Le Green Deal face à la flambée des prix de l’énergie en Europe
La flambée des prix de l’énergie en Europe est au coeur de l’agenda politique européen : face aux attaques contre la transition écologique, le Réseau Action Climat rappelle que le Green Deal est la seule solution structurelle contre la hausse des prix en Europe.
Les prix de l’énergie flambent en Europe : +429 % pour le gaz fossile et +230 % pour l’électricité sur les marchés de gros en 2021 par rapport à 2019. De la même manière, le pétrole a retrouvé son prix de 2018 autour de 75 dollars le baril en septembre. Les conséquences sont très importantes pour les ménages européens, en particulier les plus précaires qui voient leurs factures augmentées, même si la hausse pour les particuliers est plus mesurée que la hausse sur le marché de gros.
Pour beaucoup de dirigeants politiques, la transition écologique et le Green Deal européen sont les coupables parfaits de la hausse des prix de l’énergie. Au contraire, la transition écologique est LA solution pour maîtriser les prix de l’énergie sur le moyen terme et réduire la précarité des plus faibles.
D’où vient la hausse des prix de l’énergie ?
La reprise économique en Asie et en Europe post-COVID a fait exploser la demande mondiale de gaz fossile, provoquant une hausse importante des prix sur les marchés. A cela s’ajoutent les tensions géopolitiques entre la Russie et l’Union européenne, notamment sur la finalisation de Nord Stream II, gazoduc pour l’heure suspendu devant relier la Russie à l’Allemagne. Dans ce bras de fer, l’entreprise Gazprom refuserait de fournir à l’Europe le gaz supplémentaire permettant d’alléger la pression. Un jeu géopolitique qui souligne la dépendance des Européens vis-à-vis de pays tiers quant à l’importation d’énergies fossiles.
Par contre, le marché carbone européen n’a que modérément contribué à la hausse des prix de l’énergie. Le prix du CO2 payé par tous les industriels et centrales électriques émettrices, est monté jusqu’à 65 € la tonne de CO2 en octobre, alors qu’il était autour de 5 € la tonne en 2018. Malgré cette augmentation, son impact reste faible sur les prix de l’énergie : moins de ⅕ de la hausse du prix de l’électricité provient de la hausse du prix du CO2 sur le marché carbone européen (en vert), soit neuf fois moins que la hausse des prix du gaz fossile (en gris).
Pour Neil Makaroff, Responsable Europe, ce n’est donc pas la politique climatique européenne ou le marché carbone européen qui sont responsables de la hausse des prix de l’énergie, mais notre dépendance aux énergies fossiles.
Mettre fin à notre dépendance aux énergies fossiles
Cette crise met en lumière la vulnérabilité de l’Europe face à la volatilité des prix des énergies fossiles sur les marchés internationaux. Cette vulnérabilité est due à notre dépendance aux énergies fossiles, en très grande majorité importées. Ainsi, 90 % du gaz fossile et 97 % du pétrole sont-ils importés en Europe.
Alors que la Commission européenne estime que la consommation de gaz fossile devrait décliner de 36 % d’ici à 2030 pour respecter l’objectif climatique européen, les investissements publics comme privés continuent d’affluer vers des infrastructures et des centrales à gaz. Des projets gaziers équivalents à 87 milliards d’euros sont en cours de réalisation ou à l’étude, ce qui renforcerait la dépendance du continent au gaz fossile provenant de Russie, d’Azerbaïdjan ou du Moyen-Orient. Pire, le règlement TEN-E qui définit les futurs financements publics dans le domaine énergétique, pourrait maintenir la priorité donnée aux investissements gaziers jusqu’en 2027.
Malheureusement, la France, pourtant traditionnellement opposée au gaz fossile, soutient aux côtés de la Pologne, de la Hongrie ou encore de la Roumanie le renforcement de la place du gaz fossile en Europe à travers une alliance entre pays pro-gaz et pro-nucléaire. Un jeu dangereux qui risque non seulement de faire dérailler la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de coûter cher aux ménages.
Or, ni le renforcement des infrastructures gazières, ni la construction de nouvelles centrales nucléaires ne peuvent être des outils fiables pour maîtriser le prix de l’énergie avant 2035. Seule la combinaison de la réduction de la consommation d’énergie à travers la rénovation des bâtiments et le développement massif des énergies renouvelables peuvent rompre la dépendance de l’Europe aux énergies fossiles. Le faible coût des énergies renouvelables (jaune et bleu sur le graphique) est une opportunité à saisir. Les énergies renouvelables représentent déjà 38 % de la production électrique européenne. Cette part doit largement augmenter.
Urgence de court-terme : amortir le choc pour les plus précaires
50 millions d’Européens vivent en situation de précarité énergétique, c’est-à-dire qu’ils font face à des difficultés pour chauffer leurs domiciles ou à le refroidir en période de vagues de chaleur. Bien que cette précarité recule en Europe, elle augmente dans un certain nombre de pays comme la Slovaquie, l’Espagne ou encore la France. La hausse des prix de l’électricité, du gaz fossile et des carburants, ne fait qu’exacerber leur détresse sociale.
Dans sa “boîte à outils” mise à disposition des États-membres pour faire face à la hausse des prix de l’énergie, la Commission européenne demande à juste titre aux États-membres de cibler les ménages les plus précaires avec des mesures permettant d’amortir le choc. Des aides d’urgence doivent être mises en place pour soutenir les plus vulnérables à faire face à l’explosion de leurs factures énergétiques : chèque énergie ou encore des garde-fous pour éviter les coupures électriques pour impayés. La Commission européenne reste plus prudente sur la baisse de la TVA sur les produits énergétiques. Cette mesure ne cible pas en priorité les plus précaires, mais concerne l’ensemble des ménages dont les plus riches, souvent plus consommateurs d’énergie.
Dans ce contexte, la France devrait augmenter le chèque énergie à au moins 710 euros pour soutenir les ménages précaires face à la hausse des factures.
Plus de 26 milliards d’euros de revenus issus du marché carbone européen sont à disposition des États-membres pour financer ces mesures d’urgence.
Le Green Deal Européen, solution pour rompre avec notre vulnérabilité
Si l’Europe ne réduit pas sa dépendance aux énergies fossiles, elle risque d’être confrontée à des crises similaires dans les années à venir. Comme l’indique justement la Commission, le Green Deal européen contient tous les leviers pour rendre nos sociétés plus résilientes face à ces crises tout en luttant contre la précarité énergétique.
Réduire notre consommation énergétique : la mère des batailles
La baisse de la consommation d’énergie, en particulier à travers la rénovation des logements, est essentielle pour lutter contre la précarité énergétique tout en rendant nos sociétés plus résiliente face aux chocs externes. En parallèle de la rénovation, l’Europe doit engager l’élimination progressive du chauffage au gaz fossile ou au fioul et tendre vers un système de chauffage 100 % renouvelable.
Deux lois du Green Deal européen, la directive efficacité énergétique et la directive de performance énergétique du bâtiment, peuvent accélérer la vague de rénovation en Europe. Il est nécessaire que le taux annuel de rénovation énergétique soit au moins triplé et que des normes minimales de performance énergétique soient mises en place pour atteindre la neutralité climatique en 2050. La consommation d’énergie peut diminuer de 45 % en Europe d’ici à 2030.
Le choix des énergies renouvelables plutôt que du gaz fossile
La Commission appelle les États-membres à investir plus massivement dans les énergies renouvelables et à favoriser le développement de projets citoyens d’énergies renouvelables. Ce message doit être entendu par les gouvernements nationaux. Tous les voyants sont au vert pour massifier leur développement et atteindre 50 % de la consommation d’énergie issue de sources renouvelables en 2030. Les énergies renouvelables couplées à la baisse de la consommation d’énergie sont les deux leviers indispensables pour accroître l’indépendance énergétique du continent et réduire notre vulnérabilité vis-à-vis des prix des énergies fossiles.
L’Europe doit donner un coup d’accélérateur au développement des énergies renouvelables, notamment citoyennes, et ainsi évincer les énergies fossiles du mix énergétique européen. La Directive européenne sur les énergies renouvelables en cours de révision dans le cadre du Green Deal doit également soutenir ce développement.
Mettre fin à la vente de véhicules essences et diesels neufs en 2030
Enfin pour réduire la dépendance de nos sociétés vis-à-vis du pétrole, il sera indispensable de forcer les constructeurs automobiles à prendre le virage du véhicule à très faible émission accessible pour tous les ménages.
Le règlement sur la révision des normes de CO2 des véhicules doit fixer une date de fin de vente des véhicules essences et diesels neufs en 2030. L’objectif est de faire émerger une offre de véhicules à très faible émission pour les ménages et ainsi les faire sortir du piège de l’essence et du diesel.
Protéger les Européens : abandonner le marché carbone pour le chauffage et le bâtiment
La Commission propose la création un second marché carbone pour le chauffage et les carburants qui viendrait surenchérir le prix payé par les ménages à la pompe ou lorsqu’ils se chauffent au gaz ou au fioul. Ce prix du CO2 fixé par le marché est par nature extrêmement volatile et risque d’entraîner une explosion des factures qui touchera de plein fouet les ménages les plus précaires.
Plutôt que de pénaliser les ménages, le Green Deal européen doit faire émerger des solutions et des alternatives pour sortir les Européens de leur dépendance aux énergies fossiles. Cette proposition de marché carbone pour le chauffage et les carburants doit être abandonnée.
-
-
-
-
Suivez les actualités du réseau
Abonnez-vous à la newsletter du Réseau Action Climat.