Déclinaison française de la PAC : où est le pâturage ?
Le gouvernement français a jusqu'au 31 décembre pour mettre à niveau son PSN (plan stratégique national), déclinaison en France de la PAC. De gros efforts sont encore à faire, pour le bien des agriculteurs, de la santé des mangeurs et de la planète.
Le plan stratégique national, ou PSN est le document qui détaille les modalités d’application de la PAC pour la France. Dans le cadre de la réforme actuellement en cours, les marges de manœuvre des Etats sont beaucoup plus importantes que précédemment. Il est donc important de veiller à ce que cette déclinaison soit bien faite si nous voulons que la PAC soit appliquée en France dans le respect des enjeux sociaux, environnementaux et de santé publique.
En septembre 2021, le ministère de l’agriculture a donné accès à la première version du plan stratégique national (PSN). Pour le Réseau Action Climat, certaines avancées sont à souligner dans cette version du PSN par rapport à ce qui est actuellement appliqué, certains points sont décevants par rapport à l’ambition affichée par le Ministre de l’agriculture, tandis que certaines mesures constituent clairement des reculs. Alors qu’une évaluation environnementale du PSN doit être publiée le 20 octobre prochain, le Réseau Action Climat réagit sur deux des mesures qu’il a particulièrement suivies concernant les élevages bovins et les légumineuses.
Une aide aux élevages bovins sans valorisation du pâturage
Alors que monsieur Denormandie a, à plusieurs reprises, mis en avant l’importance du pâturage, c’est-à-dire de laisser les animaux pâturer en prairie, la principale aide (l’“aide couplée bovins”) destinée aux élevages bovins ne valorise pas cette pratique. Pourtant, le pâturage devrait être explicitement valorisé pour ses nombreux co-bénéfices, en particulier le bien-être des animaux et les avantages environnementaux des prairies (séquestration du carbone, biodiversité, lutte contre l’érosion, etc.). De plus, cette aide devrait davantage rémunérer les petits élevages que les gros, ce qui irait dans le sens d’une transition de l’élevage au bénéfice de tous, c’est-à-dire le “moins et mieux” : moins d’animaux mais autant d’éleveurs mieux rémunérés.
Détails sur l’aide couplée bovins
L’aide couplée bovins est une des aides de la PAC pour laquelle le PSN de la France précise les modalités d’accès, donc les critères que doivent respecter les élevages pour y avoir accès.
Taille : un plafonnement trop haut
L’aide couplée destinée aux bovins a été améliorée car le plafond en deçà duquel une aide peut être versée a été abaissé de 140 à 120 Unités gros bovins (UGB). Cela favorise donc les plus petits élevages. Cependant, ce plafond reste bien au-delà de ce qui est prôné par le Réseau Action Climat et la Plateforme pour une autre PAC, à savoir 80 UGB. Un tel plafond favoriserait au contraire davantage les petits élevages. Le choix de la France dans son PSN d’avoir un plafond élevé avec un montant unitaire plus faible par animal ne va pas dans le sens d’une réduction du cheptel, ce qui serait pourtant un atout dans la lutte contre le changement climatique.
Densité : aucun critère pâturage
La mesure plafonne la densité des animaux en fonction de la surface fourragère disponible de l’exploitation à un seuil de 1,4 UGB/ hectare de surface fourragère (et seulement pour la catégorie d’animaux payés au prix fort dans le cadre de cette aide, c’est-à-dire globalement, les élevages à viande). Les surfaces fourragères correspondent aux cultures d’aliments pour les animaux telles que céréales ou légumineuses, ou les surfaces en herbes, qu’elles soient fauchées ou pâturées. La mesure ne plafonne donc pas l’aide en fonction des surfaces en pâturage spécifiquement.
Soutien aux modèles intensifs
En outre, les élevages laitiers ne sont pas concernés par le plafonnement de la densité. Pourtant, les élevages laitiers sont en moyenne plus intensifs en France que l’élevage de bovins viande.
Enfin, les taurillons (jeunes mâles) engraissés en bâtiment continuent de pouvoir être éligibles à cette aide. En maintenant cette aide, même à un montant inférieur, le PSN continuera de soutenir un système particulièrement intensif, aux pratiques défavorables au bien-être des animaux et sans accès extérieur.
Une aide aux légumineuses sans valorisation des légumes secs
La France est aujourd’hui dépendante à 60% des importations pour la demande intérieure en légumes secs pour l’alimentation humaine. Cette demande est en constante augmentation car les légumes secs sont une des meilleures alternatives aux protéines animales et ont ont toute leur place dans une assiette équilibrée, durable et saine. Pourtant cette culture reste peu soutenue financièrement, notamment par la principale aide concernée (l’ “aide couplée légumineuses”) alors qu’il s’agit d’une culture délicate.
Détails sur l’aide couplée légumineuses
L’aide couplée légumineuses est une des aides de la PAC pour laquelle le PSN de la France précise les modalités d’accès, donc les critères que doivent respecter les cultures de légumineuses pour y avoir accès.
Des légumes secs éligibles mais pas de valorisation financière spécifiques
Les légumes secs à destination de l’alimentation humaine sont désormais éligibles à cette aide, ce qui est une bonne chose. L’augmentation de la production de légumes secs est une part essentielle de la transition de notre assiette alimentaire plus durable et saine alors que la consommation interne du pays dépend encore à 60% des importations.
Mais les légumes secs ne font pas l’objet d’un montant unitaire supérieur par rapport aux cultures de légumineuses à destination de l’alimentation animale. Pourtant la culture de légumes secs est plus exigeante.
Le gouvernement français a jusqu’au 31 décembre pour revoir sa copie avant de la soumettre à la Commission européenne. D’ici là, de nombreuses améliorations devraient être apportées à cette première version si l’on veut que le PSN soit à la hauteur des exigences climatiques et d’alimentation saine. Alors que le PSN doit être compatible avec la stratégie bas carbone depuis l’adoption de la loi Climat et Résilience, cette compatibilité n’est pas assurée dans cette première version du PSN français présentée par Monsieur Denormandie.
Outre les mises à niveaux nécessaires concernant le critère pâturage et la revalorisation de l’aide pour les légumes secs à destination de l’alimentation humaine, le PSN devra également être amélioré dans le sens d’une augmentation des aides à la bio, aux haies ou encore au maraîchage. Toutes ces améliorations nécessaires sont détaillées par la Plateforme Pour une autre PAC.
Depuis le début des négociations autour du PSN, le Réseau Action Climat n’a eu de cesse de participer aux réunions de concertation et de fournir des contributions écrites (la dernière en date). D’ici au 31 décembre, certains arbitrages d’importance pour l’agriculture française sont encore possibles. Nous espérons que les améliorations à la hauteur des enjeux climatiques et de santé publique seront apportées et que Monsieur Macron arbitrera dans ce sens.
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