La transition juste, anticipation ou procrastination ?
En cette fin d’année, la transition juste est au cœur des débats, à la COP24 et en France...
En cette fin d’année, la transition juste est au cœur des débats, en France avec l’émergence du mouvement des gilets jaunes (suite à la volonté du gouvernement d’instaurer une augmentation de la taxation du carburant), comme à la COP24 où la Pologne a invité les chefs d’État à adopter une déclaration ministérielle pour la solidarité et la transition juste.[1] L’occasion de revenir sur ce concept, ses implications et les tentatives d’instrumentalisation qui l’entoure.
[1] https://www.parlament.gv.at/PAKT/EU/XXVI/EU/04/42/EU_44223/imfname_10859196.pdf
Le vrai choix n’est pas l’emploi ou le climat
A la fin des années 1990, ce sont les syndicats qui ont inventé l’expression « transition juste », pour mettre le doigt sur la nécessité de protéger les emplois et les moyens de subsistance des travailleurs et populations locales, vulnérables face aux conséquences négatives involontaires des politiques climatiques.
S’assurer que la transition écologique est juste, c’est donc encourager la création d’emplois de qualité, mais aussi accompagner les transformations de nombreuses filières et sites industriels, pour offrir des alternatives souhaitables aux salariés qui voient leurs activités menacées.
S’assurer que la transition écologique est juste, c’est aussi mettre en place des mesures d’accompagnement pour atténuer les impacts que peuvent avoir les politiques climatiques sur les ménages les plus précaires. C’est précisément ce qu’a échoué à faire le gouvernement français tout en continuant par ailleurs à exonérer des secteurs pourtant très émetteurs de gaz à effet de serre, renforçant ainsi le sentiment d’injustice fiscale, déjà présent dans la société.
La transition juste ne doit pas être une excuse pour freiner l’action climatique
Attention cependant à ne pas tomber dans le piège de reculer sur l’ambition climatique, sous prétexte de protéger le pouvoir d’achat et l’emploi. C’est ce qu’on peut observer avec l’attitude du gouvernement polonais, qui instrumentalise le concept, pour protéger le secteur du charbon et bloquer la transition énergétique. Pourtant, le charbon polonais coute en réalité cher à extraire, les mines ne sont pas rentables et ferment. Le pays importe de plus en plus de charbon de Russie et le secteur lutte pour réaliser des bénéfices, tout en maintenant les prix de l’énergie pour les ménages dans des limites politiquement acceptables.
C’est aussi ce qu’on peut aussi observer avec le gouvernement français, qui recule sur la taxation du carburant en réponse aux gilets jaunes. Cette mesure n’était pas suivie de mesures d’accompagnement et de mesures structurantes, pour faire face à la hausse des prix de l’énergie et sortir de la dépendance aux énergies fossiles. Elle a ainsi contribué à mener à cette situation. Mais on ne peut pas tout simplement mettre de côté la taxation du carbone. C’est un élément central de la fiscalité écologique nécessaire pour accélérer les changements et financer la transition. Elle doit cependant n’exonérer aucun secteur, surtout des secteurs qui aujourd’hui, contribuent de manière importante au dérèglement du climat comme l’aérien et le transport routier de marchandises et comporter des mesures d’accompagnement pour les ménages les plus précaires.
Le Secrétaire général de l’ONU l’a répété après la publication du dernier rapport du GIEC : il ne nous reste plus que deux ans pour changer de cap et baisser radicalement nos émissions de gaz à effet de serre. Chaque jour d’inaction réduit notre marche de manœuvre et notre capacité d’adaptation pour se réorganiser. Chaque jour d’inaction condamne de nouvelles personnes, qui sont déjà et seront victimes des impacts du dérèglement du climat.
Le changement radical de nos modes de production et de consommation est inévitable. La question est : jusqu’à quand attendra-t-on pour l’enclencher ? Plus on attend, plus les chocs seront difficiles à absorber par les sociétés et moins on sera en capacité d’accompagner socialement les populations vulnérables. Pour construire des propositions répondant à la fois au court et au moyen terme, la transition juste exige de l’anticipation, et non de la procrastination.
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