Trump et l’énergie : une politique au service des industries fossiles
Plus de profits pour les fossiles, moins de droits humains : c'est le projet que dessine Trump dès son premier jour à travers 46 décrets signés. Le Réseau Action Climat revient sur les décrets relatifs à l'énergie.
Sur les 46 décrets présidentiels signés par Trump le 20 janvier, les attaques sur les immigrés, les personnes transgenres ou encore les fonctionnaires sont très nombreuses, et constituent les premiers jalons d’une politique populiste, réactionnaire et orientée vers les intérêts de quelques milliardaires.
Parmi ces décrets, 4 concernent l’énergie, à travers lesquels Trump dessine les contours de sa politique de « domination énergétique ». Le volet énergétique de son projet se matérialise en un soutien total aux énergies fossiles, ignorant ici aussi les droits des minorités et le climat.
Depuis les années 2000 et le début de la mobilisation des réserves de gaz et pétrole de schiste, via la technique particulièrement nocive de la fracturation hydraulique, la production fossile états-unienne a bondi. Aujourd’hui, les États-Unis sont les premiers producteurs mondiaux de pétrole (20%) et de gaz (25%).
Cette production joue un place particulièrement importante en Europe, les États-Unis représentant 50% des importations européennes de GNL, soir 19,4% des importations totales de gaz.
L’exploitation des hydrocarbures en Amérique n’est pas une spécificité trumpienne. Elle s’est développée autant sous présidence démocrate que républicaine.
Pourtant, ces quatre décrets tracent les contours d’une politique résolument favorable aux énergies fossiles, quitte à rejeter en bloc le consensus scientifique, mettre en péril le multilatéralisme, et agir contre les intérêts de moyen et long terme des Américains.
“Déclarer une Urgence Énergétique Nationale”
Le premier de ces quatre décrets déclare que les “capacités d’identification, concession, développement, production, transport, raffinage et génération des États-Unis” sont insuffisantes pour approvisionner l’économie américaine, et pour “soutenir les standards de la vie moderne et de la disponibilité opérationnelle militaire”, de même que la capacité des États-Unis à “s’isoler d’acteurs hostiles”.
Il fustige l’envolée des prix de l’énergie, et l’attribue à une production fossile trop faible. Notons que l’éolien et le solaire sont exclus de la définition des ressources énergétiques dont la mobilisation est urgente dans le décret, contrairement à l’hydraulique, aux fossiles et l’uranium, ou à la biomasse.
Ce décret invente – abusivement – une pénurie d’énergie, relevant d’une urgence absolue, et justifiant de tordre autant que possible les régulations en place.
Il impose à tous les ministères concernés de près ou de loin d’accélérer autant que possible le déploiement des infrastructures fossiles, de la prospection à la génération, sur tout le territoire. Cela implique par exemple de mettre au pas l’agence de protection de l’environnement, de mobiliser les ingénieurs de l’armée, ou encore de brûler les étapes des concertations publiques.
“Déchainer le Potentiel Extraordinaire de Ressources de l’Alaska”
Un second décret vise un des endroits encore peu exploités aux États-Unis, du moins trop peu au goût de Trump et de ses soutiens : l’Alaska. Le texte souligne le potentiel de ressources fossiles, minérales, forestières et halieutiques (poisson et fruits de mer) de l’État, et affirme la volonté de “débloquer ce butin de richesses naturelles”.
Pour ce faire, le décret entreprend de lever toutes les restrictions sur l’exploitation de l’Alaska, décrivant la protection de son environnement comme un “assaut sur [sa] souveraineté et sa capacité de développer responsablement ces ressources pour le bénéfice de la Nation”.
Les droits conquis par les communautés autochtones sont, selon leur statut légal, tantôt purement et simplement révoqués, tantôt désignés explicitement comme des obstacles à abattre pour toutes les administrations états-uniennes. Toutes les protections sur les communautés et les milieux naturels de l’Alaska sont explicitement visées.
En résumé : l’Alaska pourra être criblé de bulldozers, tronçonneuses, puits de pétrole, mines et carrières, ports de pêche, pipelines, raffineries, plateformes pétrolières et giga-tankers, afin d’enrichir les compagnies pétro-gazières des États-Unis.
“Déchainer l’Energie Américaine”
Le troisième décret présidentiel affirme que ce qui a empêché d’exploiter les ressources énergétiques américaines à leur plein potentiel, ce sont des considérations idéologiques (et certainement pas les faits scientifiques).
L’exploitation tous azimuts des ressources énergétiques américaines y est actée, et justifiée par la volonté de “reconstruire la sécurité économique et militaire [des États-Unis], qui va conduire à la paix via la force”.
Une des politiques établie dans ce décret est la fin du soutien aux véhicules électriques ou des freins à la multiplication des véhicules thermiques, par quelque moyen que ce soit.
Les voitures thermiques, de même que les chauffe-eaux, gazinières, équipements sanitaires à haute consommation, ou encore les ampoules à incandescence sont décrits comme des biens pour lesquels la “liberté de choisir” doit être préservée. En pratique, ça veut dire mettre un terme aux politiques fédérales de sobriété en énergie, ou d’économie d’eau, déjà peu nombreuses aux États-Unis. Tout celà dans un pays dont la consommation énergétique par personne est quasiment la plus élevée du monde.
Toutes les politiques mises en place par des administrations fédérales visant à limiter la production et l’utilisation d’énergie, en particulier fossiles, devront être examinées et éliminées au plus vite. C’est autant d’efforts pour l’environnement mais aussi en faveur de la santé publique qui seront ainsi anéantis. Ce qui n’a pas pu être éliminé par décret présidentiel sera listé et visé plus tard.
“Retrait Temporaire des Concessions d’Éolien Offshore dans les Zones Économiques Exclusives et Revue des Pratiques de Concession du Gouvernement Fédéral pour les Projets Éoliens”
Dernier texte qui nous intéresse ici : un mémorandum qui s’attaque très directement aux futurs projets d’éolien en mer. Cette industrie, produisant de l’électricité en masse et à très faible coût, est en mesure de faire concurrence à l’électricité fossile, que Trump a choisi de soutenir.
A rebours des trois décrets précédents, ce décret ne mentionne plus l’ambition de produire autant d’énergie que possible, et invoque l’objectif de protéger la vie marine. Les objectifs environnementaux, s’ils peuvent être utiles à la protection des énergies fossiles, ne sont tout d’un coup plus décrits comme des dérives idéologiques.
Ce texte offre une parfaite conclusion à l’analyse du projet trumpien vis-à-vis des ressources énergétiques : privilégier à tout prix les intérêts de court terme des industries fossiles.
Pour ce faire, il s’agit de dégager tous les obstacles pouvant se dresser sur le chemin des profits pétro-gaziers : régulations environnementales, protection des milieux naturels et des conditions de vie des riverains, droits des communautés indigènes, concurrence avec les moyens de production renouvelable.
Ce choix se fait contre le peuple étasunien, tout en prétendant le faire en sa faveur. Les conséquences sur la santé et le cadre de vie des Américain·es seront désastreuses. Les ménages ne seront pas accompagnés pour réduire leurs factures d’énergie. Les industries qui tireront des profits de court terme du maintien dans une économie fossile se feront à terme dépasser par les pays ayant adopté des technologies plus efficaces, plus économes et plus modernes. Les emplois des énergies renouvelables seront sacrifiés sur l’autel de la rentabilité des actifs fossiles. Les terminaux d’export de GNL seront de moins en moins utilisés au fur et à mesure que les autres États mondiaux réduiront leurs besoins en gaz, etc.
Mais pour les principaux intéressés – les actionnaires des industries pétro-gazières et de celles qui en dépendent – la voie est libre. Même si la politique de l’administration Trump n’est pas visionnaire, elle leur permet tout. Ce choix n’est sans doute pas étranger au soutien financier qu’ils ont apporté à la campagne de Trump, ainsi qu’à la présence de Doug Burgum, un très proche des industries fossiles et Chris Wright, magnat du pétrole et gaz de schiste, dans l’administration Trump.
Pour défendre les intérêts des industries fossiles, Trump se montre prêt à piétiner les droits humains, à mener une politique agressive, à soumettre les États historiquement alliés comme ennemis, et à menacer les conditions d’existence des américains, emportant avec eux l’humanité toute entière dans une crise climatique sans précédent.
Trump a d’ores et déjà prouvé qu’il tient l’Europe par le gaz, et qu’il n’hésitera pas à utiliser notre dépendance pour imposer sa volonté. Mais s’il conçoit les énergies fossiles comme sa force, elles sont aussi sa faiblesse. Si l’Europe veut rester au front de l’action climatique, et être autre chose qu’un pion pour Trump et sa “domination énergétique”, il est plus urgent que jamais de sortir de notre dépendance aux fossiles, en accélérant sur les économies d’énergie et les renouvelables.
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