Budget 2022 : des investissements massifs… Sauf pour la transition écologique

Vendredi 10 décembre, l' Assemblée nationale a voté le dernier Projet de loi de finances du quinquennat. Voici la réaction du Réseau Action Climat.

Assemblée Nationale

Vendredi 10 décembre, l’ Assemblée nationale a voté le dernier Projet de loi de finances du quinquennat, après un examen raccourci au Sénat. Le Réseau Action Climat est consterné : Alors que les propositions en faveur de la transition écologique sont rejetées au motif qu’elles seraient trop coûteuses, le gouvernement a fait voter un plan d’investissement de 34 milliards d’euros sans fléchage vers les secteurs de la transition écologique et sans consultation des parties prenantes. Un débat parlementaire muselé n’a pas permis de faire bouger les lignes. 

Mobilité durable – le PLF fait du sur place

Aider à l’achat d’un véhicule à faible émission ? Mais pourquoi faire?

La forte augmentation du prix des carburants ces derniers mois rappelle l’urgence de sortir au plus vite notre mobilité de la dépendance au pétrole. Pourtant, l’ensemble des amendements proposant de renforcer l’efficacité écologique et sociale de la prime à la conversion, en créant notamment une « super prime à la conversion » pour les ménages les plus modestes, ont été jugés irrecevables ou rejetés

De la même manière,  les amendements proposant la mise en œuvre dès 2022 d’un dispositif de prêt à taux zéro mobilités garanti par l’Etat pour l’achat d’un véhicule à faible émissions ont été rejetés... 

Enfin, un sort similaire a été réservé aux amendements proposant de renforcer l’efficacité du malus poids qui, dans sa forme actuelle, ne concerne que 2,6% des véhicules vendus (les SUV n’étant pas concernés).

Sans investissement dans le train, le budget 2022 sort des rails des objectifs climat nationaux

Totalement absent du projet d’investissement France 2030, l’investissement dans le transport ferroviaire brille aussi par son absence dans le projet de budget 2022. La stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui fixe l’objectif national de baisse des émissions de gaz à effet de serre exigerait un investissement de 3MD€ supplémentaires chaque année. Pourtant, encore une fois les amendements formulant des propositions dans ce sens ont été jugés irrecevables, ou rejetés.

Le train de nuit a aussi fait l’objet d’une forte mobilisation de la part des parlementaires avec au moins 9 amendements demandant à investir dès à présent dans l’acquisition de nouveaux matériels roulant de nuit afin de permettre de relancer plusieurs lignes de trains de nuit au-delà des deux annoncées dans le plan de relance (Paris-Nice et Paris-Lourdes). Un amendement soutenu par près de 25 députés de la majorité a été déposé en séance publique puis finalement retiré. Plus de 6 mois après la remise du rapport du Gouvernement sur les trains d’équilibre du territoire, le ministre des Transports a assuré que des discussions étaient toujours en cours concernant l’acquisition de nouveaux trains de nuit et que des solutions devraient être annoncées prochainement …

Le vélo, ça ne s’oublie pas. Sauf quand on appartient à la majorité parlementaire.

Le développement du vélo et en particulier des infrastructures cyclables a été peu discuté dans le cadre de ce projet de loi de finance. Le financement de la politique de “savoir rouler à vélo” n’est toujours pas assuré. Le cadre fiscal n’est toujours pas assez incitatif pour permettre d’accélérer et d’accompagner le changement de mobilité. Enfin, les montants alloués au fonds vélo demeurent identiques :autour de 50 millions d’euros par an. Une somme largement inférieure aux 500 millions d’euros nécessaires chaque année pour respecter l’objectif de triplement de la part modale du vélo en 2024 et assurer un développement équilibré du vélo dans tous les territoires : urbains, péri-urbains et ruraux.

Le mirage 2022 de l’avion vert se confirme

Enfin, de premières enveloppes du plan d’investissement France 2030 ont alimenté le projet de budget 2022 avec 270 millions d’euros pour la production de véhicules électriques et 150 millions d’euros pour le développement de « l’avion vert ». En poursuivant ses investissements massifs dans le développement de « l’avion vert », le Gouvernement fait le choix de parier sur des solutions technologiques controversées et insuffisantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien.

Les progrès en faveur de la transition agricole ? Pas votés ou rejetés.

Les aides à la bio se succèdent, et rien ne bouge

Le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique a été revalorisé et prolongé . Toutefois, suite à la suppression de l’aide au Maintien à l’agriculture biologique dans la PAC, ce nouveau crédit d’impôt n’est pas une aide supplémentaire mais vient simplement compenser les pertes des aides PAC. Et ce crédit d’impôt n’est prolongé que pour deux ans, soit jusqu’en 2025.

Un plan Eco-Azote sans financements adéquats

Sur les engrais azotés de synthèse, la Loi Climat prévoit un plan Eco-Azote, similaire au plan Ecophyto pour les pesticides. Il était donc cohérent que le PLF entérine des financements pour un tel plan, qui est financé à hauteur de 71 000€ pour les pesticides. Malgré un soutien transpartisan à l’Assemblée (LREM, PS, LFI, non-inscrits) les amendements ont été rejetés, portant un coup supplémentaire à l’ambition de la Loi Climat. 

Rénovation énergétique et la hausse du chèque énergie : les aides ne sont pas à la hauteur des besoins

Rénovation des logements : les besoins augmentent, le budget baisse

Concernant la rénovation énergétique des logements privés, 2 milliards d’euros ont été engagés pour financer l’aide MaPrimeRénov’ (MPR) dans le PLF 2022 (1,7 milliard d’euros du budget de l’État et 300 millions d’euros du plan de relance). Ce montant est à comparer au budget de 2,4 milliards d’euros engagé pour MPR en 2021.

Il n’est pas acceptable que le budget prévu en 2022 soit inférieur à celui de 2021, alors même que la demande des particuliers est toujours plus importante (prévision de 800 000 demandes MPR en 2021). De plus, la réorientation des aides publiques vers la rénovation performante nécessite des budgets conséquents et le nombre de rénovations performantes plafonnent à des niveaux très bas (seulement 0,1% des dossiers de rénovation subventionnés dans le cadre de MPR étaient éligibles au forfait rénovation globale en 2021 et visait donc une rénovation performante globale).

Les rénovations des bâtiments et logements les plus performantes… attendront 2023

Une augmentation de l’enveloppe de MaP et des garanties concernant sa pérennisation sur la durée d’une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) auraient été nécessaires. A nouveau, tous les amendements qui ont porté cette demande – issus de tous les bords politiques, dont certains portés par le Réseau Action Climat ont tous été rejetés ou jugés irrecevables.  De même, une réorientation massive des aides vers les rénovations performantes atteignant le niveau Bâtiment Basse Consommation reste indispensable, car cela permettrait de diviser les factures et protéger significativement et durablement les ménages des inexorables hausses des prix.

Les dispositifs pour atténuer les impacts de la hausse des prix de l’énergie ne permettent pas de protéger les ménages vulnérables

La lutte contre la précarité énergétique n’est pas fléchée vers les plus précaires

Un bouclier tarifaire sur le gaz et électricité, la hausse unique de 100€ du chèque énergie, l’indemnité classes moyennes de 100€, l’aide pour l’industrie électro-intensive – des dispositifs qui se chiffrent à environ 11 milliards d’euros.  

La lutte contre la précarité et la protection des ménages vulnérables devraient être l’objectif principal de ces propositions. Cependant malgré le montant total considérable, nous regrettons un manque de fléchage vers les ménages en situation de précarité, pour lesquels les aides allouées seront largement insuffisantes pour compenser la hausse des prix. Certes, le montant du  chèque énergie progresse et l’indemnité classe moyennes exclut les ménages plus riches des bénéficiaires, cependant ces mesures sont incapables de faire évoluer les contraintes quotidiennes des ménages qui vivent en précarité énergétique.

Le Budget 2022 ne combattra pas le fléau d’avoir froid chez soi

Concernant le chèque énergie, un budget de 958 millions d’euros a été engagé dans le PLF 2022, en hausse par rapport à 2021. Une décision bienvenue pour financer cette aide curative indispensable. Cela reste toutefois largement en deçà des besoins réels : un montant de 710 €/logement/an en moyenne serait nécessaire pour mettre fin à la précarité énergétique. Avec le budget prévu dans le PLF 2022, ce montant se situe plutôt autour de 165 € (5,8 millions de ménages concernés). Une revalorisation du chèque énergie à la hauteur des besoins a été demandée dans plusieurs amendements portés par le Réseau Action Climat, mais ils ont là encore été rejetés.

Le Réseau Action Climate regrette donc l’absence d’une réflexion sur des mesures plus structurelles pour permettre à la fois de mettre fin à des situations de précarité énergétique et d’anticiper les prochaines hausses des prix d’énergie.

Financement des collectivités – L’absence de moyens implique l’absence d’action sur le terrain

Les mesures peu ambitieuses de la loi climat ne seront pas appliquées localement, faute de moyens dédiés.

Autre victime du vote précipité du projet de loi de finance 2022 : l’appui financier à la transition climatique locale, dont tous les amendements ont été rejetés… Pourtant, si l’on veut que les mesures de transition – jusqu’ici largement insuffisantes – soient mises en œuvre à sur nos territoires, il est nécessaire de rehausser les moyens financiers humains et d’investissement des collectivités territoriales. Les collectivités territoriales sont aux avants postes de la reconstruction et de la transformation écologique, économique et sociale de la France après la pandémie : hors aujourd’hui, aucun moyen spécifique et suffisant ne leur permet de faire face à ces  défis.

Toutes les propositions portées par le Réseau Action Climat et ses partenaires ont été jugées irrecevables ou rejetées à l’Assemblée Nationale : que ce soit pour mettre en oeuvre un soutien financier supplémentaire et pérenne, mais aussi pour accompagner le déploiement de l’évaluation climat des budgets des collectivités et permettre un meilleur suivi de l’utilisation des financements publics pour la transition locale.

Recevable… irrecevable… la majorité parlementaire s’emmêle les pinceaux dans ses propres avis.

L’absence de transparence est aussi particulièrement marquante dans le cadre du vote de ce budget et ne doit pas se reproduire. En effet, le Réseau Action Climat tient à remarquer que la proposition d’amendement permettant de modifier l’affectation d’une partie des recettes de la TICPE aux collectivités a même été jugée à la fois irrecevable (à 5 reprises) et recevable, amendement qui a pourtant été déjà discuté à l’Assemblée Nationale et adopté  au Sénat lors des années précédentes au cours du passage du projet de loi de finance. En l’absence d’explication sur le motif de recevabilité ou d’irrecevabilité le travail législatif ne peut être démocratique et ambitieux.

France 2030 – Un plan d’investissement qui ne traite la transition écologique que par le prisme technologique

3,5 milliards d’euros ont été budgétés pour 2022 et 34 milliards d’autorisations d’engagement sont prévues pour les années à venir. Alors que le gouvernement n’a pas encore achevé de déployer le plan de relance, ce nouveau plan d’investissement surprend par son ampleur et son absence de concertation. A date, il n’y a toujours aucun document publié qui détaille les différentes lignes d’investissement. Par ailleurs, nous nous étonnons des secteurs et activités priorisées qui révèlent une vision techniciste aux dépens de solutions pour la transition écologique reconnues.

Les parlementaires misent l’avenir de la transition écologique sur des chimères technologiques

Publier un plan d’investissement qui cible des innovations industrielles qui seront disponibles à partir de 2030 est problématique sur plusieurs plans : 

  • Il y a toujours un manque d’investissements publics pour être en accord avec les objectifs climatique de la France, en particulier dans les énergies renouvelables, le transport ferroviaire, les pistes cyclables ou encore les rénovations globales et performantes recommandées par la Stratégie nationale bas-carbone. Pour le moment aucun plan d’investissement public a été annoncé pour prendre le relai du Plan de relance dont les financements s’arrêteront en 2022.
  • Tout miser sur un développement hypothétique de solutions technologiques de moyen voire long terme et hautement controversées comme les SMR (petits réacteurs nucléaires modulaires) et l’avion “vert” détourne l’argent public des solutions efficaces à court terme qui sont connues, maîtrisées et créatrices d’emplois.

Dépenses néfastes pour le climat et la biodiversité – le Gouvernement piétine sur place

Les parlementaires aux abois pour défendre les niches fiscales néfastes au climat et à la biodiversité

Les Réseau Action Climat et ses organisations membres ont formulé plusieurs propositions visant à réduire et mettre fin progressivement aux dépenses néfastes pour le climat et la biodiversité. Une de ces propositions visait à demander au gouvernement de présenter un plan d’action pour sortir progressivement des niches fiscales néfastes pour le climat (exonérations diverses de taxe sur les énergies fossiles) et mettre en place les accompagnements pour les acteurs concernés. 

D’autres propositions visaient à mettre fin aux garanties à l’export pour les projets néfastes pour le climat et la biodiversité. Il s’agissait notamment de concrétiser l’engagement pris à la COP 26 de cesser les garanties à l’export pour les projets pétroliers et gaziers dès fin 2022. Si ces propositions ont été assez largement reprises par plusieurs parlementaires de la majorité et de l’opposition, elles n’ont pas été adoptées. 

Nous regrettons également l’absence de mise en oeuvre de plusieurs engagements, dont : 

  • La reprise du rattrapage progressif du niveau de taxation entre le gazole et l’essence qui a été arrêté en 2018 en réaction à la crise des gilets jaunes et n’a pas repris depuis ;
  • La suppression de la subvention du gazole non routier (GNR) hors agriculture, c’est à dire par exemple pour les engins de chantier, dont la suppression était prévue en 2021, après plusieurs reports elle ne disparaîtra finalement que début 2023, soit après ce quinquennat ;
  • Le principe d’une suppression des avantages fiscaux sur le gazole pour les poids lourds voté dans la loi climat et résilience mais sans aucune précision concernant le calendrier. Seule une baisse de 2 c€/L avait été votée en 2019 ;
  • Le manque d’ambition sur la taxation du kérosène qui se résume à une éco-contribution sur les billets d’avion entre 1,5€ et 18€ mise en place en 2019 en fonction de la classe et la distance et apparaît mais très faible en comparaison à une taxe du carburant.
Plus d'actualités