Énergie

Urgence climatique et écologique : à peine actée, déjà oubliée ?

Réaction au passage en commissions à l’Assemblée nationale du Projet de Loi énergie-climat.

Copyright : Vincent Rustuel
Centrale charbon du Havre

La loi sur l’énergie et le climat devrait avoir pour principal objet de créer les moyens immédiats pour crédibiliser et renforcer l’action climatique et énergétique de la France. Alors que des millions de citoyens jugeront l’action écologique du Gouvernement à l’aune de cette loi, après son passage en commissions, le compte n’y est pas. En l’état, le projet de loi ne corrige en rien les erreurs de la précédente mandature, ni celles du Gouvernement actuel et ne permettra pas à la France de rattraper son retard, souligné par l’Affaire du Siècle et, le 18 juin dernier, par la Commission européenne. Faut-il rappeler aux députés et au Gouvernement qu’il ne suffit pas de voter l’urgence climatique et écologique, mais qu’il faut y répondre maintenant, avec des mesures concrètes et applicables dès ce quinquennat ?

Sur la rénovation des logements : le Gouvernement et la majorité ont rejeté l’interdiction progressive de mise en location des passoires thermiques, ces logements impossibles à chauffer. Ce, malgré un soutien de la société civile et de nombreux députés en faveur d’un droit pour tous à un logement à la facture d’énergie abordable. Le Gouvernement a préféré défendre des mécanismes incitatifs. Pourtant, l’expérience montre que les incitations dans ce secteur sont nécessaires mais insuffisantes, à un moment où nous avons cruellement besoin de rénover plus de logements de manière performante pour tenir nos objectifs climatiques et énergétiques. La mise sous séquestre d’une partie du montant de la vente d’une passoire énergétique pour financer des travaux de rénovation est limitée à une expérimentation pendant deux ans dans les zones tendues et à partir de 2021. Seule consolation, les députés ont voté un plafond de consommation d’énergie dans les critères de décence des logements, une avancée dont l’efficacité dépendra des modalités (plafond de consommation, entrée en vigueur…) qui seront précisées par décret.

Sur les énergies fossiles dont le charbon, le projet de loi ne garantit pas en l’état la fermeture des centrales au charbon d’ici à 2022, les amendements sécurisant cette fermeture ayant été rejetés. Il échoue aussi à faire barrage au projet non durable de reconversion de la centrale de Cordemais à un mix de biomasse et charbon. Point positif : les dispositifs d’accompagnement de l’ensemble des salariés et de la chaîne de sous-traitance impactés par les futures fermetures ont été renforcés. Ces mesures d’accompagnement ainsi que leur financement seront précisées par ordonnance. Autre bonne nouvelle, si elle est confirmée : les députés ont, malgré l’avis défavorable du Gouvernement, voté la fin des soutiens publics aux entreprises françaises pour leurs investissements dans les énergies fossiles à l’étranger (garanties à l’export). Enfin, sur les importations d’hydrocarbures non-conventionnels comme le gaz de schiste, les députés n’ont pas jugé pertinent que les consommateurs aient le droit de savoir, via leur facture, la part de gaz de schiste importé qu’ils consomment.

Sur le nucléaire, la quasi-totalité des amendements pour renforcer la sûreté et améliorer la gestion des déchets nucléaires ont été déclarés d’emblée irrecevables. C’est problématique quand, dans le même temps, le projet de loi planifie le vieillissement du parc en repoussant à 2035 l’objectif de 50 %. Il est irresponsable de refuser d’en examiner les conséquences. D’autant plus, que les anomalies se multiplient et qu’EDF pratique une politique de dissimulation et de fait accompli qui complique dangereusement la tâche de l’ASN. Par ailleurs, de façon incompréhensible, le Gouvernement s’est fermement opposé à la volonté d’une majorité de députés de traduire l’objectif de réduction de la part du nucléaire en plafonds dégressifs de capacité installée conformément à la trajectoire prévue par la PPE. Le Gouvernement ne peut se contenter de reporter l’objectif de 10 ans – bien au delà de son temps politique – sans s’assurer que l’objectif soit respecté par EDF, sans publier de calendrier de fermeture, sans prévoir dès maintenant les mesures d’accompagnement pour l’ensemble des salariés concernés. Or, le projet de loi ne comprend aucune disposition en ce sens à ce stade.

Sur les objectifs de baisse d’émissions de gaz à effet de serre, l’urgence climatique et écologique a été inscrite en début du texte… mais cette urgence n’a pas amené les députés à inscrire la division par 8 des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050, ni revoir à la hausse les objectifs à plus court-terme (2030). Pourtant, la Commission européenne venait de rappeler la France à l’ordre, en lui demandant de rehausser ses objectifs sur les énergies renouvelables et les économies d’énergie à horizon 2030… L’objectif de neutralité carbone n’a pas non plus été ramené à 2040 plutôt que 2050. Le transport international reste quant à lui hors des radars (non inclus dans la neutralité carbone prévue en France). Enfin, des objectifs de baisse de l’empreinte carbone de la France seront fixés dans la SNBC, mais seulement en 2022.

Sur l’autorité environnementale, la disposition scélérate du projet de loi affaiblissant les études d’impact de certains projets n’a pas été remise en cause par les députés, qui ne semblent pas avoir jugé cette question, pourtant bien concrète, intéressante. Non seulement ce texte manque de disposition concrètes positives, mais avec cette disposition, il aura des effets négatifs pour l’environnement, très concrets sur le terrain.

Dès la semaine prochaine, l’Assemblée nationale peut et doit corriger le tir en séance publique afin de fabriquer une loi réellement au service de l’urgence climatique et écologique.

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