Valérie Masson Delmotte (GIEC): les risques d’un réchauffement climatique supérieur à 1,5°

Alors que le réchauffement actuel est de 1°C, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié un rapport en octobre 2018 sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C. Valérie Masson Delmotte nous précise les risques d’un réchauffement qui lui serait supérieur et comment l’éviter.

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Rapport du GIEC – Interview de Valérie Masson-Delmotte

Que nous apprend le récent rapport du GIEC, publié en octobre dernier ?Valérie Masson-Delmotte nous a répondu 🎥👇

Publiée par Réseau Action Climat sur Mercredi 5 décembre 2018

Valérie Masson Delmotte est directrice de recherches au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (Université Paris Saclay) et co-présidente du groupe de travail 1 (physique du changement climatique) du GIEC

Pourquoi le GIEC a publié un rapport sur 1,5°C de réchauffement climatique ?

Les gouvernements nous ont demandé de faire ce rapport parce qu’il y a trois ans il n’y avait pas assez de connaissances sur la différence entre 1,5°C et 2°C aussi bien du côté des impacts que des trajectoires compatibles d’émissions de gaz à effet de serre. Et les délégués de tous les pays l’ont approuvé.

Risque-t-on de dépasser 1,5°C de réchauffement planétaire ?

Depuis la fin du XIXe siècle, les activités humaines ont causé environ 1°C de réchauffement planétaire.

Et si le réchauffement continue à ce rythme, la température à la surface de la terre atteindra 1,5°C entre 2030 et 2052 probablement.

Les émissions passées de gaz à effet de serre depuis la période préindustrielle jusqu’à aujourd’hui vont continuer à provoquer des changements dans le système climatique. Mais à elles seules ces émissions passées ne nous feront pas atteindre 1,5°C de réchauffement global et donc tout dépend des émissions à venir.

Il-y-a-t-il des exemples de différences d’impacts entre 1,5°C ou 2°C de réchauffement climatique ?

Un demi-degré fait une différence extrêmement importante sur les caractéristiques du climat lui-même. Ces différences incluent les événements extrêmes chauds dans les régions habitées, l’intensification des événements de pluie torrentielle dans de nombreuses régions et la probabilité de sécheresses dans plusieurs d’entre-elles.

Limiter le réchauffement à 1,5°C par rapport à 2°C réduirait le nombre de personnes exposées à la fois aux risques liés au climat et à la pauvreté de plusieurs centaines de millions d’ici à 2050. Cela ferait moins de baisse de rendement pour des céréales importantes comme le maïs, le riz et le blé. La proportion de la population mondiale exposée aux risques de pénurie d’eau liée aux changements climatiques serait 50% plus basse.

D’ici à 2100, stabiliser le réchauffement global à 1,5°C par rapport à 2°C permettrait d’éviter une montée du niveau des mers d’environ 10 cm. Cela veut dire environ 10 millions de personnes en moins exposées aux risques liés à la montée du niveau des mers.

Le rapport spécial montre à quel point tous ces aspects affectent la vie des gens et leurs moyens de subsistance partout sur cette planète.

Est-on sur la bonne voie pour limiter le réchauffement global à 1,5°C ?

Les promesses que les gouvernements ont faites ces trois dernières années ne sont clairement pas suffisantes pour limiter le réchauffement en dessous de 1,5°C, même en imaginant une augmentation très ambitieuse et très difficile des efforts après 2030.

Alors, comment limiter le réchauffement climatique à 1,5°C d’ici à 2100 ?

Limiter le réchauffement global à 1,5°C implique de réduire les émissions de CO2 d’environ 45% d’ici à 2030 par rapport à 2010. Pour comparaison, dans les trajectoires qui limitent le réchauffement global à moins de 2°C, cela implique une diminution d’environ 20% d’ici à 2030. Pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C, les émissions mondiales de CO2 devraient atteindre le net zéro autour de 2050. Toutes les émissions résiduelles devraient être équilibrées par des actions pour retirer le dioxyde de carbone de l’atmosphère et le stocker de manière durable. La réduction des émissions de substances autres que le CO2 qui affectent à la fois le climat et la pollution atmosphérique auront des bénéfices immédiats et directs en matière de santé publique.

Cela veut dire des réductions extrêmement importantes dans tous les secteurs d’activités, l’utilisation d’une large gamme de technologies, de changements  de comportement et de modes de vie. Ces options sont évaluées à l’échelle de grandes transitions de système : système énergétique, de gestion des terres, urbain, industriel et d’infrastructures. Il y a une analyse qui montre tous les leviers sur lesquels il est possible d’agir aujourd’hui.

Il y a des progrès rapides qui sont déjà faits dans de nombreux secteurs, en particulier dans les énergies renouvelables. Et ce rythme de progrès devrait être atteint dans d’autres secteurs, en particulier le secteur des transports et celui lié à l’utilisation des terres.

Et puis, il y a l’importance des comportements, de l’action que chaque citoyen peut faire dans sa vie quotidienne.

COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU GIEC du 8 octobre 2018

Approbation par les gouvernements du Résumé à l’intention des décideurs relatif au Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C

Pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5 ºC, il faudrait modifier rapidement, radicalement et de manière inédite tous les aspects de la société, a déclaré le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans le cadre d’une nouvelle évaluation. Outre les avantages évidents pour les populations et les écosystèmes naturels, le fait de limiter le réchauffement à 1,5 °C et non à 2 °C permettrait également de faire en sorte que la société soit plus durable et plus équitable, a précisé le GIEC lundi.

Le Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C a été approuvé samedi par le GIEC à Incheon, en République de Corée. Élément scientifique clé, il sera au coeur de la Conférence sur les changements climatiques qui se tiendra dans la ville polonaise de Katowice en décembre et lors de laquelle les gouvernements feront le point sur l’Accord de Paris sur les changements climatiques.

«Fort de plus de 6 000 citations de références scientifiques et grâce à la contribution dynamique de milliers d’experts, ainsi que d’évaluateurs d’institutions publiques du monde entier, ce rapport remarquable témoigne de la portée du GIEC et de son importance pour l’action des pouvoirs publics» a déclaré Hoesung Lee, président du GIEC.

Le rapport, dont l’élaboration avait été demandée par les Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) lors de l’adoption de l’Accord de Paris en 2015, est le fruit de la collaboration de quatre-vingt-onze auteurs et éditeurs-réviseurs issus de 40 pays.

Son titre complet est: Réchauffement planétaire de 1,5 °C, Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels et les profils connexes d’évolution des émissions mondiales de gaz à effet de serre, dans le contexte du renforcement de la parade mondiale au changement climatique, du développement durable et de la lutte contre la pauvreté.

«Un message important ressort tout particulièrement de ce rapport, à savoir que les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1 °C sont déjà bien réelles, comme l’attestent l’augmentation des extrêmes météorologiques, l’élévation du niveau de la mer et la diminution de la banquise arctique» a souligné Panmao Zhai, coprésident du Groupe de travail I du GIEC.

Le rapport met en exergue un certain nombre de conséquences des changements climatiques qui pourraient être évitées si le réchauffement était limité à 1,5 ºC, et non à 2 ºC ou plus. Ainsi, d’ici à 2100, le niveau de la mer à l’échelle de la planète serait, si le réchauffement était limité à 1,5 ºC, inférieur de 10 cm à celui qui risquerait d’être enregistré s’il était limité à 2 °C. La probabilité que l’océan arctique soit libre de glace en été serait d’une fois par siècle si le réchauffement est limité à 1,5 °C, mais d’au moins une fois tous les dix ans s’il est limité à 2 °C. Avec un réchauffement de 1,5 °C, 70 à 90 % des récifs coralliens disparaîtraient, alors qu’avec un réchauffement de 2 °C, la quasi-totalité (> 99 %) serait anéantie.

«Toute augmentation supplémentaire de la température, aussi minime soit-elle, a son importance, d’autant plus qu’un réchauffement de 1,5 ºC ou plus augmentera le risque associé à des changements pérennes ou irréversibles, tels que la disparition de certains écosystèmes» a ajouté Hans-Otto Pörtner, coprésident du Groupe de travail II du GIEC.

«En outre, le fait de limiter le réchauffement planétaire donnerait la possibilité aux populations et aux écosystèmes de s’adapter et de rester en-dessous des seuils de risque pertinents» a ajouté O. Pörtner. Dans ce rapport, les auteurs ont également étudié les solutions susceptibles d’être mises en œuvre pour limiter le réchauffement à 1,5 ºC, les modalités de leur mise en œuvre et leurs conséquences éventuelles.

«Si l’on regarde le bon côté des choses, certains des types de mesures qui seraient nécessaires pour limiter le réchauffement à 1,5 °C sont déjà mis en œuvre dans le monde, mais il faudrait néanmoins accélérer le rythme», a précisé Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du Groupe de travail I.

Il est indiqué dans le rapport que la limitation du réchauffement planétaire à 1,5 °C nécessiterait des transitions «rapides et de grande envergure» dans les domaines de l’aménagement du territoire, de l’énergie, de l’industrie, du bâtiment, du transport et de l’urbanisme. Les émissions mondiales nettes de dioxyde de carbone (CO2) d’origine anthropique devraient être réduites d’environ 45 % par rapport aux niveaux de 2010 d’ici à 2030, et il faudrait atteindre un «bilan nul» des émissions aux alentours de 2050, ce qui signifie que les émissions restantes devraient être compensées en éliminant du CO2 de l’atmosphère.

«Du point de vue des lois de la physique et de la chimie, la limitation du réchauffement planétaire à 1,5 ºC est possible, mais il faudrait, pour la réaliser, des changements sans précédent» a précisé Jim Skea, coprésident du Groupe de travail III du GIEC.

Laisser le réchauffement dépasser temporairement l’objectif de 1,5 ºC impliquerait une plus grande dépendance vis-à-vis des techniques d’élimination du CO2 atmosphérique si l’on souhaite ensuite revenir en dessous des 1,5 ºC en 2100. L’efficacité de ces techniques reste à prouver à grande échelle, certaines étant même susceptibles de représenter un risque considérable pour le développement durable, est-il précisé dans le rapport.

Comme l’indique Priyardarshi Shukla, coprésident du Groupe de travail III, «la limitation du réchauffement planétaire à 1,5 °C et non à 2 °C minimiserait les effets, lourds de conséquence, sur les écosystèmes, la santé et le bien-être des populations, et il serait ainsi plus facile d’atteindre les objectifs de développement durable définis par les Nations Unies».

«Les décisions que nous prenons aujourd’hui sont indispensables si l’on souhaite assurer à chacun d’entre nous un monde sûr et durable, aujourd’hui comme demain» a souligné Debra Roberts, coprésidente du Groupe de travail II.

«Ce rapport présente aux décideurs et aux professionnels les informations dont ils ont besoin pour prendre des décisions relatives aux changements climatiques en tenant compte des spécificités locales et des besoins des populations. Les années à venir seront sans doute les plus importantes de notre histoire» a-t-elle ajouté.

Le GIEC est le principal organisme international chargé d’évaluer les activités scientifiques consacrées aux changements climatiques, les conséquences de ces changements, les risques potentiels qui y sont liés, ainsi que les mesures susceptibles d’être prises pour y faire face.

Le rapport a été élaboré sous la direction scientifique des trois groupes de travail du GIEC, qui sont respectivement chargés des éléments scientifiques du changement climatique (Groupe de travail I), des incidences, de l’adaptation et de la vulnérabilité (Groupe de travail II) et de l’atténuation du changement climatique (Groupe de travail III).

Adopté par 195 États lors de la 21ème Conférence des Parties à la CCNUCC en décembre 2015, l’Accord de Paris vise en particulier à renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques «en contenant l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels».

Dans la décision portant adoption de l’Accord de Paris, le GIEC était invité à présenter, en 2018, un rapport spécial sur un réchauffement planétaire de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels et les profils connexes d’évolution des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le GIEC a donné suite à cette demande, indiquant que, dans le Rapport spécial, ces questions seraient étudiées dans le contexte du renforcement de la parade mondiale au changement climatique, du développement durable et de la lutte contre la pauvreté.

Le rapport Réchauffement planétaire de 1,5 ºC est le premier d’une série de rapports spéciaux qui seront élaborés par le GIEC dans le cadre de son sixième cycle d’évaluation. L’année prochaine, le GIEC publiera le Rapport spécial sur l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique, ainsi que Changement climatique et terres émergées, lequel portera sur les incidences des changements climatiques sur l’utilisation des terres.

Synthèse des principales conclusions du Rapport spécial, le Résumé à l’intention des décideurs est fondé sur l’évaluation des ouvrages et articles scientifiques, techniques et socio-économiques présentant un intérêt pour l’étude des conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C.

Le Résumé à l’intention des décideurs relatif au Rapport spécial sur un réchauffement planétaire de 1,5 ºC (SR15) peut être consulté aux adresses suivantes:

http://www.ipcc.ch/report/sr15/  ou www.ipcc.ch.

Le Rapport spécial en quelques chiffres :

91 auteurs (44 nationalités et 40 pays de résidence)

– 14 auteurs coordonnateurs principaux;

– 60 auteurs principaux;

– 17 éditeurs-réviseurs.

133 auteurs collaborateurs

Plus de 6 000 références citées

42 001 observations formulées par les experts et les gouvernements

(Premier projet de texte: 12 895; Second projet de texte: 25 476; Version finale destinée aux gouvernements: 3 630)

Pour de plus amples renseignements, veuillez contacter:

Le Bureau de presse du GIEC, courriel : ipcc-media@wmo.int

Werani Zabula +41 79 108 31 57 ou Nina Peeva +41 79 516 70 68

Unité d’appui technique du Groupe de travail I du GIEC:

Roz Pidcock, +44 7746 515669

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