Plus de 100 associations appellent à la publication de la Stratégie nationale pour l’alimentation
117 associations interpellent Sébastien Lecornu pour exiger la publication de la SNANC, bloquée depuis 2 ans par les gouvernements successifs sous la pression des lobbies agroalimentaires. Nous dénonçons un mépris démocratique et un déni scientifique face aux enjeux de santé publique et climatiques.

Monsieur le Premier ministre,
La Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) devait être publiée en juillet 2023. Deux ans plus tard, elle n’a toujours pas vu le jour. Chaque mois de retard accroît les coûts écologiques, sanitaires et sociaux de l’inaction. Mais vous avez aujourd’hui l’opportunité d’y remédier.
Plusieurs gouvernements successifs – Borne, Attal, Barnier puis Bayrou – ont eu l’occasion de publier cette stratégie essentielle mais ont reculé face aux pressions de certains lobbies du secteur agroalimentaire. Il y a là une des raisons de la fatigue sociale et de la société civile actuelle : au-delà de l’urgence d’une telle stratégie, elle a demandé un investissement sans précédent de toutes les parties prenantes. Un travail interministériel inédit a été réalisé ces 3 dernières années par les ministères de l’Agriculture, de la Santé et de la Transition écologique. Des centaines d’organisations ont été sollicitées pour permettre aux instances consultatives d’émettre des avis (CNA, CNLE, CNS, CNTE, HCSP). Le projet mis en consultation publique en mai a même enregistré près de 4000 contributions dans des délais très courts. Malgré des avis convergents entre les ministères, les instances consultatives et la société civile, la sortie a encore été ajournée par le dernier gouvernement. Cela ne fait qu’entretenir un sentiment généralisé de mépris de la démocratie et de déconnexion entre les citoyens et leurs représentants politiques.
Pire, la dernière version fuitée marque désormais un véritable déni scientifique. Le cabinet de l’ancien Premier Ministre a en effet dénaturé profondément la SNANC en supprimant toute référence à la “réduction” ou à la “limitation” de la consommation de viande, alors même que les ministères de l’Agriculture, de la Santé et de la Transition écologique s’étaient accordés sur des formulations consensuelles.
Inscrire dans la SNANC une trajectoire claire de réduction de la consommation de viande n’est pas une option : c’est une nécessité à plusieurs égards. Selon le Haut Conseil pour le Climat, la France doit diminuer sa consommation de produits d’origine animale de 30% d’ici 2050 pour espérer atteindre des engagements climatiques [1]. Sur le versant santé, 63% de la population dépasse les quantités maximales recommandées pour la charcuterie et 32% pour la viande rouge : il est pourtant aujourd’hui bien établi que leur surconsommation augmente les risques de développer des maladies non transmissibles telles que l’hypertension, les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2, certains cancers…
Il s’agit aussi d’un enjeu de souveraineté alimentaire. En effet, la Stratégie nationale bas-carbone fixe déjà une baisse des cheptels de l’ordre de 10% d’ici 2030. Mais en l’absence de cap équivalent sur la consommation, le risque est grand de voir les importations – qui représentent déjà un tiers de la viande consommée en France – continuer à s’accroître. Cette réduction doit néanmoins se faire dans une optique du “moins et mieux”, en privilégiant la consommation de viande de qualité, produite en France et rémunératrice pour les éleveurs, ainsi que les emplois de toute la chaîne de valeur française, et en réduisant la part de viande importée.
Ce recul s’ajoute à celui sur la publicité et le marketing des produits nocifs pour la santé, que le gouvernement a refusé de restreindre, même lorsqu’il prend pour cible et matraque spécifiquement les enfants. Les attentes citoyennes sont pourtant claires à ce sujet : 83% des Français souhaitent leur interdiction. La nécessité de restreindre de façon stricte la publicité a été réaffirmée par l’ensemble des instances consultées sur la SNANC, ainsi que par le rapport des inspections générales (IGEDD, IGF et IGAC) publié début septembre. Pour ne rien arranger, les recommandations alimentaires du Programme national nutrition santé (PNNS 4) ainsi que la notion d’aliment “ultra-transformé” ont tout simplement été supprimées dans la dernière version de la SNANC : elles doivent absolument être rétablies.
Car la situation est alarmante. 16% de la population française déclare ne pas manger à sa faim et 20% des étudiants ont recours à l’aide alimentaire. Près de la moitié de la population est en surpoids ou en situation d’obésité. Environ 10 millions d’adultes (17-20% selon les régions) sont en situation d’obésité, et plus de 4 millions de Français vivent avec un diabète – une augmentation de 160% en 20 ans. Chez les enfants, 17% sont en surpoids, dont 4% en situation d’obésité, et les cas de diabète de type 2 sont en nette augmentation, transformant l’alarme en véritable urgence. Dans le même temps, l’alimentation, qui représente 24% de l’empreinte carbone de la France, contribue au dérèglement climatique dont les effets néfastes sur l’économie, la santé humaine, l’élevage et les cultures ne sont plus à démontrer (vagues de chaleur, incendies, sécheresses, etc.).
Réhausser les ambitions de la SNANC et la publier au plus vite est une question de respect démocratique et de cohérence scientifique. Mieux encore, elle comporte des éléments de réponses à la colère qui s’exprime dans la rue. Une Stratégie ambitieuse, assortie de moyens, doit permettre d’une part de réduire les tensions sociales, en faisant reculer la précarité alimentaire, réduisant les inégalités d’accès à une alimentation saine et garantissant davantage de débouchés et une meilleure rémunération aux agriculteurs français. Elle doit contribuer, d’autre part, à prévenir les maladies liées à l’alimentation et ainsi réduire les dépenses publiques de santé. Les dépenses publiques engagées pour traiter les impacts environnementaux et sanitaires de notre système alimentaire s’élèvent en France à 19 milliards d’euros par an : une aberration alors que le pays cherche à réduire sa dette publique. Investir dans la prévention est un meilleur investissement pour l’avenir et la justice sociale que doubler les franchises médicales pour les personnes malades chroniques, dont les pathologies sont souvent liées ou aggravées par un défaut d’accès à une alimentation saine.
Nous rappelons nos demandes prioritaires :
- Interdire la publicité et le marketing pour les produits trop gras, trop sucrés et trop salés, notamment lorsqu’ils ciblent les enfants, et rendre obligatoire l’affichage du Nutri-score sur tous les emballages et les supports publicitaires.
- Fixer une trajectoire chiffrée vers “moins et mieux” de produits animaux d’ici 2030, incluant la réduction de la consommation de viande (y compris volaille et charcuterie), et le soutien aux produits animaux durables d’origine France
- Nommer un ou une déléguée interministérielle chargée de la mise en œuvre et du suivi de la SNANC, garante de l’allocation des moyens nécessaires à l’atteinte de ses objectifs.
Monsieur le Premier ministre, Mesdames, Messieurs les ministres : vous avez aujourd’hui la responsabilité et l’opportunité de publier enfin la SNANC. Elle doit être à la hauteur des enjeux de santé publique et de justice sociale et cohérente avec les objectifs climatiques et les engagements internationaux de la France pour le droit à l’alimentation. Il est indispensable aussi que le gouvernement assure la cohérence des politiques publiques : les orientations de cette Stratégie doivent s’imposer à l’ensemble des politiques et lois à venir. C’est une attente des citoyens et des citoyennes, qui souhaitent que le gouvernement agisse non pas uniquement dans l’intérêt de l’agro-industrie, mais avant tout dans l’intérêt général, en protégeant tout particulièrement nos enfants et les plus vulnérables.
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[1] « En suivant une approche d’ensemble, une réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole à l’horizon 2050 est réalisable, à condition d’être accompagnée d’une baisse d’au moins 30 % de consommation de produits d’origine animale et d’un report vers d’autres sources de protéines, de soutien et accompagnement des acteurs, et d’actions renforçant la résilience du système alimentaire, qui est un prérequis à l’atteinte des objectifs climatiques de la France. » (Haut Conseil pour le Climat, Accélérer la transition climatique avec un système alimentaire bas carbone, résilient et juste, Janvier 2024, p.6)
Liste des 117 signataires :
Action contre la Faim
Action non-violente COP21
afa Crohn RCH France
AFERO (Association française d’étude et de recherche sur l’obésité)
Agence Proj’Éduc Lab : méthodologie de projets alimentaires
Agosse 971
Alliance Santé Planétaire
Alofa Tuvalu
Alternatiba
Andès, association nationale des épiceries solidaires
Anima
APOP – Association pour la Prise en charge et la Prévention de l’Obésité en Pédiatrie
Association Addictions France
Association de Défense d’Education et d’Information des Consommateurs (ADEIC)
Association de l’Alimentation Durable
Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN)
Association Léo Lagrange pour la Défense des Consommateurs (ALLDC)
Association Santé Environnement France (ASEF)
AVF – Association Végétarienne de France
Bio Consom’acteurs
BLOOM
Cancer Colère
Cantine sans plastique
Cardio Greffe IDF
CFDT Agri-Agro
Chaire UNESCO Alimentations du monde
CIWF France
CLCV (Consommation, Logement, Cadre de Vie) – Association de défense des consommateurs
CNAO – Collectif National des Associations d’Obèses
CMR – Chrétiens dans le monde rural
Coopérative Biocoop
Collectif En Vérité
Collectif Je Suis Infirmière Puéricultrice
Comité Français pour la Solidarité Internationale
Commerce Equitable France
Communication et démocratie
CREPAQ (Centre Ressource d’Ecologie Pédagogique de Nouvelle-Aquitaine)
Dieta Baria
Diets&Coll, Réseau de Diététiciens et d’experts en Restauration collective durable
Embarque ta boussole
Emmaüs France
ESS France
ETHIQUABLE
FAIRe un monde équitable
Fédération Artisans du Monde
Fédération Française des Diabétiques
Fédération Promotion Santé
Fermes d’Avenir
Fondation pour la Nature et l’Homme
France Assos Santé
France Nature Environnement
Foodwatch France
FRENE, réseau français d’éducation à la nature et à l’environnement
Générations Futures
Germinal Biocoop Association de Consommateurs
Greenlobby
Greenpeace France
Groupe de réflexion sur l’avenir des diététiciens (GRAD)
Indice Fossile
Indecosa CGT
Ingénieurs sans frontière Agrista
Institut du Commerce
Interveg
Jeunes Médecins
La Communauté Ecotable
La Confédération Syndicale des Familles (La CSF)
La Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA)
La ronde des formes
La Tablée des Chefs
L’école comestible
Le LIEN – association agréée
Le poids du partage
Le Relais Jeunes
Le Syndicat National des Diététiciens (SND)
Les Amis de la Terre
Les Bouillonnantes
Les Greniers d’Abondance
Les Insatiables
Ligue contre le cancer
Ligue nationale contre l’obésité
Max Havelaar France / Fairtrade
MIRAMAP (Mouvement Inter-Régional des AMAP)
MRJC – Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne
myLabel
Noé
Oh my loft 46
ONAV (Observatoire National des Alimentations Végétales)
Pèse-Plume 01
Pôle InPact
Promotion Santé Bourgogne – Franche-Comté
Promotion Santé Grand Est
Promotion Santé Occitanie
QUATRE PATTES
Quitoque
RESES – Réseau Étudiant pour une Société Écologique et Solidaire
Renaloo, la voix des malades du rein
Réseau Action Climat
Réseau CIVAM – Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu Rural
Réseau Environnement Santé
Réseau français Villes-Santé
Résistance l’Agression Publicitaire
S.T.O.P. Obésité
Seastemik
Secours Catholique – Caritas France
SERA – Santé Environnement en Auvergne-Rhône-Alpes
Slow Food en France
Société Française du Cancer
Société française de santé publique (SFSP)
Société Francophone de Santé et Environnement (SFSE)
SOL – Alternatives Agroécologiques et Solidaires
SOS hépatites & maladies du foie
TransiTerra
UGESS – Union nationale des Groupements des Épiceries Sociales et Solidaires
VRAC France
Welfarm
WWF France
WWOOF France

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