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COP29 : les mauvais comptes font les mauvais amis, le Nord doit régler ses dettes

Les COP servent-elles encore à quelque chose ? Un an après la COP de la « transition hors des énergies fossiles », les gouvernements peinent à concrétiser leur engagement. Pourtant, ces conférences restent le seul espace où tous les pays se retrouvent pour lutter contre cette urgence planétaire. Zoom sur les enjeux de la COP29 à venir.

Amazonian women at a march for International Women's Day, March 8, 2020
Amazonian women during the mobilization for International Women's Day, March 8, 2020. One of the strongest demands of Amazonian women has to do with the sovereignty of their ancestral lands, which are constantly violated in favor of mining and oil companies, ignoring the rights of nature and the people who inhabit these territories.

Bien réels, les impacts du changement climatique continuent de faire l’objet d’euphémisme et les constats du GIEC d’être mis en doute. Pourtant, nous venons pour le deuxième été consécutif de battre un record de chaleur, alors même que l’année 2024 est en passe d’être la plus chaude jamais enregistrée au niveau mondial1. C’est dans ce contexte d’ébullition climatique, avec des incendies, sécheresses, inondations et autres phénomènes météorologiques extrêmes sans précédent qui continuent de sévir partout à travers le monde, que va avoir lieu la COP 29 à Bakou du 11 au 22 novembre. 

3,1°
Le dernier rapport des Nations unies sur les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial prévoit un réchauffement de 3,1°C en 2100 si les politiques climatiques actuellement en vigueur ne changent pas.

Pourtant, tous les pays ne jouent pas à armes égales pour faire face à cette crise. Dans une ironie du sort tragique, ce sont les pays les moins responsables du réchauffement climatique qui en subissent aujourd’hui les pires effets, avec le moins de moyens pour y faire face. D’où le concept central de cette COP : celui de dette climatique. Les ONG présentes sur place doivent veiller à ce que les États les plus riches et historiquement responsables des émissions de gaz à effet de serre soient les premiers à mettre en œuvre des actions à la hauteur de leur responsabilité et soutiennent financièrement la transition écologique dans les pays du Sud.

Les COP restent l’une des trop rares opportunités pour les pays du Sud de faire entendre leur voix à l’occasion de négociations internationales. Il est aussi de notre responsabilité, en tant qu’associations, de porter leurs revendications, alors même que depuis plusieurs années, les lobbyistes fossiles infiltrent de plus en plus les négociations. Lors de la COP28, dernière en date, le nombre de représentants de l’industrie pétro-gazière était plus important que les délégations des 10 pays les plus vulnérables réunies. 

2 400
Lors de la COP28 à Dubaï, plus de 2 400 lobbyistes des industries fossiles étaient présents sur place.

📍 Comment sont décidés les emplacements de COP ?

Le pays hôte de la COP est choisi par rotation parmi les cinq groupes régionaux des Nations Unies. Chaque groupe de pays vote pour son candidat régional en général tous les 5 ans. Toutefois, peu de pays se portent candidats, en raison des coûts élevés et des infrastructures nécessaires pour accueillir un événement d’une telle ampleur. L’ONU a pour seul véto celui qui touche aux questions sécuritaires, par exemple si un pays pose sa candidature alors que son territoire est en guerre. Cependant la société civile gronde depuis plusieurs années sur les pays hôte des COP, qui malheureusement ne sont ni des exemples sur l’ambition climatique ni sur le respect des droits humains et des libertés associatives. Nous demandons donc à l’ONU de développer des critères plus précis pour devenir pays hôte des COP et aux pays de les accepter comme des standards à respecter.

COP29 : L’heure de payer la dette climatique

Les pays développés, historiquement responsables, s’étaient entendus en 2009 pour mobiliser la somme de 100 milliards d’euros par an à partir de 2020 pour aider les pays en développement dans leurs politiques d’adaptation et d’atténuation, Ce montant, largement reconnu comme insuffisant, a été atteint avec plus de deux ans de retard, et principalement sous la forme de prêts et non de dons, fléchés en majorité sur des projets d’atténuation. 

Pour une véritable justice climatique qui ne participe pas davantage à l’endettement de pays déjà vulnérables, les pays développés doivent donc se mettre d’accord sur un nouvel objectif de financement objectivé par plusieurs experts : 1 000 milliards de dollars par an2. Ce montant doit être réparti de manière équitable entre atténuation, adaptation, mais aussi les pertes et dommages (les conséquences irréversibles du changement climatique) qui n’étaient pas calculés dans le premier montant des 100 milliards. 

Il s’agit d’un montant nécessaire pour restaurer la confiance Nord/Sud, et pour éviter aux pays pauvres de se tourner vers l’exploitation de ressources fossiles comme seul moyen de financer leur dette.

💰 L’argent existe, il faut aller le chercher là où il est

Le coût de l’inaction sera de toute façon plus élevé que celui de la transition écologique. Aujourd’hui ce n’est pas l’argent qui manque, mais la volonté politique. Il est urgent d’abord d’arrêter la subvention massive des énergies fossiles (7 trillions de dollars en 2022), pour réorienter ces fonds vers des sources d’énergies renouvelables. Ensuite, la mise en place d’un impôt mondial sur la fortune (2% d’impôt sur la fortune de 3 000 milliardaires) pourrait rapporter 250 milliards de dollars par an. Une mesure d’autant plus juste que sur les 30 dernières années, les 1% ont émis deux fois plus de carbone que la moitié la plus pauvre de l’humanité.

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📢 Le rôle des ONG

A l’occasion des COP, il est de la responsabilité des ONG de veiller à ce que les engagements pris soient bien respectés. Nous continuerons à faire pression sur nos gouvernements tout en soutenant activement nos collègues des pays du Sud.

Justice climatique et égalité de genre : même combat !

L’année 2024 marque une occasion concrète d’agir sur les enjeux qui lient le genre et le climat. Les femmes, qui sont des actrices essentielles pour la transition écologique3, sont aussi au premier rang des conséquences du changement climatique. 80% des personnes déplacées à cause du changement climatique sont des femmes, et les femmes et les enfants pauvres ont 14 fois plus de chances de mourir lors d’une catastrophe climatique..

Les inégalités provoquées par le réchauffement climatique sont renforcées par les rapports de domination aujourd’hui à l’œuvre, et notamment par le genre. Dans de nombreux pays, les femmes dépendent davantage des ressources naturelles pour subvenir aux besoins de leur famille, ont moins accès aux ressources économiques, à l’éducation, aux instances de décision, et sont donc plus vulnérables aux aléas climatiques.

– de 1%
C’est la part de la finance mondiale (privée et publique) qui atteint les organisations locales de femmes.

Pour mener une politique climatique efficace et juste, les Etats doivent s’engager à considérer les questions de genre dans la définition et la mise en œuvre de cette politique. Cela signifie par exemple intégrer les besoins, les savoirs et les contributions des femmes à tous les niveaux de la prise de décision.

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La sortie des énergies fossiles a été actée, hors de question de faire marche arrière

Beaucoup d’encre a coulé à l’issue de la COP28, l’année dernière à Dubaï, alors que pour la première fois était mentionnée la “transition hors des énergies fossiles”. Historique, cet engagement n’a pourtant pas été suivi d’un accord sur la manière dont cette transition énergétique doit être financée. Profitant de cette fragilité, beaucoup de pays tentent actuellement de revenir en arrière. La COP29 doit absolument réitérer les engagements pris à Dubaï et proposer des mesures concrètes pour amorcer cette sortie.

400 G$
En 2022, les revenus de l’industrie du pétrole et du gaz ont bondi à au moins 4 000 milliards de dollars, contre une moyenne de 1 500 milliards ces dernières années.

Face aux profits records enregistrés chaque année par l’industrie fossile, il apparaît de plus en plus évident de mettre à contribution le secteur pour lui faire payer sa responsabilité dans la crise actuelle. Il manque aujourd’hui cruellement une initiative mondiale pour instaurer une taxe permanente sur les profits des pollueurs. Alternativement, il pourrait exister une taxe sur la tonne de combustibles fossiles extraits (charbon, gaz ou pétrole). C’est notamment ce que propose la Climate Damages Tax, qui pourrait permettre de collecter jusqu’à 900 milliards de dollars entre 2024 et 2030.

La France, pays hôte de la COP21 où a été signé l’accord de Paris, doit se montrer plus crédible en matière de calendrier de sortie des énergies fossiles. Si Emmanuel Macron a lui-même plaidé lors de la COP28 pour l’exemplarité des pays les plus avancés, aujourd’hui de nombreux projets d’extraction fossile sur le territoire domestique viennent brouiller ce message. C’est notamment le cas des futurs forages pétroliers près du bassin d’Arcachon, de l’extension du forage pétrolier en Seine-et-Marne près de Paris4, ou encore du terminal méthanier du Havre.

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Conclusion : la COP29 à la croisée des luttes pour le vivant

Alors que les enjeux de cette vingt-neuvième conférence climatique sont cruciaux, il faut savoir qu’ils doivent être complétés par ceux de la seizième conférence sur la biodiversité, qui se tient du 21 octobre au 1er novembre à Cali (la COP16). Ces deux COP sont intimement liées car elles mettent toutes les deux à l’agenda le sujet de la finance du Nord vers le Sud, mais aussi la question de la volonté politique. La COP16 biodiversité doit rassembler les nouvelles stratégies nationales sur la biodiversité, tout comme doit le faire la COP30 climat l’an prochain. Impossible de réduire les impacts d’une des deux crises sans travailler avec la même ambition sur l’autre : l’état de nos écosystèmes et surtout leur protection sont la clé pour atténuer au mieux les catastrophes climatiques. Alors il est important qu’à la COP29, les Etats rappellent la nécessité de lutter avec justice et ambition sur ces deux volets et à réitérer le mandant qu’ils ont donné à l’ONU l’an dernier, à savoir : mieux coordonner les deux sujets et permettre une harmonisation à partir de 2025 entre les COP climat et les COP biodiversité.

En savoir plus sur les enjeux de la COP 29 climat :
En savoir plus sur les enjeux de la COP 16 Biodiversité :

[1] Copernicus: Globally second-hottest month on record, only slightly behind July 2023, https://climate.copernicus.eu/copernicus-globally-second-hottest-month-record-only-slightly-behind-july-2023

[2] Comme points de départ utiles dans la littérature pour chaque domaine thématique, vous pouvez consulter Markandya et Gonzalez-Equino (2019) sur les pertes et dommages, le Rapport sur le fossé de l’adaptation du PNUE (2023) pour l’adaptation, et la feuille de route IEA Net Zero (2023) pour l’atténuation.

[3] Pour plus de détails n’hésitez pas à consulter notre récente publication sur le sujet concernant la diplomatie féministe (septembre 2024)

[4] Voir le communiqué de presse des Amis de la Terre sur le sujet (23 octobre 2024) https://www.amisdelaterre.org/communique-presse/forages-petroliers-en-seine-et-marne-six-associations-soutiennent-le-recours-en-justice-deau-de-paris/

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