6e rapport du Giec : une intensification « sans précédent » du changement climatique

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a actualisé les connaissances scientifiques sur le changement climatique. Les experts du Giec sont catégoriques : les modifications récentes du climat sont sans précédent depuis des millénaires et le rôle joué par les activités humaines est incontestable.

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Dans ce nouveau rapport,  les scientifiques du Giec ont affiné leur analyse qui confirme  l’influence humaine sur un large éventail de paramètres climatiques. Par ailleurs, le lien entre changement climatique et hausse de la fréquence et de l’intensité des événements météorologiques extrêmes (sécheresse, pics de chaleurs, canicules…) est lui aussi confirmé par ce rapport. Le Giec présente ses conclusions au niveau mondial, et  les décline à l’échelle des continents et de zones particulières comme les montagnes, les petites îles et les villes, que l’on peut visualiser grâce à une carte interactive.

Cette publication est l’aboutissement d’un travail de 3 ans et le premier des 3 volets qui formeront en 2022 le sixième rapport d’évaluation du Giec. Il a été rédigé par 234 auteurs issus de 66 pays. Ils ont passé en revue 14 000 publications scientifiques, puis reçu 78 000 commentaires d’autres experts et de gouvernements du monde entier.

Quelles sont les conclusions du Giec ?

Un réchauffement de la température moyenne qui s’accélère.

Depuis le précédent rapport du Giec, qui datait de 2014, les concentrations de gaz à effet de serre ont continué d’augmenter dans l’atmosphère. Ce nouveau document nous apprend que le réchauffement est sans précédent depuis les 2000 dernières années : depuis 1750, la température terrestre s’est élevée d’1,1°C. Cette augmentation n’est toutefois pas uniforme : elle est plus marquée dans certaines parties du globe, par exemple au-dessus des continents, où elle atteint +1,6°C.

1°C de réchauffement, est-ce si grave ?

Pour répondre à cette question, il est essentiel de faire la différence entre la météo (le temps qu’il fait à un moment et à un endroit donné, qui connaît des variation d’un jour à l’autre), et le climat, l’étude des statistiques de variables atmosphériques à moyen et long terme (par convention, sur des périodes de 30 ans).
Si 5°C d’écart dans une même journée sont fréquents et sans incidence sur notre vie, 5°C de variation de la température moyenne terrestre correspondent au réchauffement qui a fait sortir l’Europe de la dernière ère glaciaire… il y a 20 000 ans !

Source : CNRS/ Bon Pote

L’augmentation de la température mondiale est inévitable

La planète se dirige-t-elle vers un réchauffement de +1,5°C, +2°C ou plus encore ? Les experts du Giec se sont notamment appuyés sur 5 scénarios d’émissions de gaz à effet de serre, couvrant la gamme des évolutions possibles de l’activité humaine. 

  • Dans deux d’entre eux, les émissions restent élevées ou très élevées au XXIème siècle (SSP3 – 7.0 et SSP5-8,5)

  • A l’opposé, dans deux autres scénarios, les émissions baissent à des niveaux faibles, voire très faibles, et deviennent même négatives après 2050 (SSP1-1,9 et SSP1 2,6). C’est-à-dire que la planète absorbe alors davantage de gaz à effet de serre que les activités humaines n’en émettent.

  • Enfin, situation intermédiaire, le Giec a envisagé un cinquième scénario où les émissions restent à leur niveau actuel jusqu’au milieu du siècle pour ensuite diminuer (SSP5-4,5)

Scénarios du Giec : quelle variation de la température mondiale pour demain ?

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Lecture : si nous nous situons dans un scénario où les émissions de gaz à effet de serre issues de l’activité humaine sont très fortes, un réchauffement de 1,5°C serait atteint entre 2021 et 2040. *estimations médianes d’augmentation de la température moyenne.

Résultat ? Dans tous les scénarios, la température moyenne continue d’augmenter. Le réchauffement atteindra +1,5°C sans doute avant 2040. Ensuite, tout dépendra de l’évolution des émissions humaines de gaz à effet de serre. Si elles baissent sans attendre et de façon importante, le réchauffement pourrait rester inférieur à 2°C. 

Si les émissions mondiales se maintiennent à leur niveau actuel, le réchauffement devrait avoir dépassé les 2°C en 2050.

Et pire, si les émissions continuent d’augmenter, la trajectoire mène à +4°C voire +5°C à l’horizon 2100. Il faut également préciser que ces trajectoires sont étudiées à l’échelle globale et connaîtront localement des déclinaisons différentes. En Europe, par exemple, la température augmentera à un rythme plus rapide que la moyenne mondiale.

Des changements climatiques d’une rapidité inédite

L’heure est à l’accélération des conséquences du changement climatique. Par exemple, le niveau moyen de la mer s’est élevé plus vite depuis 1900 qu’au cours de tous les autres siècles depuis 3000 ans.

Les événements météorologiques extrêmes, plus forts et plus fréquents

Sécheresses, inondations, incendies… L’année 2021 a été marquée sur tous les continents par des événements météorologiques extrêmes. Dans cette publication, le Giec approfondit la compréhension des liens entre ces phénomènes et le changement climatique. Aujourd’hui déjà, les changements induits par les activités humaines affectent les phénomènes météorologiques. 

Le rapport montre ainsi que les vagues de froid ont été atténuées tandis que les vagues de chaleur et les fortes précipitations sont devenues plus fréquentes et plus intenses. D’après le Giec, plusieurs extrêmes de chaleur observés sur la dernière décennie auraient été improbables sans influence humaine sur le système climatique. Toute hausse supplémentaire de la température moyenne globale – même de quelques dixièmes de degré seulement – augmentera encore l’intensité et la fréquence de ces événements extrêmes.

Qu’entend-on par « une plus grande fréquence » des phénomènes météorologiques extrêmes ?

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, certaines températures très chaudes sur les continents n’étaient autrefois atteintes qu’une fois tous les dix ans. Désormais, elles ont 2,8 fois plus de probabilité d’être atteintes et cette évolution s’accentuera avec la hausse de la température. Ainsi, avec un réchauffement mondial de 1,5°C, ces pics de températures extrêmes seront 4,1 fois plus fréquents. A +2°C, ils le seront 5,6 fois. Et à +4°C, leur fréquence sera multipliée par 9,4.

En outre, ces événements extrêmes seront aussi plus intenses. Par exemple, les fortes précipitations sont déjà 6,7% plus humides que pendant la période 1850-1900. Dans le futur, elles le seront de +10,5% (dans un scénario à +1,5°C), voire de +14 % (à +2°C) et jusqu’à + 30 % (à +4°C). De même, plus la température globale grimpera, plus les sécheresses seront fréquentes et intenses.

Certaines conséquences sont désormais irréversibles

Jusqu’ici, les écosystèmes ont joué un rôle précieux pour capter une partie des émissions de CO2. La terre et les océans en absorbent 56 % par an. Cela dit, à mesure que le changement climatique va s’intensifier, ces puits de carbone naturels risquent de perdre en efficacité.

A cause de l’inertie du système climatique, certains changements dus aux émissions passées vont se poursuivre de manière irréversible pendant des siècles, surtout s’ils sont accentués par de nouvelles émissions. Ce sera le cas de l’acidification et de la désoxygénation des océans, de la fonte des glaciers de montagne, du Groenland et peut-être de l’Antarctique. Les experts du Giec n’excluent pas non plus des phénomènes d’instabilité de la calotte glaciaire qui accéléreraient l’élévation du niveau des mers, même si leur probabilité d’occurrence reste difficile à évaluer.

Il est certain que le niveau moyen de la mer va monter de plusieurs dizaines de centimètres au 21ème siècle. En 2100, dans le scenario d’émissions de gaz à effet de serre très fortes, le niveau de la mer pourrait s’élever d’un mètre. Au-delà, les experts envisagent la possibilité à très long terme (2000 ans) d’une hausse de 2 à 3 mètres dans un scénario à +1,5°C et de 19 à 22 mètres avec 5°C de réchauffement.

Le Giec n’exclut pas un fort ralentissement de la circulation méridienne de retournement atlantique, un vaste système de courants océaniques dont fait partie le Gulf Stream. S’il est très probable que ce ralentissement ait lieu, son ampleur reste toutefois délicate à prédire. S’il se produit, il entraînera d’importants changements, par exemple dans la répartition des précipitations.

Les activités humaines, 1ère cause des changements du climat

L’origine de ce réchauffement est sans équivoque : les émissions de gaz à effet de serre des activités humaines en sont la cause. Elles ont de multiples impacts sur le système climatique et les écosystèmes : multiplication et intensification des chaleurs extrêmes et des fortes précipitations, recul du manteau neigeux, acidification des océans ou encore élévation du niveau de la mer, notamment.

Le Méthane, gaz à effet de serre sous-estimé

Les concentrations de CO2 en 2019 n’avaient jamais été aussi élevées depuis 2 millions d’années, et celles de méthane et de protoxyde d’azote – deux autres gaz à effet de serre – depuis au moins 800 000 ans. 

Émis principalement par l’agriculture et la production des hydrocarbures, le méthane a une courte durée de vie dans l’atmosphère : seulement sur 12 ans, contre environ 100 ans pour le CO2. Toutefois, le pouvoir de réchauffement de ce gaz  est entre 26 et 34 fois supérieur à celui du CO2 sur 100 ans et entre 86 et 90 fois supérieur sur 20 ans : il est ainsi le 2eme contributeur au changement climatique.

Il est encore temps d’agir pour limiter les effets du changement climatique

Diminuer les émissions de gaz à effet de serre est indispensable

Face à ces constats, toute baisse des émissions de gaz à effet de serre contribuera à limiter ou stopper les transformations en cours. Le Giec a étudié les techniques de géo-ingénierie et d’élimination du CO2 dans l’atmosphère pour compenser les émissions résiduelles, mais il pointe du doigt leurs effets secondaires potentiellement importants sur la disponibilité et la qualité de l’eau, sur la production alimentaire et sur la biodiversité.

Même si des phénomènes sont irréversibles, les impacts pourraient être très différents selon les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre.

Seule une réduction rapide et généralisée des émissions permettra de maintenir le réchauffement autour de 1,5°C

Pour cela, l’objectif est d’atteindre au global zéro émissions nettes de CO2 puis une situation négative vers la moitié du siècle, sans oublier les autres gaz à effet de serre, en particulier le méthane.

Aérosols, Méthane, des objectifs de réduction à ne pas omettre

Responsable de près d’un quart du réchauffement actuel du climat, le méthane et sa concentration dans l’atmosphère sont l’un des grands enseignements de ce rapport. Réduire ses émissions permettrait donc d’obtenir des effets rapides sur le climat. Au passage, comme le méthane génère de l’ozone, baisser sa concentration améliorerait aussi la qualité de l’air. Le Giec invite enfin à explorer les impacts des substances aérosols, qui elles-aussi ont de courtes durées de vie dans l’atmosphère et permettent d’agir rapidement. C’est par exemple le cas des émissions de sulfate, de nitrate et d’ammonium. Ces aérosols peuvent avoir des effets contrastés sur le climat, contribuant soit à baisser, soit à augmenter la température. Mieux comprendre leurs effets permettrait d’améliorer la lutte contre le changement climatique.

La priorité est donc de baisser les émissions : chaque dixième de degré de réchauffement évité compte. Les bénéfices pourraient être perceptibles d’ici une vingtaine d’années.

Un article réalisé avec le soutien de la ville de Paris.

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