PLF2021, 1er round : Monde d’Avant 1 – Transition écologique 0

L'Assemblée nationale a voté la 1ère partie du projet de loi de finances pour 2021. Le bilan de l'examen est sans équivoque : l'ancien monde gagne largement contre les propositions visant à s’orienter vers un nouveau modèle de société plus résilient.

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L’Assemblée nationale vote aujourd’hui la 1ère partie du projet de loi de finances pour 2021. Le bilan de l’examen est sans équivoque : l’ancien monde gagne largement contre les propositions visant à s’orienter vers un nouveau modèle de société plus résilient. Nous appelons les parlementaires à hausser l’ambition sur la deuxième partie du texte dont l’examen débute aujourd’hui en commission.

Alors que le Président de la République joue sa crédibilité sur la mise en œuvre “sans filtre” des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, plusieurs d’entre elles ont été rejetées ou renvoyées à plus tard.

Malgré de longs et intenses débats, le Gouvernement et la majorité ont rejeté toutes les propositions visant à mettre en place de contreparties écologiques et sociales à la baisse des impôts de production. Un cadeau de 10 milliards d’euros par an (sans limitation dans le temps) qui fait tristement écho aux erreurs passées sur le CICE. Le Gouvernement a annoncé que des amendements seraient proposés par la majorité sur la deuxième partie du texte. Nous attendons des mesures concrètes et contraignantes sur la base de la proposition portée par Barbara Pompili elle-même en PLFR3.

La mise en place d’une redevance sur les engrais azotés, également portée par la Convention Citoyenne pour le Climat, est remise à plus tard. Bien que la majorité indique sa sensibilité sur ce sujet, les actes ne suivent pas.
Les amendements portant sur la baisse de la TVA à 5,5 % pour l’ensemble des mobilités collectives du quotidien, une version élargie de la proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat qui se concentre sur le train, ont tous été rejetés.

Toutes les propositions de la Convention Citoyenne visant à renforcer la fiscalité sur l’aviation ont été repoussées, alors même que l’Etat français a décrété un moratoire sur le paiement des taxes sur les billets d’avion depuis mars et que leur paiement par les compagnies aériennes sera dans les faits modulé en fonction de la reprise du trafic.

Une hausse de 400 à 500 € du forfait mobilité durable a été votée mais la demande prioritaire et partagée par la Convention Citoyenne pour le Climat, celle de sa généralisation, reste toujours un vœu pieu.

Le « malus poids » annoncé ne répond pas à la proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat : ne ciblant qu’une niche de voitures pesant plus de 1800 kg, il demeure inadapté à la réalité du marché français où les SUV pèsent en moyenne 1350 kg et promet de laisser grossir leurs ventes. Ce « malus poids » a par ailleurs servi de prétexte pour retarder d’un an supplémentaire, en 2023, le renforcement du malus automobile, déjà en deçà de la proposition portée par la Convention. A ce jour, l’arbitrage gouvernemental rendu en faveur d’un critère poids cache en réalité un renoncement supplémentaire, aux propositions de la Convention comme à la transition du secteur.

La baisse des 18 milliards d’euros par an de dépenses fiscales en faveur des énergies fossiles est un sujet absent des débats, malgré le poids qu’elles représentent pour le budget et le climat. Peu d’amendements ont été défendus et peu de débats ont eu lieu malgré l’importance du sujet.

La baisse progressive des avantages accordés aux transports routiers, pourtant demandée par la Convention Citoyenne, n’a pas été examinée alors même que celle-ci pourrait encourager un véritable report modal dans le transport des marchandises.

Deux années d’attente supplémentaire ont été accordées pour la mise en place de la taxe sur les hydrofluorocarbures (HFC) : un amendement de la majorité évite la suppression initialement prévue par le projet de loi mais repousse la mise en place de la taxe de 2021 à 2023.

Pas de moyen supplémentaire pour accompagner les collectivités dans la transition écologique. Alors que la mise en œuvre de la transition dépend des moyens humains sur le terrain et des investissements suffisants et que les “territoires” sont au cœur de tous les discours du Gouvernement, cette première partie du projet de loi de finances ne répond pas aux besoins financiers croissants pour la transition des collectivités.

Une bonne nouvelle malgré tout, les députés ont, contre l’avis du Gouvernement, exclu l’huile de soja de la liste des biocarburants et donc du dispositif fiscal d’incitation à l’incorporation des biocarburants. Un flou subsiste, toutefois, sur la date d’entrée en vigueur de ces deux mesures.

La 2ème partie du Projet de loi de finances s’ouvre ce soir avec un débat en Commission de finances sur les dépenses du Plan de relance. Après avoir tiré le bilan de la première partie, le Réseau Action Climat et ses associations membres sont très inquiets de constater que l’écologie reste la cinquième roue du carrosse. En temps de crise où une mise en question de notre système économique serait plus que nécessaire, les vieux schémas continuent à primer sur la nécessaire transition écologique et solidaire. En particulier, pour la suite du débat, le Réseau Action Climat et ses associations membres attendent des propositions sur :

  • La mise en place d’une éco-conditionnalité des aides publiques aux grandes entreprises. Celle-ci doit prendre la forme d’engagements climat concrets (bilan d’émission de gaz à effet de serre, trajectoire de réduction encadrée et plan d’investissements) et sanctionnables en cas de non-respect.
  • Un soutien ambitieux au décollage des filières protéines végétales, dont les financements doivent être prioritairement fléchés vers les cultures en agriculture biologique et vers les acteurs locaux, les mieux à même d’accompagner le déploiement de filières durables et connectées aux territoires et aux attentes des habitants.
  • Le déploiement d’un véritable plan de relance du transport ferroviaire. Des investissements supplémentaires sont nécessaires pour assurer à la fois une régénération satisfaisante de l’ensemble du réseau et compléter l’offre de transport en modernisant le réseau et en traitant en priorité les nœuds et les étoiles ferroviaires des grandes agglomérations. Ces investissements sont nécessaires pour accélérer le développement de services de RER métropolitains ou encore structurer un réseau de trains de nuit en France et vers l’Europe.

Trombinoscope des députés pour le climat

La semaine dernière, le Réseau Action Climat a lancé le trombinoscope des députés pour le climat : https://trombinoscope-deputes-climat.fr/

L’évaluation des amendements pour la première partie du PLF déposés par les députés sur les sujets prioritaires suivis par le Réseau Action Climat montre qu’une cinquantaine de députés a déposé et co-signé des amendements en faveur de la transition écologique, mais trois fois plus de députés portent encore des propositions qui vont à contre-sens.

Nous appelons les députés à continuer et à élargir leur engagement pour la transition écologique et solidaire.

Le trombinoscope

Citations

Agathe Bounfour, Responsable Transports pour le Réseau Action Climat : « Le vote de la 1ère partie du PLF entérine le renoncement du Gouvernement et de la majorité à mettre en œuvre les mesures nécessaires à la transition écologique. Ceci est particulièrement manifeste pour le secteur des transports, qui reste le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre de notre pays. Baisse des niches fiscales sur le transport aérien et le routier, réforme en profondeur de la fiscalité automobile, soutien aux mobilités collectives et actives : tous ces sujets prioritaires ont été mis de côté en faveur de mesures cosmétiques, telles que l’annonce d’un malus poids qui n’aura aucun impact sur les ventes de SUV ; ou encore l’augmentation du forfait mobilités durables qui restera anecdotique tant qu’il ne sera pas rendu obligatoire. »

Thomas Lesperrier, Coordinateur du Réseau Transport et Mobilités pour France Nature Environnement : « Pour France Nature Environnement, le travail démocratique des citoyens de la Convention pour le climat est totalement ignoré par ce PLF : là où des mesures fortes ont été proposées pour engager enfin la France dans la voie d’une transition écologique et solidaire, il ne reste quasiment que des mesures sans ambition et sans impact réel. Rien ne change pour les transports, voitures et camions restent le principal horizon de ce PLF. Le passage de la TVA de 10 % à 5,5 % pour les transports en commun a été écarté, alors même qu’il s’agissait d’une des mesures destinée à encourager davantage de citoyens à moins utiliser leur voiture. Le rééquilibrage de la fiscalité sur le gazole Poids Lourds ne fait même plus partie des sujets, alors que la Convention Citoyenne avait proposé un calendrier concret, visant à réduire le nombre de camions sur nos routes et à les rendre “plus propres”…. Si l’on veut sincèrement répondre à l’urgence climatique, il faudra faire beaucoup mieux. »

Anne-Laure Sablé, Chargée de campagne agriculture aux Amis de la Terre : « Les députés de la majorité, avec l’aval du Gouvernement, actent un nouveau recul dans la mise en œuvre des mesures de la Convention citoyenne pour le climat, en rejetant la mise en place d’une redevance sur les engrais chimiques dont l’empreinte carbone est colossale. Ce recours à la fiscalité aurait permis de financer les alternatives essentielles à la transition agricole, comme le soutien à l’agriculture biologique ou aux cultures de plantes légumineuses (pois chiches, lentilles, pois, etc.). Le Gouvernement s’est caché derrière la nécessité de prendre le temps alors qu’aucune amélioration pour réduire les engrais chimiques n’est constatée depuis dix ans. Quelques semaines après le renoncement sur les néonicotinoïdes, ce sont une nouvelle fois les intérêts de l’agrobusiness qui sont protégés par la majorité et le Gouvernement. »

Samuel Leré, Responsable Plaidoyer de la Fondation Nicolas Hulot : « Le refus d’insérer des contreparties à la baisse des impôts de production de la part de la majorité et du Gouvernement est incompréhensible. Cette mesure, juste et légitime, jouissait pourtant d’un large consensus au sein de nos ONG mais aussi plus largement de la part des 60 organisations du pacte du pouvoir de vivre qui regroupe des syndicats, des mutuelles, des associations de solidarité et d’éducation populaire, organisme HLM… Reste au Gouvernement à se réveiller pour que des contreparties écologiques et sociales contraignantes soient votées dans la seconde partie du PLF. »

Quentin Parrinello, Responsable justice fiscale et inégalités d’Oxfam France : « Le refus du Gouvernement de poser des contreparties écologiques et sociales contraignantes à la baisse des impôts de production est incompréhensible. Cette mesure est pourtant largement soutenue par la société civile, les associations, les syndicats et de nombreux députés, y compris au sein de la majorité. Des aides sans contreparties contraignantes, c’est un chèque en blanc offert aux entreprises. C’est revenir au ‘business as usual’, un modèle économique qui crée des inégalités phénoménales au prix d’émissions carbone hors de contrôle. Le gouvernement et le rapporteur ont indiqué être ouverts à poser des contreparties sur certaines aides ciblées. Mais non seulement aucune proposition précise n’a été faite aux députés, mais surtout le risque est grand que la majorité des entreprises échappent à un dispositif visant uniquement certaines aides. »

Clément Sénéchal, chargé de campagne politiques climatiques à Greenpeace France : « Ce projet de loi de finances est un triple échec et une nouvelle preuve que pour la majorité, le climat fait tapisserie et les lobbys mènent le bal. D’abord, toutes les mesures budgétaires et fiscales de la Convention Citoyenne pour le Climat, pourtant conçues pour que la France respecte ses engagements climatiques a minima, ont été enterrées. Ensuite, la majorité offre des chèques en blanc renouvelables aux secteurs polluants, sous forme de baisses d’impôts pérennes et sans conditions : une politique du “en même temps” inadaptée à un monde limité par la contrainte climatique. Enfin, la question du partage de l’effort entre les ménages modestes et les plus aisés a été escamotée ; elle détermine pourtant l’acceptabilité sociale de la transition écologique, aujourd’hui au point mort. Pour le moment, cette loi de finances pour 2021 ressemble à un nouvel acte en trompe l’œil de la part d’un Gouvernement qui ne cesse de vanter sa conversion à l’écologie mais qui reste en définitive campé derrière la ligne opposée. »

Pierre Cannet, Directeur du Plaidoyer, WWF France : « Bilan des opérations : 24h après avoir communiqué sur une avancée politique pour l’introduction d’un critère poids, le Gouvernement a décidé vendredi dernier de reculer en catimini sur le renforcement du malus CO2 automobile – qu’il avait pourtant lui-même inscrit au PLF fin septembre. Sans parler du refus pour l’instant d’intégrer une éco-conditionnalité aux aides publiques accordées aux grandes entreprises, qui puisse être contraignante et couvrir toutes les émissions. Ces propositions sont pourtant portées par la Convention Citoyenne pour le Climat… Quant à l’appui aux collectivités locales, aucun moyen supplémentaire en faveur de la transition écologique, tant en dépenses d’investissement que de fonctionnement, n’a pour l’instant été gagné. Nous appelons la majorité présidentielle à se ressaisir pour la suite de l’examen du PLF ! »

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