Réchauffement climatique : des vagues de chaleur plus fréquentes et plus intenses

40°C à Londres ou en Sibérie, 43°C dans le Sud-Ouest de la France, plus de 50°C en Inde… Des records de chaleur sont désormais battus chaque année à travers le monde. Ce que nous subissons aujourd’hui n’est pourtant qu’un aperçu de ce qui nous attend à l'avenir si nous ne réduisons pas immédiatement nos émissions de gaz à effet de serre.

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© Loic Venance / AFP

La température moyenne à la surface du globe a augmenté de +1,1°C par rapport à la fin du XIXe siècle selon le 6e rapport du GIEC. Ce chiffre est une estimation à l’échelle mondiale : en France, il est évalué à +1,7°C. L’intégralité de ce réchauffement global est, sans équivoque, dû aux émissions de gaz à effet de serre générés par les activités humaines. Mais quel est le lien entre le changement climatique et la multiplication des vagues de chaleur que l’on a pu observer au cours de ces dernières années ?

Vagues de chaleur, canicules, dômes et plumes de chaleur : quelles différences ?

Il n’y a pas de critères universels pour définir une vague de chaleur : cela dépend des impacts et risques associés qui diffèrent selon les pays et leurs climats. En France, elles correspondent à “des températures anormalement élevées, observées pendant plusieurs jours consécutifs” selon Météo France, qui s’appuie ainsi sur des critères combinant intensité et durée de l’épisode (3 jours minimum) pour les identifier.

Les seuils de vigilance canicules se rapportent à des critères définis à l’échelle d’un département : on utilise ce terme si des températures limites, fixées entre autres à partir de paramètres de santé, sont dépassées sur ce territoire durant au moins 3 jours.

Dôme de chaleur” et “Plume de chaleur” ne sont pas des termes scientifiques utilisés en météorologie mais des expressions imagées permettant d’illustrer deux processus atmosphériques qui entraînent des épisodes de chaleur. On parle ainsi de dôme de chaleur lorsqu’une masse d’air se réchauffe jour après jour, en lien avec un anticyclone, provoquant une période de chaleur dans une zone de grande échelle (par exemple l’Europe de l’Ouest). La plume de chaleur, à l’inverse, correspond à un panache d’air chaud mobile, provenant de latitudes plus au Sud (Sahara, Méditerranée, etc.), générant un épisode de chaleur qui se déplace et peut traverser plusieurs régions.

En savoir plus : Le Monde – « Canicule », « plume » ou « dôme » de chaleur… les mots pour comprendre la hausse des températures

Il est possible de déterminer de façon quantitative comment l’influence humaine a joué sur  une canicule en étudiant sa probabilité d’occurrence ainsi que son intensité, comme expliqué dans cet article du Monde. Par exemple, ces calculs permettent d’estimer que les chances que la canicule de juillet 2019 en France se produise étaient de 1 sur 40. Sans réchauffement climatique, cette probabilité n’aurait été que de 1 sur 20 000. En termes statistique, on peut affirmer que cette canicule était virtuellement impossible sans influence humaine. 

Par ailleurs, le rapport du GIEC montre que l’influence humaine rend les vagues de chaleur plus fréquentes, plus intenses et plus précoces. On peut constater sur le graphique suivant que ces extrêmes de chaleur sont en augmentation dans le monde entier. Le GIEC rapporte enfin que la probabilité d’occurrence d’événements inédits et très impactants augmentent avec chaque dixième de réchauffement global.

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Source : RE6 du GIEC (GTI) – Figure SPM.3 – Traduction : resumegiec.wordpress.com

Des vagues de chaleur chaque année en France

Les statistiques de Météo France montrent une très forte augmentation du nombre de vagues de chaleur sur le territoire métropolitain, illustrée par le graphique suivant.

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Les 44 vagues de chaleur identifiées par Météo France entre 1947 et juin 2022. Depuis, une nouvelle vague de chaleur – la 45eme – a été recensée par Météo France en juillet 2022.

Parmi les 45 vagues de chaleur enregistrées depuis 1947, 21 ont eu lieu au cours des 12 dernières années. Avant 1989, on pouvait en observer 1 tous les 5 ans environ ; depuis 2010 on en compte près de 2 par an en moyenne.

En plus de l’augmentation en nombre, ces épisodes sont aussi plus intenses, avec des vagues de chaleur plus longues et des records de températures régulièrement battus. Le 17 juin 2022 par exemple, de nombreuses communes ont connu des températures encore jamais enregistrées : 40,4°C à Carcassonne, 40°C à Saintes, 38,8°C à Narbonne… Parmi les 20 journées les plus chaudes en France (depuis 1947), 8 ont eu lieu ces 4 dernières années.

Quelle évolution pour les années à venir ?

Avec le réchauffement en cours, ces tendances vont se poursuivre et s’aggraveront si on ne réduit pas nos émissions de gaz à effet de serre rapidement. Les épisodes observés ne seront plus extraordinaires mais deviendront la norme à partir d’un certain niveau de réchauffement. Il faut s’attendre à des vagues bien plus chaudes dans les années à venir, avec des seuils approchant les 50°C en France.

Chaque fraction de degré de réchauffement supplémentaire aura une incidence sur l’augmentation de ces extrêmes de chaleur. Le graphique ci-dessous illustre cette incidence par un exemple : un événement de température extrême qui se produisait en moyenne 1 fois tous les 10 ans auparavant se répète déjà près de 3 fois plus aujourd’hui (avec un réchauffement global de +1,1°C). Il aura lieu 5,6 fois plus et deviendra la norme à +2°C – un réchauffement qui sera atteint vers 2050 selon le scénario compatible avec les politiques publiques mondiales actuellement en place pour les émissions de gaz à effet de serre. Le chiffre monte à 9,4 fois plus à +4°C, questionnant fortement l’habitabilité de nombreuses régions, considérant les impacts majeurs sur les écosystèmes et les sociétés humaines.

Pour chaque fraction de degré de réchauffement supplémentaire, ces événements seront également plus chauds, comme le montre le graphique.

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Source : RE6 du GIEC (GTI) – Figure SPM.6 – Traduction : resumegiec.wordpress.com

De multiples conséquences en cascade

Les chaleurs extrêmes ont des conséquences pour la santé, exposant particulièrement les jeunes enfants et les personnes âgées, les personnes vulnérables atteintes de maladies chroniques, ainsi que les sans-abris. On estime que le nombre de personnes qui meurent de la chaleur atteindra 5000 par an en France d’ici la fin du siècle (contre 1500 actuellement) si les émissions de gaz à effet de serre suivent leur trajectoire actuelle.

Le secteur de l’agriculture est par ailleurs fortement touché : selon le GIEC, les pertes de récoltes liées aux sécheresses et aux canicules auraient triplé ces 50 dernières années en Europe, menaçant la sécurité alimentaire des populations les plus précaires.

La production d’électricité est aussi impactée par l’assèchement des cours d’eau : d’une part au niveau hydroélectrique, car les réservoirs des barrages sont moins remplis ; d’autre part pour les centrales nucléaires, dont certaines sont dépendantes des fleuves pour leur refroidissement. Elles peuvent alors être arrêtées pour ne pas élever davantage la température des rivières par leurs rejets après refroidissement et/ou du fait de débits trop faibles.

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Un incendie dans la forêt de Louchats (Gironde) le 17 juillet 2022 – © Thibaud Moritz / AFP

Les vagues de chaleur, combinées à des sécheresses, renforcent considérablement le risque d’incendies, créant des conditions météorologiques “idéales” pour leur déclenchement, leur étendue et leur persistance. On a pu l’observer avec les méga-feux en 2020 en Australie, en 2021 en Amazonie ou en Californie, ou encore plus récemment en Espagne, Portugal et en France en 2022. Ces incendies ont eux-mêmes de graves répercussions sur la biodiversité, accroissent les émissions de gaz à effet de serre, diminuent le stockage du carbone dans les sols, altèrent la santé, etc.

La faune et la flore peuvent subir elles aussi des conséquences irréversibles, à l’image des systèmes coralliens, qui dépérissent à cause de la chaleur et sont sensibles à chaque dixième de réchauffement : 70% sont menacés avec un réchauffement de 1,5°C et 99% à +2°C, avec des répercussions terribles pour les populations locales qui vivent des ressources maritimes et dépendent de ces écosystèmes.

Que faire face à ces vagues de chaleur ?

Il est nécessaire de mettre en place des mesures d’adaptation pour s’adapter à ces conditions extrêmes qui vont devenir de plus en plus fréquentes. La climatisation, bien que tentante, n’apparaît pas comme une option satisfaisante, car elle est émettrice de gaz à effet de serre, accroît la demande en énergie, renforce la chaleur environnante (dans les rues par exemple) et n’est pas accessible pour toutes les classes sociales. C’est un exemple de maladaptation qui accroît les inégalités sociales et nous enferme dans des pratiques énergivores alors que la sobriété s’impose.

D’autres solutions existent, avec en premier lieu la rénovation des bâtiments pour mieux les isoler face à la chaleur, en plus de permettre des économies d’énergie en hiver. La végétalisation des villes pour limiter les îlots de chaleur, la création de points d’eau, la suppression de surfaces bétonnées sont des options très efficaces. Il faut les mettre en œuvre rapidement car leur déploiement prendra du temps, mais elles sont sans regret et déployables immédiatement. Il n’y a de plus aucun frein pratique pour ces dernières.

Une meilleure gestion du risque d’incendie est par ailleurs indispensable, en augmentant fortement les moyens dédiés à cette lutte, en équipant les territoires forestiers en Canadairs et en formant les sapeurs-pompiers pour des conditions avec un risque bien supérieur sur la quasi-totalité du territoire français. Il est aussi nécessaire de repenser profondément la gestion des forêts via des techniques d’agroforesterie qui rendent les massifs beaucoup moins vulnérables et bien plus résilients.Les conditions de travail doivent aussi évoluer, en particulier pour les activités en extérieur. De nombreux secteurs seront forcés de repenser leurs modes de fonctionnement, notamment l’agriculture, qui devra s’adapter pour produire en consommant moins d’eau.

On ne peut pas empêcher ces vagues de chaleur de se produire ni faire baisser la température, mais nous pouvons limiter sa hausse en réduisant immédiatement et drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, les solutions existent dans tous les secteurs d’après le GIEC. Limiter le réchauffement à +1,5°C est possible, à condition de choix politiques forts liés à une transformation rapide de la société.

Article relu et complété par Christophe Cassou, climatologue et co-auteur du rapport du GIEC

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