Sommet Leaders du Climat : quelques avancées timides, mais une opportunité ratée pour la solidarité internationale climatique

A l’occasion du retour des États-Unis sur la scène internationale climatique, Joe Biden a convié 40 chef.f.e.s d’États à son sommet les 22 et 23 avril. Il visait notamment à entraîner plusieurs pays dans sa course à l’ambition, à quelques mois de la COP26. Le Réseau Action Climat décrypte les principaux résultats de ce sommet.

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De nouveaux objectifs de réduction d’émissions, mais pas suffisants pour respecter la trajectoire de 1,5°C

Le sommet a été l’opportunité pour les principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre de relever leurs objectifs de réduction d’émissions. Les  États-Unis ont ainsi annoncé un objectif de réduction d’émissions de 50 à 52 % d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 2005. Les Européens ont confirmé un objectif de 55% de baisse nette des émissions de gaz à effet de serre, inscrit dans la Loi Climat européenne à la veille de la rencontre. Le Japon et le Canada ont également annoncé des nouveaux objectifs de réduction d’émissions d’ici à 2030, respectivement de 46% (par rapport aux niveaux de 2013) et de 40 à 45% (par rapport aux niveaux de 2005).

Cette succession d’annonces doit cependant être analysée avec prudence. Si l’objectif américain représente près du double de l’engagement de l’administration Obama, il n’est pas suffisant pour maintenir le réchauffement de la planète à 1,5°C et devrait plutôt se situer autour de 57-63%, selon le Climate Action Tracker. Les objectifs de réduction du Japon et du Canada restent également insuffisants pour une trajectoire de 1,5°C.

Dans le cas de l’Union Européenne, le fait de miser sur une hausse de l’absorption du CO2 par les puits carbone naturels, forêts et sols, a malheureusement conduit à une révision à la baisse de l’objectif de réduction réelle des émissions porté à 52,8 % au lieu des 55 % annoncés par le Conseil européen en décembre 2020. Cette ambition est loin du niveau requis par la science : son objectif pour 2030 devrait se situer autour de -65 %. De plus, la création d’un marché carbone pour le transport routier et le bâtiment (annoncée durant ce sommet) pour atteindre cet objectif implique des risques sociaux et d’efficacité pour la protection du climat.

Enfin, la Chine n’a toujours pas clarifié son plan de mise en œuvre de sa stratégie de neutralité carbone d’ici à 2060 et certains grands pays émetteurs (Australie, Russie, Inde, Brésil) sont restés très vagues quant à leurs ambitions.

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Plus préoccupant encore, il est important de noter que les annonces de neutralité carbone ou “net-zéro” d’ici à 2050 ne cessent de se multiplier, en se fondant notamment sur les potentiels puits de carbone ou sur des technologies de compensation qui n’existent pas. Ces approches mettent en péril la justice, les droits humains et la survie des populations les plus vulnérables au changement climatique. Il est essentiel de rappeler que pour parvenir à un “réel zéro”, il faut réduire le niveau global des émissions sans avoir recours à des fausses solutions et des techniques trompeuses.

La solidarité internationale climatique, grande absente du sommet

Alors que la finance climat sera l’un des enjeux clés pour la COP 26, le sommet a été une nouvelle occasion manquée de reconstruire la confiance entre pays du Nord et pays du Sud. Seulement les États-Unis (parmi les pays du G20), tentant de se rattraper après plusieurs années d’absence, ont promis de doubler leurs financements climat d’ici 2024 (qui devrait atteindre pratiquement 6 milliards de dollars/an) et de tripler la part allouée à l’adaptation (pour atteindre 1,5 milliards de dollars par an).

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Pour finir, aucun mécanisme de financement pour les pertes et dommages (dégâts liées au dérèglement climatique) n’a été discuté, alors que les événements météorologiques extrêmes se multiplient et sont de plus en plus intenses chaque année. Le refus des pays développés d’honorer leur promesse de verser 100 milliards de dollars par an aux pays en voie de développement pourrait constituer un point de blocage important lors des négociations de la COP 26, en Novembre à Glasgow.

Toujours pas de fin immédiate pour le financement public aux énergies fossiles

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Seule la Corée du Sud a annoncé la fin de ses soutiens publics au charbon à l’étranger. Aucun autre pays du G20 présent lors de ce sommet n’a donné une date de fin immédiate des subventions publiques pour la production d’énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) sur le plan domestique et à l’international. Pourtant, ces mesures sont clés pour accélérer la transition énergétique, en plus d’un investissement massif pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

Les acteurs non-étatiques et les coalitions multi-acteurs : des engagements trop souvent purement technologiques, sans cadre de redevabilité

Ce sommet ne devait pas être une occasion pour des acteurs non-étatiques de verdir leur communication et de faire des annonces sans cadre de redevabilité, c’est-à-dire sans évaluation de leurs résultats. Pourquoi est-il essentiel de faire ce travail d’évaluation? Car au-delà du manque de transparence de ces acteurs (en particulier les entreprises), souvent réunis en coalitions, dont certaines peuvent encourager des solutions technologiques non durables. Afin d’être force de proposition, le Réseau Action Climat a développé une méthodologie d’évaluation. Les entreprises, États et coalitions ont trouvé lors de ce sommet une nouvelle scène pour des solutions qui, selon le Réseau Action Climat, induisent des conséquences sociales et environnementales néfastes. C’est par exemple le cas de la coalition Breakthrough Energy Coalition, évaluée dans la méthodologie du Réseau Action Climat par un score médiocre.  La compensation, la capture et le stockage de carbone, ou encore le nucléaire, ne sont pas des solutions viables et durables. La priorité absolue doit être donnée à la sobriété énergétique et aux énergies renouvelables. Ce n’est pas le message principal qui est ressorti pendant la prise de parole de cette coalition lors du sommet, comme tant d’autres.

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Si ce sommet marquait un pas important pour lancer la dynamique internationale en amont de la COP 26, il illustre néanmoins cruellement l’écart entre des annonces étatiques qui se veulent ambitieuses et leur insuffisance pour maintenir le réchauffement de la planète à 1,5°C. A l’image de l’intervention du Président Français qui a fait un discours sans annonce ni substance, l’ambition ne peut plus se mesurer aux paroles, mais aux actes. Si les “leaders” veulent se montrer à la hauteur du défi, il va falloir donc agir rapidement, en mettant fin aux financement des énergies fossiles, en soutenant financièrement les pays vulnérables face au changement climatique et en réduisant encore plus leurs émissions.

L’image du sommet est à retrouver sur le site officiel : https://www.state.gov/leaders-summit-on-climate/

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