créatrice d’emplois en Europe. Entre 600 000 et un million d’emplois pourraient être créés d’ici à 2030 en Europe grâce aux nouvelles réglementations.

Par ailleurs, les poids-lourds représentent une source croissante d’émissions de CO2 en Europe dont les législateurs européens ne sont pas parvenus à se saisir à l’heure actuelle. Comptant pour un peu moins de 5% des véhicules en circulation en Europe, les camions sont responsables de plus d’un quart des émissions de CO2 des transports et leur contribution pourrait augmenter significativement les prochaines années.

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En l’absence totale de réglementation sur la consommation unitaire des poids lourds, celle-ci a stagné ces vingt dernières années en Europe. A ce rythme, elles pourraient représenter 40% des émissions de CO2 totales des transports en 2030 (1).

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Pourtant les études récentes montrent qu’une réduction de 40% des émissions de CO2 est tout à fait possible d’ici à 2030, à condition de mettre en place les instruments incitatifs nécessaires (1). L’expérience des États-Unis, du Japon ou encore de la Chine, tous ayant adopté, montrent que la réduction de la consommation de carburant n’est pas un défi impossible et pourrait même atteindre 27% entre aujourd’hui et 2020-2025 en Europe. Néanmoins le développement des technologies suppose l’adoption d’une réglementation européenne au plus tôt pour voir le jour.

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Favorables tant en termes d’emplois que d’économies pour les usagers des poids-lourds sur leur consommation de carburant, le développement de véhicule lourds plus efficaces en énergie méritent une attention particulière de la Commission européenne et un soutien fort de la France dont le fret routier ne cesse de progresser au détriment de la santé, de l’environnement et du climat.

La loi de transition énergétique : mission impossible sans réglementation européenne sur les véhicules

Sans réglementation européenne ambitieuse et contraignante sur les émissions de CO2 des véhicules légers et lourds, les objectifs de la loi de transition énergétique adoptés il y a tout juste un an par le Parlement français resteront hors d’atteinte.

En effet, pour être compatible avec les objectifs de la loi de transition énergétique, la stratégie nationale bas carbone (SNBC) repose sur un objectif de réduction des émissions de GES des transports de 29% d’ici à 2028 et de 70% d’ici à 2050 qui serait rendu possible par une amélioration de la consommation unitaire de 1% / an pour les véhicules lourds d’ici 2030 et de 30% entre 2013 et 2028 s’agissant des véhicules de passagers, l’objectif stratégique consistant à généraliser les véhicules consommant 2 litres de carburant pour parcourir 100 km en moyenne pour les véhicules neufs ; soit 50gCO2/km en 2030.

Les transports aérien et maritime, toujours tabous ?

Enfin, la Commission européenne ne peut continuer à faire l’impasse sur le secteur du transport aérien dont les émissions de gaz à effet de serre sont amenées à augmenter rapidement si aucune mesure n’est prise à leur encontre. La stratégie européenne de réduction des émissions de GES des transports devraient inclure la suppression des exonération sur le carburant et le soutien au système de trains intra et inter européen pour offrir une option alternative aux vols court courrier.

Notes

  1. T&E analysis based on EEA figures : Too big to ignore – truck CO2 emissions in 2030
  2. ICCT New Study on Technology Potential for EU Tractor-Trailers
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