Suite aux élections européennes 2024 : quelles perspectives pour le climat ?
Les élections européennes ont marqué le renforcement des partis d’extrême-droite et de la droite européenne au Parlement. Alors qu’ils se sont opposés à l’ambition environnementale de l’Europe, la nouvelle mandature pourrait conduire à freiner ou reculer sur la transition écologique. Les prochains mois sont un moment clé pour le climat.
Espoir pour le climat : la coalition “traditionnelle” résiste malgré la percée des extrêmes droites
Lors des élections européennes du 6 au 9 juin 2024, les citoyens européens ont voté massivement en faveur des partis d’extrême droite. Dans un Parlement qui compte désormais 720 sièges, les Réformistes et Conservateurs et les Patriotes pour l’Europe (anciennement Identité et démocratie) ont obtenu respectivement 78 et 84 sièges. Les extrêmes droites se sont maintenues et/ou renforcées en particulier en France (Rassemblement national), en Italie (Fratelli d’Italia) et en Allemagne (Afd). A titre d’exemple, le Rassemblement National comptait pour la moitié des sièges de son groupe européen Identité et Démocratie au lendemain des élections.
La percée de ces partis est une mauvaise nouvelle pour le climat. La très grande majorité de leurs députés ont voté systématiquement contre toute avancée écologique lors de la précédente mandature. Ces partis proposent également de revenir sur les avancées climatiques déjà adoptées. Le Rassemblement National a par exemple proposé dans son programme d’abolir le Pacte vert, la feuille de route de l’Union européenne pour atteindre la neutralité climatique d’ici 2050.
Cependant, la coalition “traditionnelle” de l’hémicycle européen, qui regroupe le Parti populaire européen (la droite dans lesquels siègent LR), l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (Place Publique, PS) et les Libéraux (Renaissance) a obtenu un nombre de sièges suffisant pour se maintenir sans chercher de voix du côté de l’extrême-droite.
Malgré la perte d’une vingtaine de sièges pour les Verts, en particulier en Allemagne et en France, on peut garder l’espoir que la lutte contre le réchauffement climatique reste sur la table des priorités des eurodéputés pendant les 5 prochaines années. En effet, le climat fait notamment partie des priorités des socialistes, deuxième groupe au Parlement européen dont dépendra forcément l’obtention de majorités.
La nature, le climat, la pollution : des enjeux qui polarisent ?
Lors des mois qui ont précédé les élections européennes, plusieurs partis et gouvernements, de l’extrême droite aux libéraux, se sont positionnés à rebours des avancées sur la nature, la santé, la pollution, le climat. Cela fut le cas par exemple pour le règlement européen visant à éliminer progressivement les pesticides d’ici 2030 (retiré par la Commission européenne après rejet du Parlement), des conditionnalités environnementales de la politique agricole commune (assouplies après les révoltes des agriculteurs), ou encore du règlement européen visant à restaurer la nature (adopté in extremis au Parlement européen et au Conseil).
Les partis de droite et d’extrême droite ont en parallèle fait campagne contre les “normes environnementales” et le climat. Ils ont inscrit dans leur programme le projet de supprimer certaines avancées du Pacte vert voire de son entièreté. Ont été ciblées en particulier deux textes : la Stratégie de la ferme à la table qui vise à verdir l’agriculture et l’alimentation et le règlement imposant la fin de vente des voitures thermiques neuves d’ici 2035, cap indispensable pour orienter la feuille de route industrielle du secteur automobile et rapidement réduire les émissions d’un des secteurs d’activité les plus émetteurs… En effet,les émissions de CO₂ du secteur des transports ont continué de croître ces trente dernières années en Europe : en 2021, elles représentaient 23 % des émissions totales de gaz à effet de serre de l’UE, dont plus de la moitié provenant des voitures particulières.
Cette situation contraste avec 2019, où la transition écologique n’apparaissait pas comme un sujet aussi polarisant. En 2019, la société civile et les citoyens avaient par ailleurs fait entendre leur voix de manière répétée dans la rue pour que l’Union européenne agisse davantage pour le climat, à la différence de 2024.
Les eurodéputés ont un rôle clé à jouer pour faire du climat une priorité de l’Europe
Les élections européennes impactent le renouvellement de l’ensemble des institutions européennes. L’élection de la présidente de la Commission européenne est notamment en jeu. Ursula von der Leyen, issue du PPE, devra obtenir le 18 juillet prochain, les votes d’une majorité d’eurodéputés. C’est une occasion pour les eurodéputés de demander des engagements sur le climat en échange de leur vote de soutien.
Le jour de son élection, Ursula Von der Leyen va également présenter ses “Orientations politiques” censées donner le ton du programme de la future Commission européenne. En 2019, elle avait centré son programme autour du Pacte vert européen et de la neutralité climatique d’ici 2050. Cette fois-ci, le climat pourrait être moins central dans le programme de la Commission européenne, qui pourrait considérer le Green Deal comme un “done Deal”. Les priorités déjà publiées des 27 chefs d’Etats et de gouvernement européens le 28 juin dernier mentionnent le climat, ainsi que la protection et la restauration de la nature et le financement de ces enjeux, mais sans en faire une priorité spécifique à l’instar de 2019. Ces enjeux sont raccrochés à l’objectif de renforcer la compétitivité européenne.
Enfin, les Commissaires (les “ministres” de la Commission européenne) seront auditionnés par le Parlement européen à l’automne. Cette échéance est importante puisque les eurodéputés ont le pouvoir de poser des questions pour pousser les Commissaires à se positionner sur des enjeux essentiels, comme par exemple la potentielle suppression de la fin de vente des véhicules thermiques en 2035.
Parallèlement, plusieurs dossiers législatifs en lien direct avec la transition écologique doivent être discutés ces prochains mois. La décision à venir d’ici juillet 2025 du Conseil de l’UE sur les nouvelles “ressources propres” ainsi que les négociations du budget pluriannuel européen (CFP) pour la période 2028-2034 seront déterminantes pour débloquer (ou non) de nouveaux montants pouvant financer la transition écologique, comme par exemple la création d’un impôt sur la fortune climatique ou social. La future Politique Agricole Commune, l’objectif européen de réduction de gaz à effet de serre pour 2040, la révision du règlement sur la gouvernance de l’Union de l’énergie font également partie des discussions à suivre ces prochains mois. La présidence du Conseil de l’Union européenne, détenue par la Hongrie (présidée par le climatosceptique Viktor Orban) jusqu’à la fin décembre, risque de freiner décisions ambitieuses sur le climat.
L’urgence : protéger les acquis du Pacte Vert et le consolider
Alors que la nouvelle mandature européenne se met en place après les résultats des élections de juin 2024, le risque de retour en arrière sur l’ambition climatique européenne est réel. Le PPE, maintenu première force du Parlement européen, a fait campagne et continue par exemple de se positionner contre le cap donné de la fin de vente des véhicules thermiques neufs d’ici 2035, palier essentiel pour engager la transformation du secteur automobile. Il reviendra aux gouvernements et aux députés de protéger les acquis du Green Deal pendant ces cinq prochaines années, et de continuer à le compléter sur les aspects qu’il n’a pas traités : investissements, agriculture, sobriété pour n’en citer que trois. Cette décennie doit être celle de la mise en œuvre et du maintien de l’ambition de l’Union européenne pour que la marche à franchir en 2040 sur le climat reste atteignable.
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