Transport aérien : Comment passer d’un système de pollueur payé au principe de pollueur payeur ?
Contre-nature, inéquitable et anachronique, la niche fiscale dont jouit le kérosène utilisé dans le transport aérien n’a plus lieu d’être en France à l’aube de la COP21. Le cabinet CE Delft a simulé la suppression progressive de l‘exonération de TICPE pour le kérosène utilisé par le transport aérien entre 2015 et 2018 (vols intérieurs).
À l’occasion du Salon du Bourget, le Réseau Action Climat publie une nouvelle étude sur les exonérations fiscales dont bénéficie le secteur et propose une réforme de ces aides pour diminuer l’impact climatique du transport aérien.
Subventions à la pollution tous azimuts
L’étude de CE Delft révèle les montants pharamineux des subventions bénéficiant au transport aérien français. Au niveau domestique, l’exonération de TICPE sur le kérosène représente près de 600 millions d’euros par an auxquels s’ajoutent 600 millions d’euros environ gagnés grâce au taux réduit de TVA sur les billets d’avion domestiques. Ces aides coûtent au total au moins 1,2 milliards d’euros par an à l’État sur le seul trafic intérieur et bénéficie davantage aux personnes issues de classes aisées qui voyagent plus fréquemment en avion.
C’est sans compter les aides publiques qui ont été directement versées entre 2000 et 2013 aux compagnies aériennes et aux aéroports, au profit du développement du low-cost principalement, pour un montant dépassant 10 milliards d’euros sur la période.
Étude d’impact de la suppression de l’exonération de TICPE sur le carburant
La première année, les auteurs ont introduit une taxation du kérosène équivalente à 8 € l’hectolitre de carburant, et lui ajoute une taxe carbone de 1,91 € l’hectolitre (correspondant à la taxe carbone existant en France mais non appliquée au kérosène ). Il en résulterait une augmentation du prix des billets d’avion en France de 4% en 2015, soit moins de 5 euros par billet en moyenne . Un tel dispositif conduirait à une baisse du trafic aérien de 5% sur la partie intérieure, et de 4% sur le trafic vers les départements d’outre mer . Ce dispositif aurait un double avantage :
- Une diminution de 4% des émissions de CO2 par rapport au scénario de référence dès 2015
- Un gain pour le budget de l’État français estimé à 125 millions d’euros dès cette année
À terme, dans le cas où l’exonération de taxe serait complètement supprimée d’ici à 2018, le taux de taxe sur le kérosène serait de 37, 84€/hl. La baisse des émissions atteindrait 20% et les recettes pour l’Etat, près de 500 millions d’euros sur l’année. Ces nouvelles ressources pourraient ensuite être reversées au développement de moyens de transports moins polluants.
La diminution du nombre de passagers aurait toutefois pour conséquence une perte d’emplois dans le secteur aérien, à hauteur de 2 700 emplois dans le cas de la taxation du kérosène à hauteur de 30,2 € par hectolitre, couplée à la taxe carbone. Cependant, ces impacts seraient en partie compensés par la création d’emplois dans le secteur ferroviaire, grâce au report modal de l’avion vers le rail : +700 emplois dans le scénario de la fin de l’exonération de TICPE sur le kérosène.
A cela s’ajoute les emplois créés grâce à l’utilisation des recettes de la taxe. CE Delft a calculé qu’un recyclage de ces recettes sous forme de baisse des cotisations sociales (dont bénéficie actuellement le transport aérien sous forme de CICE par exemple, et ce sans contribuer à son financement) aurait un impact positif global sur l’emploi (avec la création de plusieurs milliers d’emplois à la clé).
Recommandations du Réseau Action Climat
Le maintien des avantages fiscaux accordés par l’État français au secteur aérien semble aujourd’hui inconcevable dans un contexte de crise climatique, de crise budgétaire et de crise sociale. Ce, alors que le Parlement s’apprête à adopter le projet de loi de transition énergétique. En limitant les émissions de gaz à effet de serre de son secteur aérien, la France ferait preuve d’exemplarité à la veille de la COP21.
Dés lors, le gouvernement peut saisir l’opportunité de la baisse des prix du pétrole pour enclencher dans le prochain projet de loi de finance la suppression de l’exonération de TICPE – et par là de la contribution carbone – du transport aérien au niveau domestique.
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