Europe

Les plans climat des États-membres respectent-ils la feuille de route européenne ?

Fin juin, les 27 Etats européens auraient dû remettre leur plan climat à horizon 2030. Aujourd'hui, seulement 14 pays ont rendu leur copie et le compte n’y est pas encore. Il n’est pas trop tard pour renforcer la planification écologique dans chaque Etat membre pour atteindre les objectifs climat européens.

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La planification écologique dans les pays européens avance trop doucement

Tous les Etats membres auraient dû soumettre leur nouveau plan climat-énergie (“PNIEC” ou “NECP”) finalisé au plus tard fin juin, mais 4 mois après cette date limite, seulement 14 pays avaient soumis leur plan pour l’instant. Si l’on constate des progrès entre les versions initiales et finales des plans climat des Etats membres, le compte n’y est pas.

Malgré quelques efforts supplémentaires ici et là, les plans des Etats européens pour 2030 sont insuffisants pour placer l’Union européenne sur la bonne trajectoire et respecter ses objectifs climat-énergie 2030 et 2050.

Additionnés, les objectifs actuellement proposés par les États pour 2025-2030 ne permettent pas d’atteindre les engagements inscrits dans les lois de l’Union Européenne. Et même lorsque les objectifs apparaissent plutôt ambitieux, une analyse plus fouillée montre que les politiques et mesures prévues par les gouvernements dans leurs plans nationaux ne suffiront pas. Déjà en juin, le Conseil scientifique consultatif européen sur le changement climatique (ESABCC) appelait les Etats européens à renforcer les politiques et mesures pour accélérer la baisse des émissions. En septembre, c’est le rapport annuel de l’Union de l’Énergie qui pointait du doigt les faiblesses des plans climat-énergie nationaux pour atteindre les objectifs de l’UE. 

Le tracker du CAN-Europe fait également le point sur la mise en œuvre des plans nationaux 2020-2025. Les données 2022 dégagent plusieurs tendances préoccupantes : 

  • Dans 10 sur 17 pays étudiés, le secteur des transport n’était pas sur la bonne trajectoire d’émissions
  • Dans 10 pays, on constate également un retard sur leur trajectoire de développement des énergies renouvelables.

Un long chemin encore à parcourir vers la neutralité climatique en 2050

Dans un rapport publié en juillet 2024, l’Observatoire de la Neutralité Climatique européenne (ECNO) faisait le point sur la trajectoire de l’Union européenne vers la neutralité climatique.  

Sur plusieurs sujets, l’Europe est à contre-sens : 

  • le financement de la transition écologique est largement insuffisant pour répondre aux besoins d’investissements et dans certains pays, on constate une montée en puissance des subventions aux énergies fossiles. 
  • les puits naturels (comprendre ici les forêts européennes) sont en déclin, et absorbent de moins en moins de CO2. 

Dans plusieurs secteurs, l’Europe est particulièrement à la traîne 

  • le rapport pointe notamment de trop lents progrès vers la décarbonation industrielle de l’Europe mais reste optimiste sur les progrès qu’on peut attendre ces prochaines années grâce à la mise en place d’une taxe carbone aux frontières, la suppression de droits à polluer pour certaines industries à partir de 2026. 
  • Il pointe également des retards importants dans l’évolution des modes de transports (avec une hausse du transport routier, en contradiction totale avec les engagements climat). Le rapport souligne l’importance des lois-cadre et normes européennes adoptées ces dernières années pour accompagner la fin de vente de voitures thermiques neuves d’ici à 2035.
  • En matière de rénovation des bâtiments : si la progression est trop lente, les objectifs renforcés en matière d’efficacité énergétique et normes mises en place pour le bâti non-résidentiel devraient permettre de corriger le tir.  

En revanche l’Europe est sur la bonne voie en ce qui concerne : 

  • la décarbonation de sa production d’électricité, grâce à la production d’électricité renouvelable en hausse ;
  • la gouvernance des politiques climatiques : les lois climats nationales se multiplient ;
  • la recherche et au développement des énergies renouvelables et de la transition écologique : les budgets consacrés sont en hausse.

Des pays en infraction avec les lois européennes

Plusieurs ONG, dont l’association française Notre Affaire à Tous, ont déposé plainte pour demander à la Commission Européenne de poursuivre cinq pays – la France, l’Allemagne, l’Irlande, l’Italie et la Suède – à cause des insuffisances relevées dans leurs plans climat énergie (PNEC) et qui enfreignent ainsi les lois européennes.  

La France fait partie des Etats membres qui ont rendu leur copie à l’heure, mais qui doivent aussi la renforcer. Pour l’instant, le plan français remis à la Commission européenne ne fixe pas d’objectif clair en matière de consommation d’énergie renouvelable et son objectif de baisse d’émission reste à consolider étant donné que la capacité d’absorption des puits naturels est plus détériorée que prévu. Les politiques et mesures annoncées risquent d’être insuffisantes pour atteindre les objectifs (y compris pour faire baisser la consommation d’énergie). Le plan climat français met l’accent sur les dispositifs d’accompagnement des ménages et des travailleurs mais leur mise en œuvre dépend des budgets nationaux qui seront votés (ou non) les années qui viennent. 

En 2025 : des leviers à activer pour consolider l’ambition européenne sur le climat

C’est indispensable que les Etats et la France renforcent leurs efforts de planification en matière de transition écologique à la fois pour pouvoir accompagner au mieux ces transformations et générer des co-bénéfices pour leur population (création d’emplois, baisse des factures d’énergie, baisse des coûts pour la santé). 

C’est aussi indispensable de corriger le tir pour que l’Union européenne puisse rendre une copie crédible et exemplaire en amont de la 30ème COP climat qui se tiendra au Brésil fin 2025, 10 ans après la signature de l’Accord de Paris. D’ici là, l’Union Européenne doit négocier un nouveau jalon en 2040 sur sa trajectoire vers la neutralité climatique et l’objectif d’1,5°C, ouvrir les négociations sur un nouveau Pacte Industriel Propre et sur son budget. Ce sont là trois opportunités majeures de négocier et consolider trois piliers de l’ambition climatique européenne, et respecter les engagements pris dans l’Accord de Paris.

Pour aller plus loin, lire le briefing du CAN-Europe analysant les plans climat-énergie :
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