6e rapport du GIEC : quelles sont les conséquences réelles du changement climatique ?
Le GIEC a publié le 28 février son nouveau rapport "Impacts, adaptation et vulnérabilité", qui montre que les conséquences du changement climatique sont déjà observables et touchent tous les domaines : agriculture, biodiversité, santé... Décryptage des points-clés de cette nouvelle publication alarmante.
Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a publié le 28 février 2022 le rapport « Impacts, adaptation et vulnérabilité », qui décrit les conséquences du changement climatique sur les sociétés humaines et les écosystèmes de toutes les régions du monde, ainsi que les pistes d’adaptation et leurs limites. Il s’agit de la seconde des trois parties du sixième rapport d’évaluation du GIEC.
Le constat de ce nouveau rapport, qualifié « d’atlas de la souffrance humaine » par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, est une nouvelle fois sans appel. Les impacts du changement climatique ont des effets néfastes importants sur la nature et les populations dans toutes les régions, affectant particulièrement les plus vulnérables, et les mesures d’adaptation déjà en place sont loin d’être suffisantes.
Agriculture : pertes de récoltes et dégradation des sols
L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements météorologiques extrêmes : sécheresses, vagues de chaleur, inondations, précipitations intenses… endommagent fortement les récoltes, dégradent les terres cultivables et mettent en difficulté les élevages.
Les rendements des principales cultures telles que le maïs, le soja, le riz et le blé sont ainsi déjà impactés : selon les estimations, il y a eu une perte de 9 à 10% de la production totale de céréales entre 1981 et 2010.
Ces impacts vont empirer si les émissions de gaz à effet de serre (GES) maintiennent leur trajectoire : si c’est le cas, le GIEC estime que la production de maïs devrait chuter de 1/5 à 1/3 d’ici la fin du siècle.
De plus, la quantité de terres cultivables va diminuer, quel que soit le scénario. De grandes surfaces de sols fertiles vont se dégrader, et certaines régions ne seront plus adaptées à la production agricole, notamment car les nouvelles conditions climatiques, à la fois trop chaudes et trop humides, ne permettront ni au bétail de survivre, ni aux producteurs de travailler dans les champs.
Ces différents facteurs entraîneront une baisse de la production alimentaire et une situation de plus en plus précaire pour les agriculteurs. Les consommateurs subiront une hausse des prix, exposant davantage les populations les plus vulnérables aux risques de malnutrition et de pénurie d’eau.
L’agroécologie : une solution pour l’atténuation et l’adaptation
Le rapport indique que les pratiques agroécologiques, telles que la diversification des cultures ou l’agriculture biologique, permettent non seulement d’atténuer le changement climatique mais aussi de s’adapter à ses conséquences. Elles offrent en effet de meilleurs rendements, une plus forte résilience aux événements extrêmes (meilleure capacité de rétention d’eau des sols, résistance accrue aux maladies…), renforcent la sécurité alimentaire (régimes plus sains et variés, hausse des revenus des producteurs…) et favorisent la biodiversité des cultures, animaux et paysages.
Biodiversité : chaque degré compte
Selon le GIEC, le changement climatique a entraîné une perturbation généralisée des écosystèmes terrestres, d’eau douce et marins dans toutes les régions du monde.
La hausse des températures, les événements météorologiques extrêmes, la montée des eaux ou encore les feux de forêts ont conduit à de nombreuses pertes locales d’espèces.
Pour la première fois, des extinctions d’espèces ont été attribuées au changement climatique : c’est le cas du Bramble Cay melomis (photo ci-contre), déclaré éteint en 2016, considéré comme le premier mammifère disparu pour cette raison.
Les récifs coralliens ont déjà atteint la limite de leur adaptation et pourraient disparaître si le seuil des +1,5°C est franchi, ce pourrait avoir lieu dès 2040 selon la partie 1 du rapport. Chaque dixième de degré supplémentaire augmentera les risques.
La transformation des écosystèmes et la perte de la biodiversité auront de forts impacts sur les sociétés humaines. La disparition des habitats naturels occasionne un rapprochement des espèces sauvages et des humains, favorisant les zoonoses, c’est-à-dire les maladies transmises entre les hommes et les animaux (le paludisme par exemple). La sauvegarde des écosystèmes est par ailleurs fondamentale pour garantir leur rôle dans l’adaptation au changement climatique et son atténuation.
Il existe quelques solutions pour favoriser l’adaptation des écosystèmes aux nouvelles conditions climatiques (limiter les autres perturbations comme la déforestation, favoriser l’hétérogénéité des habitats naturels, protéger certains refuges…). Cependant, ces solutions restent limitées et le meilleur moyen de protéger nos écosystèmes reste la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Santé : des effets sur la santé physique et mentale
Les maladies liées à l’alimentation et à l’accès à l’eau ainsi que les zoonoses sont en augmentation, tout comme les maladies cardiovasculaires causées par la chaleur.
Les événements météo extrêmes affectent la santé de plusieurs manières : outre les décès directement causés, ils facilitent l’émergence de maladies, peuvent réduire la qualité de l’air, freiner les chaînes d’approvisionnement ou les réseaux de transport et ainsi augmenter l’insécurité alimentaire.
Le GIEC souligne également les conséquences du changement climatique sur la santé mentale, avec notamment une forte anxiété liée à la hausse des températures et la perte des moyens de subsistance, mais aussi des traumatismes causés par les catastrophes naturelles. La précarité générée par ces épisodes augmente par ailleurs le risque de violences.
Pauvreté et inégalités : les pays en développement beaucoup plus impactés
Le GIEC met en évidence les très grandes disparités entre les pays : la mortalité due aux inondations, à la sécheresse et aux tempêtes a été jusqu’à 15 fois plus élevée dans les pays du Sud au cours de la dernière décennie. Or ce sont ceux qui contribuent le moins aux émissions mondiales de GES.
L’une des nouveautés de ce rapport est l’intégration d’éléments beaucoup plus détaillés sur les impacts régionaux. Cela permet notamment de mettre en lumière les risques auxquels sont confrontées les régions les plus vulnérables dont le continent africain, comme le montre le tableau ci-dessous.
Un nombre de plus en plus élevé de personnes est amené à migrer, la plupart du temps au sein de leur pays : on parle alors de déplacés climatiques. Plus de 20 millions de personnes par an ont ainsi été déplacées depuis 2008 dans le monde. Rien qu’en Amérique latine, Afrique subsaharienne et Asie du Sud-Est, on pourrait compter jusqu’à 143 millions de déplacés climatiques supplémentaires d’ici 2050.
Pertes et dommages
Les « pertes et dommages » désignent les conséquences irréversibles du changement climatique qui peuvent être de nature économique (destruction d’infrastructures après le passage d’un ouragan par exemple) ou de nature non-économique (perte de vies humaines). Si le terme de « pertes et dommages » est reconnu par la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, la réponse à y apporter fait l’objet de controverses entre pays riches, historiquement responsables du changement climatique et pays du Sud, qui ne possèdent pas toujours la capacité d’y faire face. En faisant références aux pertes et dommages à plusieurs reprises, ce nouveau rapport du GIEC pourrait peser dans les négociations de la COP27, prévue en Égypte au mois de novembre 2022. Il appuie par ailleurs sur la responsabilité historique des pays du Nord en pointant pour la première fois le colonialisme comme source de vulnérabilités.
La France fait-elle sa part juste dans la réduction mondiale des gaz à effet de serre ?4 risques qui menacent la France
Hausse des températures, inondations, vagues de chaleur, pénuries d’eau… La France est loin d’être épargnée par le changement climatique, avec des conséquences déjà visibles. Par exemple, la sécheresse coûte déjà 1,2 milliard d’euros par an à la France à cause des pertes agricoles et des perturbations de la production et de la distribution d’énergie.
Le GIEC identifie quatre risques clés pour l’Europe, qui concernent directement l’hexagone :
Les vagues de chaleur : d’ici la fin du siècle, le nombre de personnes qui mourront de la chaleur atteindra 5000 par an en France (contre 1500 actuellement) si les émissions de GES suivent leur trajectoire actuelle. Les vagues de chaleur auront également des conséquences irréversibles sur les écosystèmes : avec notamment une menace forte sur la biodiversité méditerranéenne : disparition de plantes et d’espèces, destruction des prairies marines…
Les diminutions de rendement agricoles : conséquence directe du risque précédent, mais aussi, entre autres, de la sécheresse et de la variabilité des précipitations, les pertes de récoltes ont triplé en Europe au cours des 50 dernières années et continueront d’augmenter, mettant en péril les moyens de subsistances des producteurs.
Les pénuries d’eau : ce risque concerne particulièrement le sud de la France : avec un réchauffement de +2°C, plus d’un tiers de la population de cette zone pourrait manquer d’eau.
Inondations : la France est l’un des pays européens les plus menacés par les inondations côtières. Le nombre de personnes vivant dans des zones menacées est de 900 000 personnes actuellement, et pourrait passer à 1.7 million d’ici la fin du siècle si les émissions sont élevées.
Ces risques ne sont toutefois pas les seuls, et peuvent de plus générer des risques en cascade.
En Outre-mer, les impacts sont encore plus marqués et les risques plus élevés. Les événements extrêmes (vagues de chaleur, cyclones…) sont de plus en plus fréquents et intenses et la montée des eaux menace fortement les habitats. Les écosystèmes sont également en grand danger : au-dessus de +1,5°C, les coraux dépériront, avec de graves conséquences sur l’accès à l’alimentation dans ces régions.
En Europe, malgré la nécessité d’agir immédiatement, l’adaptation est très insuffisante. Les obstacles cités par le GIEC sont notamment le manque de volonté politique, le faible engagement des citoyens et du secteur privé ainsi qu’un “sentiment d’urgence faiblement ressenti”… Ce ne sont donc pas les solutions qui font défaut, mais la volonté de les mettre en place.
Le graphique ci-dessous illustre l’importance de limiter le réchauffement à +1,5°C : si ce seuil est franchi, la plupart des risques évoqués ci-dessus passeraient de “modéré” à “élevé” voire “très élevé”.
Adaptation : les efforts actuels sont très insuffisants
L’évaluation du GIEC révèle que les efforts d’adaptation actuels sont très insuffisants pour atteindre les objectifs existants, malgré les progrès accomplis depuis le rapport précédent (RE5, 2014). Les solutions actuellement mises en place sont principalement réactives et court-termistes. Pire, le rapport atteste de cas de maladaptation, c’est-à-dire de mesures d’adaptation qui aggravent les risques ou créent de nouvelles vulnérabilités. Par exemple, la construction de digues, parfois utilisées pour faire face à l’augmentation du niveau des mers, peut détruire des écosystèmes.
Le GIEC précise pourtant qu’il existe des solutions d’adaptation dans toutes les régions et tous les secteurs, qui peuvent réduire les risques liés au changement climatique pour les populations et les écosystèmes. En outre, un développement résilient au changement climatique est « possible lorsque les gouvernements, la société civile et le secteur privé font des choix de développement inclusifs qui donnent la priorité à la réduction des risques, à l’équité et à la justice ».
Pour cela, le rapport insiste sur l’urgence de la situation, et la nécessité d’opérer de véritables transformations pour s’adapter. En plus d’être efficace, une adaptation rapide serait bien moins coûteuse que les impacts engendrés par le changement climatique.
Toutefois, ces efforts ne seront pas suffisants : le rapport montre que s’adapter est possible, à condition que le réchauffement climatique soit limité à 1,5 ou 2°C. Il est donc indispensable d’agir sans délai pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. C’est l’objet de la troisième partie du rapport, à paraître le 4 avril 2022, qui évalue l’état des connaissances sur l’atténuation du changement climatique.
Nos propositions pour le climat à la Présidentielle 2022
Pour aller plus loin
- Le résumé à l’intention des décideurs (SPM)
- Le rapport complet
Le décryptage de la partie 1 du 6e rapport du GIEC :
Une intensification « sans précédent » du changement climatiqueLe décryptage de la partie 3 du 6e rapport du GIEC :
Quelles solutions face au changement climatique ?
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