Présidentielle : Que vaut Valérie Pécresse pour le climat ?

Dans le cadre de l'élection présidentielle, le Réseau Action Climat note l'ambition des mesures proposées par chaque candidat pour le climat. Transports, Agriculture, Logements, Energie, International, Industrie, Finances Publiques : que vaut le programme de Valérie Pécresse pour le climat ?

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🔴 Donner accès à tous à une mobilité moins polluante

Valérie Pécresse propose un nombre important de mesures pour les transports, mais qui ne sont pas à la hauteur des enjeux climatiques. 

Les propositions de Valérie Pécresse sur les Transports

Valérie Pécresse propose une fin de vente des véhicules thermiques neufs en 2035 et des hybrides rechargeables neufs en 2040. Pour décarboner le secteur aérien, Valérie Pécresse souhaite soutenir les biocarburants et les projets hydrogènes et électriques. Concernant le transport ferroviaire, elle propose de donner la priorité à la modernisation du réseau existant en y consacrant 3,5 Mds€ par an. Dans le même temps, Valérie Pécresse propose cependant de développer de nouvelles liaisons TGV. Elle propose aussi de développer de nouvelles liaisons régionales transversales ainsi que de moderniser les gares. 

Valérie Pécresse compte ensuite aider les françaises et les français à investir dans un véhicule moins polluant, en maintenant la prime à la conversion et le bonus écologique, en mettant en place un prêt à taux zéro pour l’achat de véhicules propres pour les ménages modestes et en développant la filière du retrofit. Pour faire évoluer les usages, Valérie Pécresse souhaite lancer un appel à projet dédié aux territoires ruraux pour encourager covoiturage, autopartage, lignes de car express et transports à la demande et mettre en œuvre un niveau de service garanti pour les transports publics aux heures de pointe.

Elle propose également de déployer 200 000 bornes électriques sur le territoire. Enfin, Valérie Pécresse souhaite retarder la mise en œuvre des zones à faibles émissions en décalant l’entrée en vigueur à 2025 au plus tôt pour les particuliers et les petits artisans. Elle propose également d’accélérer les grands projets d’infrastructures prioritaires (sans préciser lesquels) en divisant par deux les délais de construction. 

Notre avis

En rejetant les mesures d’ordre réglementaire ambitieuses, Valérie Pécresse fait une croix sur un éventail important de leviers permettant d’accélérer la transition du secteur des transports. En particulier, maintenir un moratoire sur la fin de vente des véhicules thermiques pour les hybrides rechargeables jusqu’en 2040 placerait la France parmi les pays européens les moins avancés pour la transition de leur secteur automobile.

Le constat est le même concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien. En effet, les solutions avancées par Valérie Pécresse ne traitent pas de la nécessaire réduction du trafic et se cantonnent à un soutien aux carburants alternatifs. Or, nous savons que le potentiel des biocarburants compatibles avec la transition écologique est limité par nos ressources énergétiques (biomasse) et que les autres technologies ne seront pas matures avant 2035, avec une offre elle aussi très limitée.

Concernant le transport ferroviaire, Valérie Pécresse identifie bien l’enjeu d’augmenter les investissements en faveur de l’entretien et de la modernisation du réseau ferroviaire. En revanche, les montants avancés demeurent insuffisants pour véritablement accélérer le développement du transport ferroviaire. En effet, Valérie Pécresse   propose une augmentation des investissements d’environ 700 M€ par an alors que 3 Mds€ supplémentaires par an seraient nécessaires pour développer à la fois le transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises. L’enjeu de développer le fret ferroviaire n’est d’ailleurs pas mentionné. 

Valérie Pécresse formule des propositions intéressantes pour accélérer le développement d’alternatives à la voiture individuelle dans les territoires ruraux. Elle propose notamment de lancer un appel à projets dédiés pour développer le covoiturage, l’autopartage, le transport à la demande ou encore des lignes de car express. Il est en revanche regrettable que l’enjeu du développement des transports collectifs se cantonne à ces territoires. De même, Valérie Pécresse ne fait aucune proposition pour développer le vélo, qui constitue pourtant une alternative essentielle aux modes de transports polluants. 

Par ailleurs, en retardant la mise en place des ZFE plutôt qu’en accélérant l’accompagnement des ménages les plus modestes, Valérie Pécresse menace l’efficacité de ce dispositif.

Enfin, on peut s’inquiéter de sa volonté d’accélérer la construction des grands projets d’infrastructure sans distinction des modes de transports, ce qui pourrait conduire à  une augmentation des capacités routières et aéroportuaires.  

🔴 Engager la relocalisation et la décarbonation de l’industrie

Valérie Pécresse ne propose aucune mesure sur la décarbonation de l’industrie et prévoit la baisse des impôts de production dont l’impact sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre n’est pas assuré.

Les propositions de Valérie Pécresse pour l’industrie

Le programme de Valérie Pécresse est principalement axé autour de l’enjeu de relance de la croissance économique par la baisse des impôts de production et la compétitivité afin de rendre la France attractive et de lutter contre la désindustrialisation.

Notre avis

La transition environnementale de l’industrie lourde est inexistante du programme de Valérie Pécresse, dans lequel ni les secteurs clés pour le climat –que sont la métallurgie, la chimie et le ciment– ni la réduction de leurs émissions ne sont abordés.
Les notions de taxe carbone aux frontières, commandes publiques écologiquement responsables et lutte contre la désindustrialisation sont abordées mais de manière trop évasive pour répondre aux enjeux du changement climatique.

Quant à la question de l’anticipation des transitions professionnelles nécessaires dans le cadre d’une transformation de notre appareil productif, elle n’est pas abordée. 

🔴 Transformer l’agriculture pour une alimentation de qualité pour tous et un revenu décent pour les agriculteurs

Valérie Pécresse propose de redynamiser le secteur agricole en reprenant les « fausses solutions » à l’origine de sa crise, sans proposer la moindre mesure visant à accélérer la transition écologique de l’agriculture.  

Les propositions de Valérie Pécresse pour l’Agriculture

Le programme de Valérie Pécresse propose de nombreuses mesures visant à améliorer la rémunération des agriculteurs et à faciliter la transmission de leurs exploitations et le renouvellement des générations. La candidate propose également de simplifier la réglementation, notamment en réduisant une partie des normes sanitaires et environnementales fixées par la loi française. Son programme mise aussi sur le développement de solutions technologiques pour accroître la compétitivité et la durabilité de l’agriculture française, via notamment le développement des biocarburants et de partenariats publics-privés sur les nouvelles technologies. Sur le plan international, Valérie Pécresse s’engage à protéger l’agriculture de la concurrence déloyale des pays tiers en instaurant une taxe carbone aux frontières de l’Europe et en exigeant que les produits alimentaires importés soient conformes à nos normes environnementales. Sur le plan de la restauration collective, la candidate propose d’augmenter la part de produits locaux et de produits bio et de fixer le prix du repas à 1 euro dans les cantines pour les enfants en situation de pauvreté.

Notre avis

Le très faible nombre de propositions en faveur du climat et de l’environnement pour le secteur agricole explique la couleur rouge de la candidate pour cette thématique. En effet, rien n’est proposé concernant la transition de l’élevage, la réduction des engrais azotés de synthèse ou encore la protection des pays tiers vis-à-vis des déstabilisations suscitées par les exportations massives de produits français fortement subventionnés. Si les mesures en faveur d’une meilleure rémunération des agriculteurs, de la facilitation des transmissions et de la réciprocité des normes et standards commerciaux sont à féliciter, elles ne sont pas de nature à engager la transition agroécologique. Pire, la candidate propose un grand nombre de mesures nocives pour la durabilité de l’agriculture française (recours accru au stockage de l’eau, renforcement du soutien aux biocarburants… et fait courir de grands risques aux agriculteurs en misant sur les nouvelles technologies pour faire sortir le secteur agricole de sa crise écologique et économique. Sa promesse de remettre en question la stratégie européenne “De la Ferme à la Fourchette” est également périlleuse pour la transition écologique. En ce qui concerne enfin la restauration collective, si le repas à 1 euro pour les enfants en situation de pauvreté est à saluer, les objectifs et moyens engagés en matière de produits bio et locaux manquent de précisions.

🔴 Accélérer la rénovation performante des logements

La candidate propose de doubler le rythme actuel de rénovation énergétique complète des logements des Français, en particulier des passoires thermiques, mais donne peu de précisions sur les modalités.

Les propositions de Valérie Pécresse sur la rénovation des bâtiments

Valérie Pécresse propose de doubler le rythme actuel de rénovation énergétique complète des logements des Français, en particulier des passoires thermiques, en mobilisant les fonds issus de la création du livret vert, et en transférant l’ensemble des moyens d’appui (Ma PrimeRenov, ANAH, certificats d’économie d’énergie…) aux régions à des fins de simplification et de mobilisation des acteurs locaux pour de réelles créations d’emplois en proximité.

Notre avis

La candidate a de bonnes intentions en matière de rénovations “complètes” des logements. Mais celles-ci sont trop peu soutenues par des éléments concrets de mise en oeuvre. Il n’y a pas d’engagement clair sur un chiffrage ni en nombre de rénovations “performantes”, en plus d’être complètes, ni en moyens financiers dédiés. La candidate semble également passer un peu à côté de la dimension plus humaine qui concerne l’accompagnement des ménages dans ces processus complexes de rénovation énergétique des logements.
Le programme ne fait pas explicitement de mention de la précarité énergétique et l’approche du problème consistant à baisser les taxes sur l’unique électricité ne peut pas être considérée comme une solution pérenne, ne jouant pas sur le niveau de consommation énergétique des logements. De plus cette mesure n’a aucun impact sur le climat. Il n’y a pas de proposition spécifique sur la formation initiale et continue pour les métiers de la rénovation. Néanmoins l’approche décentralisée que propose Valérie Pécresse est bienvenue et on peut penser que la question de la formation des professionnels du bâtiment est comprise dans cet ensemble.

🔴 S’orienter vers le 100 % énergies renouvelables

Valérie Pécresse reste dans une vision productiviste de la transition énergétique fondée sur l’industrie nucléaire et une méconnaissance des enjeux de sobriété ainsi qu’une défiance délétère par rapport à l’énergie éolienne. Son programme ne répond pas aux impératifs de la transition énergétique et de l’atteinte de la neutralité carbone.

Les propositions de Valérie Pécresse pour la transition énergétique

La candidate propose d’annuler le programme de fermeture de 12 réacteurs nucléaires et de supprimer le plafond de 50 % de nucléaire en 2035 dans le mix électrique. Elle souhaite lancer une première série de 6 réacteurs EPR, dont 4 à démarrer d’ici 2035, avec une planification du calendrier de prolongation et de renouvellement de l’ensemble des centrales existantes. Elle soutiendra le développement de petits réacteurs modulaires.

Dans le domaine des renouvelables, elle veut permettre la création de zones d’interdiction d’implantation des éoliennes dans les documents d’urbanisme et propose de plafonner les taxes pour subventionner les renouvelables et les raccordements. Quant à l’éolien en mer, il sera à plus grande distance des côtes pour protéger les intérêts des pêcheurs. Par ailleurs, Valérie Pécresse s’engage à soutenir plus fortement la chaleur renouvelable (géothermie, biomasse, déchets …) avec un fonds chaleur porté à 500 M€ par an (350 M€ aujourd’hui) et une meilleure exploitation de la forêt. Elle propose également de développer des biocarburants et du biogaz, en remplacement des fossiles.

Notre avis

Les propositions portées par Valérie Pécresse dans le domaine du nucléaire tiennent de l’incantation car la prolongation plus tardive des réacteurs nucléaires existants dépend d’un avis de l’ASN qui n’est pas certain, alors même que l’indisponibilité de plusieurs réacteurs met déjà en ce moment en difficulté notre système électrique. Quant aux

nouvelles centrales, elles arriveraient trop tard (2035 n’est pas réaliste, le premier nouvel EPR pouvant produire de l’électricité au plus tôt entre 2037 et 2040) pour répondre à l’enjeu climatique, avec un coût potentiellement exponentiel, des incertitudes industrielles sur la capacité de la filière à les développer, et une question non résolue des déchets nucléaires. La candidate propose de contrôler fortement le développement de l’éolien en donnant aux élus locaux la possibilité de fixer des zones d’interdiction des éoliennes, des moratoires ou des normes de protection contre les nuisances, ce qui risque de restreindre cette énergie alors que la récente étude de RTE montre qu’il est impossible d’atteindre la neutralité carbone en 2050 sans un développement très fort des énergies renouvelables, y compris de l’éolien. Par ailleurs, si le développement de la géothermie et du biogaz, dans des conditions environnementales soutenables, est positif, celui des biocarburants ne permet pas de réel bénéfice pour le climat si l’on intègre le changement d’affectation des sols. Le programme de la candidate n’est donc pas à la hauteur de la transition énergétique.

🔴 Adopter une politique climatique internationale à la hauteur des enjeux

Les enjeux climatiques sont quasiment absents des propositions de politique internationale de la candidate, ou sont traités uniquement via l’Union Européenne. 

Les propositions de Valérie Pécresse sur l’international

La candidate souhaite mettre les intérêts stratégiques de la France au cœur de sa politique internationale, notamment à travers l’Union Européenne, la redynamisation de la francophonie, l’augmentation des capacités de l’armée et le leadership dans le domaine spatial. 

L’Union Européenne est vue comme un vecteur pour aider à réussir la transition climatique à travers le Green Deal et l’instauration d’une taxe carbone aux frontières. L’aide au développement est brièvement mentionnée, avec la volonté de la concentrer exclusivement sur les pays africains et en Méditerranée, dans l’objectif de promouvoir l’emploi.

Notre avis

La mise en œuvre du Green Deal et l’instauration d’une taxe carbone aux frontières sont des mesures défendues par le Réseau Action Climat. En revanche, aucune mesure ne concerne la diplomatie climatique internationale de la France et le programme ne parle pas de finance climat, ni de subventions aux énergies fossiles à l’international ou de biodiversité. La proposition de concentrer l’aide au développement sur les pays africains et méditerranéens ainsi que sur l’emploi est en opposition avec nos propositions (plus de finance climat, qui vont en priorité vers les pays qui en ont le plus besoin).

🔴 Verdir le budget de l’Etat

Les rares mesures portées par la candidate pour verdir le budget de l’État sont bien faibles face aux objectifs climatiques que s’est fixés la France. Par ailleurs, certaines de ses propositions vont à l’encontre de la transition écologique des finances publiques. 

Les propositions de Valérie Pécresse sur les finances publiques

Valérie Pécresse dénonce ce qu’elle appelle « l’écologie punitive ». C’est pourquoi elle a trois propositions en ce qui concerne la fiscalité verte : réduire les aides anti-écologiques et inefficace de la politique du logement ; développer les incitations financières plutôt que les taxes pour décarboner la consommation des ménages, elle cite comme exemple les aides au remplacement de véhicules ou aux chaudières polluantes ; et enfin pour promouvoir les énergies non carbonées, elle propose de baisser la TVA sur l’électricité et réformer le tarif régulé pour que “les Français profitent pleinement de la compétitivité du nucléaire.” Par ailleurs, le programme de Valérie Pécresse est lacunaire sur les questions de financements locaux pour la transition, lesa seules augmentations de moyens pour la transition concernent des aides “pour équiper les espaces publics de capteurs de CO2″ ou via un fonds de “renaturation”.

Notre avis

Développer les incitations financières pour accompagner les ménages dans la décarbonation est une mesure défendue par le Réseau Action Climat. Mais cette dernière ne peut être exclusive et remplacer une taxation appropriée sur les activités participant au dérèglement climatique. 

En ce qui concerne la réduction des aides anti-écologiques sur la politique du logement, même si la candidate reste très évasive, cette proposition semble aller dans le bon sens. 

Valérie Pécresse ne propose aucune mesure pour réduire et supprimer à terme les 25 milliards annuels de dépenses néfastes pour le climat et l’environnement ni pour verdir davantage le budget de l’Etat ou encore pour augmenter le prix du carbone sous conditions d’associer les plus hauts patrimoines à une fiscalité carbone équitable et progressive. De plus, Valérie Pécresse propose de baisser les impôts de production des entreprises sans contreparties environnementales et sociales.

Par ailleurs, Valérie Pécresse prévoit une augmentation des financements des collectivités pour la transition climatique et énergétique minime et anecdotique, et ne tient pas compte de l’ingénierie territoriale, alors que c’est au niveau local qu’une grande partie des actions doit être mise en œuvre.

Enfin, supprimer la TVA sur l’électricité irait à l’encontre des objectifs français et européens de baisse de la consommation d’énergie. Le Réseau Action Climat propose plutôt une hausse du montant du chèque énergie pour flécher les aides vers les ménages en situation de précarité.

Valérie Pécresse omet dans son programme de parler d’Europe et du financement européen de la transition écologique (quid d’une réforme des règles budgétaires européennes ? D’une solidarité européenne dans la transition écologique ?). Une échelle pourtant cruciale pour permettre la transition écologique.

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