Bilan de la COP26 à mi-parcours et en demi-teinte !
Présent en tant qu’observateur à la COP 26 à Glasgow, le Réseau Action Climat dresse un bilan en demie-teinte de cette première semaine.
Glasgow, le 08 novembre – Alors que les attentes de la société civile se focalisent sur le maintien en vie de l’objectif de +1,5°C à horizon 2100 ainsi que sur la nécessité de fournir une réponse aux préoccupations des pays du Sud, les nombreuses annonces des chef.fe.s d’Etats à la COP26 laissent planer le doute quant aux actions concrètes pour amorcer un changement structurel.
Marquée par une organisation “chaotique”, cette première semaine de COP a tout de même débutée avec un agenda des négociations très chargé.
Cette première semaine était composé :
- du Sommet des Chefs d’État (lundi & mardi),
- d’une journée consacrée à la finance (mercredi),
- d’une journée consacrée à l’énergie (jeudi)
- d’une journée consacrée à la jeunesse (vendredi)
- d’une journée consacrée à la nature (samedi)
Verdict : si certaines annonces sont encourageantes, d’autres laissent dubitatif en raison de leur manque de crédibilité et du manque d’informations sur la manière de concretiser les ambitions affichées. Loin de répondre aux demandes des pays du Sud, ces annonces ont détourné l’attention politique des négociations et la seconde semaine s’annonce désormais difficile.
Une cop peu inclusive
Après une ouverture marquée par un accès aux salles de négociations quasiment impossible pour les ONG, le gouvernement britannique – sanctionné du titre de “Fossil of the day” dès l’ouverture – est revenu sur les restrictions mises en place. Cependant, la question de la représentation de la société civile des pays du Sud dans le contexte pandémique, reste elle en suspend.
La finance Climat, un enjeu clé et une réponse encore trop faible
Avec une journée dédiée à la Finance Climat, cette COP était très attendue sur l’apport financier des pays du Nord, historiquement responsables des émissions de gaz à effet de serre aux pays du Sud, les plus affectés par les conséquences du changement climatique. Au cœur de l’attention, de nouveaux engagements des pays riches pour enfin atteindre les 100 milliards de dollars promis en 2009 pour financer les actions d’atténuation et d’adaptation dans les pays du Sud (seuls 80 milliards ont été versés en 2019). Second enjeu, le financement des pertes et dommages, c’est à dire les impacts irréversibles causés par les changements climatiques. Les pays riches, à l’origine de ces impacts, refusent obstinément de dédommager les pays du Sud qui les subissent de plein fouet, et dont la survie est directement menacée.
L’Adaptation Gap Report publié la semaine passée par le Programme des Nations Unies pour l’environnement pointe l’écart entre les sommes engagées et les besoins des pays du Sud pour s’adapter au changement climatique. Les besoins sont entre cinq à dix fois supérieurs aux montants financiers actuellement fournis.
Quelques annonces effectuées en marge des négociations ont été faites mais elles concernent davantage la finance privée, alors que les besoins, notamment d’adaptation, nécessitent un financement public. De la même façon, de nombreux financements annoncés seront versés sous la forme de prêts, ce qui alourdit la dette des Pays du Sud, la société civile réclamant que ce soit sous forme de dons.
Une bonne nouvelle, qui prouve que cela est possible, l’Ecosse a annoncé une enveloppe de 1 million de livres pour financer les pertes et dommages. C’est le premier pays à le faire, c’est un signal politique fort. Il faut que d’autres pays lui emboîtent le pas !
Fossiles, Méthane, déforestation… des engagements balbutiants
Fin du financement des énergies fossiles à l’étranger
ENCOURAGEANT
20 pays (dont les États-Unis et le Canada) et 5 institutions (dont l’AFD mais pas la France) ont signé une déclaration pour stopper le financement des énergies fossiles à l’étranger d’ici à 2022. C’est la première initiative à inclure le pétrole et le gaz – c’est 15 milliards d’euros par an qui pourraient être redirigés des énergies fossiles vers les énergies renouvelables. Toutefois, il faut que d’autres pays rejoignent l’effort immédiatement pour avoir un réel impact.
En pleine action diplomatique au niveau européen pour pousser l’inclusion du gaz fossile et du nucléaire dans la taxonomie européenne, la France brille par son absence dans cette déclaration. L’aveu d’un double discours difficilement assumé par Emmanuel Macron. Un “Fossil of the Day” a été remis à la France par le Réseau Action Climat International pour cette raison.
Partenariat pour une transition énergétique juste
BONNE NOUVELLE
L’Allemagne, la France, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union Européenne ont signé un « partenariat pour une transition énergétique juste” de 8,5 milliards de dollars avec l’Afrique du Sud dans les trois à cinq ans, notamment pour la transition vers les énergies renouvelables. Si les détails de l’accord n’ont pas encore été dévoilés, il s’agit potentiellement d’un développement important pour la fin du charbon.
Pacte global sur le méthane
BOF
105 États (dont la France) se sont engagés à réduire les émissions mondiales de méthane de 30% d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2020. C’est le premier engagement politique en la matière. Toutefois, ce pacte n’engage pas chaque pays à réduire ses émissions de 30% mais concerne l’ensemble des pays engagés. De plus, on note un manque de clarté sur les actions pour les réduire (ni l’agriculture ni l’élevage, principaux émetteurs de méthane ne sont mentionnés).
Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ)
450 acteurs financiers de 45 pays représentant 130 000 milliards de dollars d’actifs se sont engagés à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 mais sans adopter aucune règle pour empêcher d’investir dans les énergies fossiles.
Powering Past Coal Alliance
Une quarantaine de pays (dont le Canada et l’Ukraine) se sont engagés à sortir du charbon d’ici à 2030/2040. Cependant, ni les États-Unis, ni l’Inde, ni l’Australie, ni la Chine, principaux consommateurs et producteurs, ne sont signataires.
Déforestation
Une centaine de pays, dont le Brésil,ont pris une Initiative de 19,2 milliards de dollars pour enrayer la déforestation d’ici à 2030. Selon Greenpeace, 2030 est un horizon trop lointain,qui laisse la porte ouverte à une nouvelle décennie de déforestation.
La nécessaire baisse des émissions de gaz à effet de serre affirmée dans les discours mais un peu moins dans les actes
6 ans après la ratification de l’Accord de Paris, l’attention se porte sur la rehausse de l’ambition des Etats, qui doit permettre de respecter l’objectif de +1,5°C. On note un consensus des dirigeants mondiaux sur la nécessité d’accélérer l’action climatique mais peu de substances pour expliquer comment cette accélération doit prendre forme.
L’Inde fait un pas de plus vers une ambition climat renforcée
En commençant par une bonne nouvelle : l’Inde, a considérablement revu à la hausse son ambition et propose des objectifs climatiques sérieux de court terme (à l’inverse de pays comme la Chine, la Russie, ou l’Australie). La date de 2070 pour la neutralité carbone, même si elle n’est pas alignée avec l’Accord de Paris, pourrait toutefois diminuer avec un soutien financier international accru pour aider l’Inde à atteindre la neutralité carbone plus tôt.
Nos attentes pour la 2eme semaine des négociations
Les négociations sur le texte final de la COP26 ont déjà commencé mais le test réel sera de savoir combien d’annonces faites en marge des négociations seront reflétées dans le texte final. Il est nécessaire que par exemple la sortie des énergies fossiles soit mentionnée par les Etats. Le texte doit aussi fournir des réponses à l’écart entre l’objectif de +1,5°C et les annonces des Etats signataires, ainsi qu’au décalage entre besoin des pays du Sud et le montant actuel de la finance climat.
Selon Aurore Mathieu, Responsable Politiques Internationales au sein du Réseau Action Climat, “Le succès de la COP sera jugé sur la capacité des pays à accélérer la réduction des émissions à court-terme et à augmenter la finance climat pour les pays en développement. Même si les progrès réalisés dans ces deux domaines sont pour l’instant difficiles à évaluer il est certain qu’ils sont encore trop faibles pour limiter le réchauffement à +1,5°C. Les négociations de la deuxième semaine seront donc cruciales et le plus gros reste à faire.”
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