Elections régionales : un rendez-vous manqué avec le climat

Les élections régionales ont eu lieu il y a quelques semaines. Mais quelles sont les principales leçons à tirer de cette période pour le climat ? Quels étaient les enjeux principaux de cette élection pour la transition, et quels sont les défis que les nouvelles équipes élues devront relever ? Notre analyse à froid.

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Le contexte des élections régionales 2021 en bref

Des régionales centrées sur le national

Cette période électorale se caractérise avant tout par une place particulière dans l’agenda politique tourné vers l’élection présidentielle qui aura lieu les 10 et 24 avril 2022. Ainsi, les élections régionales et départementales ont été perçues et saisies comme un tremplin pour les élections présidentielles et non uniquement pour l’enjeu local qu’elles représentent. Cette proximité dans l’agenda a en partie biaisé les débats et le contenu politique qui se sont centrés sur des enjeux nationaux comme la sécurité ou l’immigration – des compétences qui ne sont pas du ressort des Régions – plutôt que sur les problématiques des territoires comme l’aménagement, les transports, la rénovation des bâtiments, etc.

Une abstention record pour des élections qui mobilisaient déjà peu

Ces élections se caractérisent surtout par une abstention record de 65,7% (malgré le fait qu’il s’agisse d’une double élection puisque régionales et départementales avaient lieu en même temps, ce qui aurait pu être un facteur de mobilisation dans les urnes), ces élections régionales ne permettent pas de donner la légitimité politique aux élus et montrent qu’une large majorité des personnes ne veulent, ne peuvent ou ne voient pas l’intérêt de se mobiliser dans les urnes. Cette abstention record s’inscrit aussi dans le prolongement continu d’un mouvement de retrait des urnes qui affecte la totalité des scrutins. Ainsi, historiquement les élections régionales et départementales sont des élections qui mobilisent peu dans les urnes. S’il est difficile d’analyser cette abstention face à la diversité de facteurs, pour Céline Braconnier “la majorité de citoyens éprouve l’absence d’impact des résultats du vote sur son quotidien et déplore que les alternances politiques ne produisent pas d’alternatives dans les modes de vie.” Pourtant, les Régions sont un échelon clé pour améliorer le quotidien des gens et permettent effectivement de lutter contre le dérèglement climatique (pour en savoir plus, lire notre publication).

Un contexte complexe de crises

Enfin, alors que la pandémie mondiale du coronavirus nécessite de repenser notre capacité d’anticiper et de nous adapter aux crises, elle a rebattu les cartes du calendrier électoral et des modalités de tenue des campagnes, comme les conditions des meetings modifiées, les  campagnes qui ont eu lieu principalement en ligne etc. Cette crise sanitaire sans précédent affecte par ailleurs plus fortement les classes populaires et aggrave les inégalités sociales : la crise est aussi économique et sociale, et a évidemment un impact sur les sujets phares qui doivent être mis à l’ordre du jour politique.

Le climat : une question préoccupante mais une réponse à côté

Des attentes fortes de la part des Français pour le climat…

Le premier constat que l’on peut faire sur la place du climat dans les élections régionales vient de la place toujours importante que cet enjeu représente dans le vote des Français (pour 80% des Français). Malgré la crise sanitaire et sociale et l’importance de thématiques comme l’emploi dans les préoccupations des Français, le climat reste un marqueur fort et essentiel dans le vote, marqueur qui va même au-delà des clivages politiques. Comme l’expliquait Harris dans un sondage réalisé en avril 2021 : “les enjeux environnementaux ont dépassé les clivages partisans et s’imposent désormais à une forte majorité de citoyens”. L’importance d’une action pour le climat tient notamment du fait que de nombreuses catastrophes climatiques ont lieu en France, sur nos territoires, comme les dégâts agricoles occasionnés par le gel d’avril ; mais cela tient aussi au fait que différentes mobilisations existantes depuis maintenant plusieurs années ont permis de faire monter le sujet dans l’espace public.

… mais une réponse loin d’être à la hauteur des défis et préoccupations

Pourtant, la place du climat dans les programmes des candidats était mitigée, comme le montre le travail de décryptage des programmes réalisé par le Réseau Action Climat. Ainsi, sur les 52 listes analysées, seules 7 listes ont repris les 15 mesures incontournables du réseau. La grande majorité des candidats ne reprenant ainsi que des mesures partielles, floues, voire allait à l’encontre de la transition. Ainsi, certaines thématiques ont été largement reprises par les candidats de tout bord politique, notamment le développement du ferroviaire et le soutien à une agriculture plus durable. A l’inverse, les thématiques absentes des programmes portaient sur la mise en place de menus végétariens, pourtant essentiels pour la santé humaine et de la planète, mais aussi les enjeux liés à la réduction de l’aviation. Par ailleurs, une tendance forte et dangereuse consistait à proposer un moratoire sur le développement des énergies renouvelables, ce qui va à l’encontre des enjeux de transition comme l’a rappelé RTE. Il est nécessaire de rappeler, en vue des présidentielles, l’importance d’une trajectoire énergétique alliant sobriété et développement des énergies renouvelables.

Comment expliquer ce décalage entre les attentes réelles et constantes des Français et une prise en compte plus qu’incomplète par les candidats de l’enjeu climat ? On peut identifier a priori au moins 3 facteurs :

  1. Une élection régionale centrée en partie sur les présidentielles ne permet pas de parler des enjeux liés aux compétences des Régions.
  2. Un manque de volonté politique de la part de certaines listes qui utilisent le climat comme un symbole sans penser réellement la réponse de manière systémique, ambitieuse et concrète.
  3. Une méconnaissance et mésinformation sur les Régions, des actions qu’elles portent et des compétences de cet échelon à la fois par les acteurs politiques, mais aussi des citoyens et citoyennes. La Région est une échelle centrale dans les politiques publiques et impacte directement le quotidien, encore faut-il savoir, faire connaître et porter ces enjeux clés.

Un rendez-vous manqué en juin : élus, vous avez 6 ans pour vous rattraper !

Le rapport du Haut Conseil pour le Climat de juin 2021 est formel : avec le retard accumulé, la France va devoir doubler le rythme de réduction de ses émissions. Le conseil ajoute que “les résultats des actions menées [à l’échelle régionale] décrochent par rapport aux prévisions » et que certaines Régions voient leurs émissions stables ou à la hausse. Les nouvelles équipes élues doivent relever ce défi pour rendre notre futur viable, juste et désirable. 

Alors que les impacts du dérèglement climatique sont de plus en plus visibles, les promesses électorales doivent être rehaussées à la hauteur de l’urgence, et mises en œuvre maintenant. 

Le Réseau Action Climat et ses associations membres, ainsi que tous les citoyens engagés dans ces régionales suivront, accompagneront, challengeront les équipes et feront le suivi de ces promesses et s’assureront que l’ambition réponde à l’urgence. 

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