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Réforme des agrocarburants : vote final au parlement ?

Le 14 avril, la commission ENVI du Parlement européen a voté pour la réforme des agrocarburants dans sa version finale proposée par le Conseil.

carburants

Si le texte était adopté en plénière du Parlement (le 29 avril), ce vote mettrait un point final à la réforme des agrocarburants qui dure depuis plusieurs années, fixant pour la première fois un plafond au développement des agrocarburants au sein de l’Union européenne. Cependant, il faudra rester vigilants face à l’arrivée de nouveaux textes pouvant continuer à encourager leur développement, et notamment le nouveau paquet Énergie – Climat de l’UE, ainsi que l’arrivée des biocarburants de 2ème et 3ème génération.

Nous étions depuis quelques mois en aller-retour entre le Parlement et le Conseil européen concernant la réforme des agrocarburants (voir précisions dans cet article). Mais depuis juin dernier, plusieurs pays, dont la France, ont affirmé haut et fort leur volonté de ne pas céder face aux ambitions du Parlement de freiner le développement des agrocarburant. Depuis, le niveau du plafond fixé dans le cadre de cette réforme est fixé à 7%, ce qui reste bien trop haut pour limiter les conséquences sociales et environnementales d’un développement des agrocarburants en Europe. C’est donc ce qui a été adopté ce matin par la commission ENVI du Parlement, décidant ainsi de mettre un terme aux négociations entre le Parlement, la Commission et le Conseil, et en se pliant finalement à un positionnement assez faible qui était la ligne du Conseil.

Contenu de la réforme

Le texte voté par la commission ENVI du 14 avril contient les points suivants :

  • Un plafonnement du développement des agrocarburants fixé à 7% (à l’intérieur de l’objectif de 10% d’énergies renouvelables dans les transports de la directive ENR), s’appliquant également aux cultures énergétiques (et non plus seulement aux cultures alimentaires, ce qui est intéressant bien qu’il y ait déjà des dérogations) ;
  • Le plafond de 7% concerne également la directive sur la qualité des carburants (directive FQD) et sur la possibilité de subventionner les agrocarburants par les Pays (mais de façon optionnelle pour les Etats membres… ce qui affaibli beaucoup la portée de ce point) ;
  • Obligation de rapporter les facteurs CASI mais via des fourchettes très larges (ce qui annule quasiment la pertinence de cette mesure) ;
  • Un sous-objectif non contraignant pour encourager le développement des biocarburants dit avancés de 0,5% (ce qui peut être dangereux, car aucun critère de durabilité n’est encore fixé dans la directive – seule une liste est présente en annexe).

Ce que l’on peut retenir :

  • C’est la première fois que serait fixé un plafond restreignant le développement des agrocarburants (ce qui est mieux que pas de plafond du tout) ;
  • Ce plafond est trop haut : il est fixé à 7% alors que le taux d’incorporation est aujourd’hui à environ 5% au niveau européen (ce qui implique donc encore la possibilité d’une croissance alors que chaque pourcent représente 200 millions de tonnes de CO2) ;
  • Le point sur lequel nous avons beaucoup perdu, c’est la prise en compte des facteurs CASI. Bien que ce soit la première fois qu’ils sont pris en compte dans une législation européenne, nous en sommes rendu à un simple rapportage par les fournisseurs de carburants auprès de la Commission européenne, via des fourchettes très larges, ce qui a très peu d’effet au final ;
  • Il va falloir être vigilent aux objectifs de développement des biocarburants de 2ème et 3ème génération car, dans la directive, aucun critères de durabilité n’est proposé et il ne faudrait pas reproduire les erreurs du passé (il est notamment nécessaire de s’assurer que la loi européenne n’encourage QUE les biocarburants ayant de réels avantages environnementaux) ;
  • La réforme précise que les pays qui le souhaitent peuvent fixer un plafond plus bas que ce 7% (précisé dans un « considérant » situé en début de texte) : la France peut donc tout à fait fixer un objectif en deçà de ce 7%, ce qui pourrait être tout à fait pertinent dans le contexte de cette année particulière d’accueil de la COP21.

Au final, le signal de la mise en place d’un plafond, en soit, est une bonne chose. Mais cette réforme, de part ses nombreuses faiblesses, permet aux agrocarburants de première génération de continuer à compter dans l’atteinte de l’objectif de 10% d’ENR dans les transports alors que, en comptant les facteurs CASI, ils émettent autant voir d’avantage que les carburants conventionnels (ce qui est tout de même un comble pour une mesure présente dans la directive ENR.)

D’autre part, si nous devions retenir une chose de la précédente politique des agrocarburants, ce serait de se baser sur des études d’impact avant de fixer des objectifs de développement : or, c’est ce que l’Europe semble vouloir reproduire pour les biocarburants de 2ème et 3ème génération en fixant un sous-objectif à 0,5%. Même s’il n’est pas obligatoire, il émet un signal de développement auprès des filières concernées.

Si le vote de la commission ENVI devait être positif, le vote final en plénière pourrait avoir lieu le 29 avril prochain.

Maintenant, si cette réforme est voté, il faudra se concentrer sur le paquet Énergie – Climat de l’UE qui est en train d’être discuté, ainsi que l’arrivée des biocarburants de 2ème et 3ème génération.

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