PLF 2021 : La transition écologique Plus Lointaine et Floue que jamais

Le Réseau Action Climat regrette qu’après la douche froide du Plan de relance vert pâle qui a mis fin à l’élan vers le "monde d’après" et qui signe la reprise de la politique écologique des petits pas, le PLF n’apporte aucune avancée significative sur les chantiers prioritaires de la transition écologique et solidaire.

Pollution

Aujourd’hui, le projet de loi de finances pour 2021 a été publié. Il englobe notamment les 100 milliards d’euros du Plan de relance français.

Le Réseau Action Climat regrette qu’après la douche froide du Plan de relance vert pâle qui a mis fin à l’élan vers le « monde d’après » et qui signe la reprise de la politique écologique des petits pas, le projet de loi de finances n’apporte aucune avancée significative sur les chantiers prioritaires de la transition écologique et solidaire.

  • Rien sur la baisse des subventions aux énergies fossiles(1), aucune dépense fiscale sur les taxes sur l’énergie ne sera supprimée et la fin des garanties à l’export en faveur des projets gaziers et pétroliers est également absente du projet de loi. Pire, les entreprises bénéficient de davantage d’aides pérennes sans aucune contrepartie sociale ou écologique.
  • Les financements pour la rénovation des logements privés, le développement des mobilités alternatives à la voiture individuelle ainsi que pour la transformation du monde agricole et les collectivités territoriales restent bien en-deçà des besoins.
  • Les lobbies industriels ont réussi à écarter la mise en place d’un malus poids pour les véhicules ainsi que la taxation des engrais azotés, deux mesures pourtant proposées par la Conventions citoyenne pour le climat et sur lesquelles Emmanuel Macron s’est engagé à une reprise sans filtre.
  • Le nucléaire, la construction de nouvelles infrastructures routières, la 5G, l’agriculture de précision – tant de technologies qui bloquent ou ralentissent la transition écologique seront soutenues.

Après les grands discours et les appels à la transformation vers des sociétés plus résilientes, le contexte politique est alarmant : des voix s’élèvent actuellement pour décrédibiliser les propositions de transition écologique, en les décrétant comme « anti-sociales ». Les associations du Réseau Action Climat sont très inquiètes des suppressions d’emplois suite à la crise sanitaire, mais restent  convaincues que la solution ne réside pas dans l’octroi d’aides publiques aux entreprises sans aucune conditionnalité ni sociale, ni environnementale. Certains secteurs d’activités polluants doivent se transformer, voire diminuer leur activité afin de respecter les engagements climatiques de la France. Il faut dès aujourd’hui proposer aux salariés et sous-traitants concernés une « porte de sortie verte » vers des métiers d’avenir, dont tous les scénarios montrent qu’ils seront plus nombreux que les emplois perdus.

Si, à l’échelle mondiale, nous continuons d’émettre autant qu’en 2018, le budget carbone estimé pour avoir 50 % de chance de limiter la hausse de la température mondiale à +1,5°C  sera épuisé en 2030(2). Il faut changer notre logiciel économique maintenant.

Le Réseau Action Climat et ses associations membres en appellent aux Parlementaires pour augmenter l’ambition et la cohérence du Plan de relance et rendre le budget global de la France pour 2021 plus vert et plus juste. Adopté juste avant les débats du projet de loi CCC, un Plan de relance sans ambition climatique est un très mauvais signe pour la transition écologique.

Pour Anne-Laure Sablé, Chargée de campagne agriculture aux Amis de la Terre

“Une seule mesure fiscale était préconisée par la Convention citoyenne pour le climat pour accélérer la transformation de notre système agricole : la mise en place d’une taxe sur les engrais chimiques, véritables accélérateurs de la crise climatique. Les recettes de cette taxe permettraient de financer la transition agroécologique tant vantée par le Gouvernement d’Emmanuel Macron…qui ne s’est pourtant vue allouer que 0,5 % du plan de relance ! Mais la longue série de trahisons à l’encontre des 150 personnes tirées au sort continue, avec un projet de loi de finances qui ne fait aucune mention de cette mesure. Le deuxième secteur d’émissions de gaz à effet de serre de la France fait une nouvelle fois les frais du lobby de l’agrobusiness au détriment de l’environnement et de la santé. Deux mois après l’explosion de Beyrouth qui a mis en évidence la dangerosité des nitrates d’ammonium, engrais chimiques largement répandus en France, ce refus de prendre des mesures fortes est incompréhensible.”

Pour Arnaud Schwartz, Président de France Nature Environnement

“Qui ne veut pas revenir à une empreinte écologique de moins d’une planète par an ? Au moment de préparer le budget 2021, France Nature Environnement rappelle au gouvernement qu’afin de faire face aux dérèglements du climat, au-delà de la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, il faudrait aussi enfin fortement agir afin de stopper l’érosion accélérée de la biodiversité. Or cela passe en particulier par des moyens financiers et humains adaptés… Moyens qui malheureusement ne sont pas alloués au Ministère de la Transition Écologique pour ce qui concerne les politiques de biodiversité, aussi nous plaidons pour une augmentation significative de certaines lignes budgétaires, car c’est ce ministère qui comparativement aux autres figure parmi ceux qui ont le plus perdu de postes au cours de ces dernières années. Cette régression continue décrédibilise complètement le discours et les annonces du gouvernement : 2021 va être l’année de la biodiversité et la France est attendue sur du concret, pas sur des annonces sans contenu. C’est pourquoi nous disons : un greenbudgeting oui, du greenwashing non !”

Jean-Baptiste Lebrun, Directeur du CLER – Réseau pour la transition énergétique

“Malgré les annonces, les arbitrages du Gouvernement pour le Projet de Loi de Finances 2021 et le déploiement du plan de relance sur la transition énergétique restent très conservateurs. En confondant vitesse et précipitation pour tenter de stimuler une reprise économique “business as usual”, le Gouvernement rate l’opportunité de transformer structurellement l’économie française pour faire face à l’urgence climatique et sociale. Sur la rénovation énergétique, les financements supplémentaires sont bienvenus mais restent très insuffisants et surtout encore largement mal orientés. Quant aux énergies renouvelables, rien n’est prévu pour rattraper notre retard, alors que la France est dans les 2 plus mauvais pays européens sur l’atteinte des objectifs.”

Agathe Bounfour, Responsable Transports au Réseau Action Climat

“Le Gouvernement officialise un nouveau joker en ne reprenant pas la proposition de la Convention citoyenne d’instaurer un malus sur le poids des véhicules, seul outil permettant de prendre en compte l’ensemble des impacts sur le climat et la pollution de l’air des véhicules les plus lourds. Alors qu’une réforme en profondeur des dispositifs de soutien à l’achat des voitures était nécessaire, seules des modifications à la marge du système actuel sont prévues.”

Pour Pierre Cannet, Directeur du Plaidoyer du WWF France

“Le WWF France accueille les soutiens à certains secteurs clefs de la transition écologique mais regrette l’absence dans ce budget de réforme plus profonde de notre modèle économique, en particulier l’absence d’éco-conditionnalité des aides aux grandes entreprises, de soutien aux collectivités et d’intégration d’un critère poids dans le malus automobile. C’est un budget du “en même temps” : d’un côté 30 milliards pour les secteurs de la transition et de l’autre autant aux grandes entreprises sans contrepartie écologiques et sociales. Le WWF France appelle les parlementaires à corriger le tir pour une écologie par la preuve.”

Pour Clément Sénéchal, Chargé de campagne climat pour Greenpeace France

“Le gouvernement prend prétexte de la crise économique pour multiplier les chèques en blanc aux grandes entreprises polluantes et reporter à plus tard l’effort climatique, nous piégeant dans une trajectoire climatique toujours plus hostile à la vie humaine. Alors qu’il s’agit d’un texte pivot pour l’orientation économique du pays dans les prochaines années, Bercy oppose son veto aux recommandations fiscales de la Convention citoyenne pour le climat. Parmi elles, outre l’écotaxe sur les billets d’avion, l’encadrement des dividendes ou les éco-conditionnalités aux aides publiques, on trouve la mise à contribution des ménages les plus aisés, conformément à leur empreinte carbone démesurée, par le rétablissement de l’ISF ou la création d’un impôt écologique sur la fortune. Dans un monde fini, marqué par des crises qui renchérissent les besoins budgétaires de l’Etat, ce débat sur le partage de l’effort ne peut plus être occulté par dogmatisme idéologique : c’est une question de justice fiscale et climatique.”

Quentin Parrinello, Responsable plaidoyer justice fiscale, Oxfam France

“Le projet de loi de finances prévoit plusieurs dizaines de milliards d’euros d’aides aux entreprises sans contreparties sociales et écologiques. Nous ne pouvons pas répéter les erreurs de la dernière crise économique et faire un chèque en blanc aux grandes entreprises. Le plan de relance doit être l’occasion de construire un modèle économique plus juste, qui tient compte des limites planétaires. Cela commence par la mise en place d’une éco-conditionnalité sur les aides aux  grandes entreprises. Cette mesure doit être contraignante, contrôlée, et permettre des sanctions en cas d’abus. Une énième charte volontaire ne permettra pas le grand virage attendu de notre économie vers un modèle plus juste et plus durable.”

Grégoire Niaudet, Responsable Service Justice Économique, CCFD – Terre Solidaire

“Les avantages octroyées aux grandes entreprises doivent être conditionnés à la publication d’un plan de vigilance, conformément à la loi sur le devoir de vigilance. Les pouvoirs publics ne peuvent pas se rendre complices des violations aux droits humains et à l’environnement perpétrées par certaines de ces entreprises et certaines de leurs filiales et sous-traitants à l’étranger. L’examen du PLF à l’Assemblée doit permettre de réaffirmer l’obligation du respect de la loi puisque ce sont près de 70 grandes entreprises qui ne respectent pas leur obligation légale en la matière. De plus, on ne peut toujours pas s’assurer que les entreprises qui bénéficient de ces soutiens publics paient leur juste part d’impôt. Seules des mesures de transparence fiscale, qui obligeront les entreprises aidées à déclarer certaines informations sur leurs impôts et leurs activités partout où elles opèrent, permettront de s’assurer que les entreprises aidées ne procèdent pas à de l’évasion fiscale »

Notes :

  1. En 2019, ces subventions aux énergies fossiles notamment les niches fiscales sur les taxes sur les énergies fossiles et les garanties à l’export en faveur des projets gaziers et pétroliers ont atteint environ 18 milliards d’euros en France. https://reseauactionclimat.org/subventions-energies-fossiles-2020/
  2. GIEC / IPCC (2018) “Summary for Policymakers – SPECIAL REPORT: GLOBAL WARMING OF 1.5 ºC”, paragraphe C.1.3 : https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/05/SR15_SPM_version_report_LR.pdf
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