Fiscalité [+2]

Subventions aux énergies fossiles – où sont passés les 11 milliards d’euros ?

La France affirme, dans son Plan climat énergie national envoyé par les Etats membres de l'UE, qu'il "n’existe pas de subventions aux énergies fossiles en France." Mais le Réseau Action Climat chiffre le montant que la France offre aux énergies fossiles à au moins 11 milliards d’euros en 2019.

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Une des priorités incontestables de la transition écologique est la nécessité de supprimer au plus vite la totalité des subventions en faveur des énergies fossiles. Si on ne supprime pas ces niches fiscales, les objectifs climatiques (limiter le réchauffement à 1,5°C, atteindre la neutralité carbone, etc.) seront purement et simplement inatteignables.

Aujourd’hui, en France, il existe encore :

– un nombre important d’exonérations et de taux réduits sur les taxes énergétiques

– des garanties à l’export qui financent des projets d’énergies fossiles

– des investissements d’EDF qui sont des investissement de l’état,  une majorité du capital social étant détenu par celui-ci.

Pourtant, la France affirmait, dans son Plan climat énergie national1 envoyé par les Etats membres de l’UE : « Il n’existe pas de subventions aux énergies fossiles en France. »

C’est faux !

La France offre au moins 11 milliards d’euros aux énergies fossiles en 2019.

Scandaleux ⚠️En 2019, la France offre 11 milliards d’euros de subventions pour les énergies fossiles.➡️ https://reseauactionclimat.org/stop-subventions-fossiles-2019/

Publiée par Réseau Action Climat sur Lundi 6 mai 2019

La déclaration du gouvernement français se base sur une définition très restreinte, qui intègre uniquement les subventions à la productions d’énergies fossiles, qui ont effectivement été supprimées.

Du point de vue climatique, il est plus pertinent de prendre un angle d’analyse plus large, pour couvrir au mieux les différentes formes que les financements des énergies fossiles peuvent prendre. En se basant sur la définition de l’OMC2, les subventions sont effectivement nombreuses.

Analyse des plans climat énergie nationaux

Overseas Development Institute (ODI), Les Amis de la Terre – Pays bas et le Réseau Action Climat Europe ont analysé les Plans climat énergie nationaux envoyés par les Etats membres de l’UE par rapport aux informations sur des subventions aux énergies fossiles et les plans de suppressions. La France fait partie d’un groupe de 6 pays affichant ne pas financer des énergies fossiles.

Analyse

En comparaison, les moyens financiers mobilisés par l’Etat au bénéfice des énergies renouvelables ne représentaient que 5,3 Md€ en 20163.

Le tableau ci-dessous donne le détail des subventions aux énergies fossiles que nous avons identifiées. Certaines niches fiscales, comme la différence de taxation entre l’essence et le diesel, ne sont à l’heure actuelle pas répertoriées. Le montant officiel de l’exonération fiscale du kérosène est calculé à partir du taux minimum légal de l’UE. Si le taux de référence choisi était le niveau de taxe de l’essence, le montant de la niche fiscale de TICPE s’élève à 6,2 milliards au lieu de 3,6 milliards en 2019.

Aujourd’hui on parle d’au moins 11 milliards d’euros de subventions aux énergies fossiles. Mais si on additionne les financements identifiés on n’est pas loin des 19 milliards d’euros qui favorisent la consommation d’énergies fossiles.

Quelle est la cohérence avec les objectifs climatiques ?

Nous présentons ci-dessous une liste non exhaustive de subventions aux énergies fossiles en 2019 (en millions d’euros). Entre 11,2 et 18,5 milliards d’euros en fonction du périmètre choisi :

tableau-sub-fossiles-rac-09-2019-3

Sources du tableau

Le gouvernement doit mettre en place dès le PLF de cette année un calendrier de suppression des subventions aux énergies fossiles

Si la France veut être fidèle à ses engagements climatiques (signataire de l’accord de Paris ; stratégie nationale bas carbone ; objectif de neutralité carbone ;  annonce du G7 pour 2025), elle doit supprimer progressivement dès cette année ses subventions aux énergies fossiles.

Nous attendons que le projet de loi de finances de cette année, qui sera publié fin septembre, pose des nouveaux jalons pour davantage d’ambition et de cohérence concernant la politique climatique de la France.

Aujourd’hui, on peut fortement questionner l’ambition du gouvernement.  On évalue :

  • d’un côté un manque d’investissement annuel entre 55 et 80 milliards d’euros4 dans les solutions de la transition écologique,
  • de l’autre côté, 18,5 milliards d’euros financent les énergies fossiles polluantes…

Cette année, nous attendons (pour la première fois au moment du PLF) un rapport5 qui fera la liste des financements nocifs pour le climat en plus des financements favorables au climat. Nous attendons des réponses du gouvernement pour résoudre ces contradictions.

Cette année, le gouvernement propose de diminuer les avantages de taxation pour 3 secteurs :

  • une disparition progressive du taux réduit pour le gazole non routier (à l’exception du secteur agricole) : en 2019, cette niche représente au total environ 2 milliards d’euros et environ 1,1 milliards d’euros sans la part agricole.
  • une écotaxe modeste sur les billets d’avions de 1,5 à 18€ en fonction de la classe et de la destination représentant entre 150 et 200 millions d’euros par an. L’absence de taxation du kérosène représente une niche fiscale entre 3,6 et 6,2 milliards d’euros en France, en fonction du niveau de taxation.
  • une baisse du remboursement des taxes sur le diesel des transports routiers de 17 à 15 centimes d’euros par litre ; malgré cette (faible) réduction, cette annonce a déjà provoqué des protestations. Cette niche représente en 2019 environ 1,5 milliards d’euros.

Le fait que le gouvernement ouvre la porte pour diminuer (légèrement) les subventions à la pollution et pour supprimer des subventions aux énergies fossiles est une bonne nouvelle. Mais cela ne doit pas être une mesure exceptionnelle, mais plutôt un changement de cap pérenne et structurel.

Ce changement de cap doit être construit en concertation avec les secteurs d’activités concernés. Il y a un besoin évident pour les acteurs économiques de connaître le calendrier les évolutions sur plusieurs années. Certains secteurs, particulièrement exposés à la compétitivité, doivent en effet être accompagnés pour atténuer les effets sur la transformation des emplois.

La conciliation des politiques climatiques avec les transformations des secteurs et des reconversions professionnelles et territoriales ne se fera pas d’une manière automatique. Pour le climat et pour les salariés des secteurs concernés, il est important que le gouvernement agisse de manière responsable pour la transition écologique et la justice sociale.

visuel_subventions_fossilesbis

Notes de bas de page

  1. Plan climat énergie national français
  2. Définition subventions de l’OMC
  3. Cour des Comptes (2018) « Le soutien aux énergies renouvelables »
  4. I4CE (2018) “Panorama des financements climat”
  5. Article 1er octies du projet de loi relatif à l’énergie et au climat, du 19 juillet 2019
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