L’aérien, un transport de CSP+, largement sous-taxé
Rare secteur dont la contribution au réchauffement climatique continue d’augmenter année après année, l’aérien pesait pour 7% des émissions françaises de CO2 en 2019.
Alors que les solutions technologiques sont insuffisantes à elles seules pour respecter l’Accord de Paris, il est impératif de réduire le trafic dès maintenant. C’est pourquoi le Réseau Action Climat publie ce jour un rapport qui détaille la sociologie des passagers aériens et évalue neuf propositions pour réduire le trafic aérien selon trois critères : l’impact sur le climat, les recettes fiscales générées et la répartition de l’effort.
Un constat unanime : la nécessité de réduire le trafic aérien
Depuis la fin de la crise sanitaire, le trafic aérien a repris sa croissance effrénée : il a presque intégralement retrouvé son niveau précovid, boosté par les vols internationaux et les compagnies low cost. Pourtant, les trois études les plus complètes sur la décarbonation du secteur aérien en France concluent qu’il est nécessaire de réduire le trafic dès maintenant pour respecter l’Accord de Paris. Les solutions technologiques les plus prometteuses (carburants de synthèse, biocarburants…) ne pourront jouer un rôle important qu’à cette condition.
La question clé est désormais la suivante : comment réduire le trafic de manière efficace et socialement juste ?
L’avion, un transports de riches urbains qui partent en vacances
Malgré l’essor des compagnies low cost et les multiples niches fiscales dont jouit le secteur aérien, l’avion est un mode de transport inégalitaire. En effet, les Français qui prennent l’avion sont principalement des personnes aisées, diplômées, jeunes et urbaines, qui l’utilisent pour partir en vacances. Quelques chiffres, issues du rapport, illustrent ce constat
- sur 100 passagers aériens, on dénombre 37 cadres supérieurs (contre 14 dans la population générale), et seulement 8 ouvriers (contre 21 dans la population générale)
- les vols de loisir représentent 75% des émissions de CO2 des Français qui prennent l’avion – le quart restant se répartissant équitablement entre vols professionnels et familiaux.
- un habitant de région parisienne a 2 fois plus de chance qu’un habitant de zone rurale de prendre l’avion, toutes choses égales par ailleurs
La “taxe grands voyageurs” : une mesure spécifique qui satisfait tous les critères
La réduction du trafic aérien a fait l’objet de nombreuses propositions dans le débat public, nous en avons évalué neuf, sur la base de trois critères : l’impact sur le climat, les recettes fiscales générées et la répartition de l’effort au sein des différentes parties prenantes et de la population).
Parmi elles, une mesure spécifique satisfait tous les critères : la création d’une “taxe grands voyageurs”, qui fonctionnerait à l’inverse des systèmes de fidélité type “miles” : plus un passager prend régulièrement l’avion, plus le prix unitaire d’un billet augmente. Selon notre modélisation, cette mesure permettrait de baisser les émissions du secteur aérien de 13,1 %, tout en faisant peser l’essentiel de l’effort sur les passagers les plus réguliers et en générant 2,5 milliards de recettes.
Un relèvement de la “Taxe Chirac” sur les billets d’avion [1] avec un barème élevé pour les jets privés en location [5], comme le proposait la Convention citoyenne pour le climat, répondrait aussi aux trois critères. Cela réduirait les émissions du secteur aérien de 8 %, en ciblant en priorité les plus aisés, et générerait près de 4 milliards d’euros supplémentaires de recettes.
Dans un contexte budgétaire dégradé, ces mesures fiscales permettraient de sécuriser les 100 milliards d’euros pour la relance du ferroviaire, annoncés par le gouvernement Borne en février 2023. Elles permettraient aussi d’améliorer l’équité fiscale entre les Français qui partent en vacances en voiture, et payent une taxe sur le carburant, et ceux qui voyagent en avion, qui n’en payent pas.
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