Propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat : du “sans filtre” aux cent filtres ?

Décryptage du Réseau Action Climat.

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150 citoyens ont travaillé 9 mois pour élaborer des propositions pour combler l’écart entre la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre de la France et son objectif de -40 % des émissions en 2030. Nous avons encore tous en tête l’annonce du Président de la République en janvier de soumettre ces propositions « sans filtre » soit à référendum, soit au vote du parlement, soit à application réglementaire directe. Ensuite, en juillet, il en a déjà formellement écarté trois, qu’il a définies comme des « jokers ».

Aujourd’hui on constate que l’annonce s’écroule comme un château de cartes.

Certes officiellement aucun autre nouveau joker n’a été dégainé jusqu’ici, mais il y a bien d’autres manières pour amoindrir, retarder ou affaiblir l’ambition des propositions. Sans être exhaustif, le Réseau Action Climat a identifié une treintaine des 51 mesures qui sont pour le moment loin d’être à la hauteur de la demande des citoyens et figurent néanmoins dans la liste des mesures partiellement ou complètement mises en oeuvre  sur le site de suivi du Gouvernement : https://www.ecologie.gouv.fr/suivi-convention-citoyenne-climat

  • « Le diable est dans les détails » : Afin de moderniser et de développer l’usage du train, les citoyens de la Convention Citoyenne pour le Climat demandent un plan d’investissement massif dans le transport ferroviaire de 1,1 milliard d’euros supplémentaires par an jusqu’en 2027. Les mesures adoptées par le Gouvernement dans le cadre du plan de relance ne répondent que très partiellement à cette attente. En effet, sur les 4,75 milliards d’euros annoncés, seuls 650 millions constituent de nouveaux crédits d’investissement. Les 4,1 milliards d’euros restants iront à SNCF Réseau non pas pour accélérer la modernisation du réseau, mais pour préserver les capacités d’investissement du contrat de performance et permettre de maintenir les travaux de régénération déjà programmés pour les deux prochaines années. Ce qui a été présenté comme un “plan de relance du ferroviaire” doit donc être présenté à plus juste titre comme un plan de soutien à SNCF Réseau, certes indispensable, mais insuffisant au regard des besoins d’investissements dans le train. Enfin, il faut souligner que les 650 millions d’euros de nouveaux crédits d’investissement couvrent uniquement les deux prochaines années, soit 325 millions d’euros par an pendant deux ans, bien loin des 1,1 milliard par an jusqu’en 2027 demandés par les citoyens …

  • « Le grand bluff » : Via un amendement du Gouvernement, un « malus poids » a été voté dans la cadre des débats sur le Projet de loi de finances. Sauf qu’il ne s’applique qu’aux voitures de plus de 1800 kg… alors que la Convention citoyenne a proposé un seuil de 1400 kg. Ce malus ciblera ainsi moins de 3 % des voitures et ne permettra pas de freiner les ventes de SUV qui pèsent, en moyenne, 1350 kg.

  • « Poker face » : Les citoyens demandent de « Sortir progressivement des avantages fiscaux sur le gazole, en échange de compensations fortes pour les transporteurs ». Sauf que les carottes sont renforcées sans même évoquer le bâton… Dans le Projet de loi de finances pour 2021, aucun amendement n’a repris la proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat de sortir progressivement des avantages fiscaux pour les transporteurs routiers, qui se chiffrent chaque année à 1,4 milliard d’euros. Par contre, il y a deux mesures pour accorder des financements au secteur pour soutenir l’achat de poids lourds électriques et à hydrogène, à travers la mise en place de primes à l’acquisition ou à la conversion et la prolongation d’un dispositif de suramortissement.

  • « Effet d’annonce » : Le plan de relance prévoit une ligne de financement pour adapter la restauration collective aux changements de la loi Egalim : seulement il s’agit de 50 millions d’euros sur 2 ans pour les cantines maternelles et élémentaires de 1500 communes… Très insuffisant par rapport aux besoins identifiés de 330 millions par an pour toute la restauration collective  (crèches, maternelles, primaires, collèges, lycées, universités, hôpitaux, EHPAD), et ce, pendant 3 ans. Lors de l’examen du Projet de loi de finances 2021, les amendements visant à intégrer cette demande ont tous été rejetés.

  • « Retour vers le futur » : La réduction de la TVA sur les billets de train de 10 % à 5,5 % est une des mesures de la Convention Citoyenne débattues lors du projet de loi de finances 2021. Plusieurs députés ont déposé des amendements dans ce sens qui ont été rejetés. La proposition a été adoptée mais pour le moment seulement au Sénat en première lecture et avec un avis défavorable du gouvernement. Bizarrement la proposition s’affiche dans la catégorie “déjà mises en œuvre” sur le site de suivi du Gouvernement.

Le Réseau Action Climat demande de mettre fin à ces stratégies d’affaiblissement et de retardement. Pour que le Projet de loi sur les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat puisse avoir une portée écologique à la hauteur de la commande politique initiale, il faut arrêter de jouer ce jeu d’illusionniste.

Le climat n’a pas de joker et personne ne pourra passer son tour face aux impacts des changements climatiques.

Qui plus est, il s’avère qu’il faudra aller bien au-delà d’une réduction des émissions de -40% en 2030 pour être aligné avec une trajectoire compatible avec l’accord de Paris sur le climat. Par rapport à ce qu’il faut faire, les propositions des citoyens sont donc un strict minimum. D’autres tentatives de réduire la voilure ne sont simplement plus acceptables.

Ci-dessous, nos commentaires concernant une trentaine parmi les 51 mesures que le Gouvernement considère comme partiellement ou complètement mises en œuvre.

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Les commentaires du Réseau Action Climat concernant une trentaine parmi les 51 mesures que le Gouvernement considère comme partiellement ou complètement mises en œuvre.

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