COP [+1]

Retour sur les intersessions de Bonn sur fond de montée de l’extrême droite en Europe et en France

Du 3 au 13 juin, les délégations du monde entier se sont réunies à Bonn pour faire avancer la mise en œuvre des décisions des dernières COP. Les négociations n'ont pas produit de progrès substantiels. Il s’agit d’un véritable échec. Nous attendons une nouvelle impulsion et davantage d'ambition pour que la COP29 soit un succès.

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À Bonn, les échanges auraient dû favoriser la création de liens entre les pays développés et en développement autour d’une vision commune pour le nouvel objectif financier collectif. Cependant, le silence des pays développés sur les montants nécessaires pour un avenir plus juste a été frappant. Par ailleurs, et de manière préoccupante, aucune salle de discussion n’a permis d’aborder la mise en œuvre concrète de la sortie des énergies fossiles, malgré l’accord pris à la COP28. Contrairement à l’année dernière, l’ordre du jour a été adopté dès le premier jour des négociations après deux suspensions de la plénière. La première suspension a eu lieu en raison d’une manifestation pro-palestinienne, tandis que la deuxième a été déclenchée par la Fédération de Russie, menaçant de bloquer l’adoption de l’ordre du jour tant que quatre délégués sans visa n’avaient pas reçu leur visa. Après l’assurance des autorités allemandes concernant la délivrance des visas, la Fédération de Russie a levé son objection. Par la suite, les pays les moins développés (PMA) ont signalé que plusieurs délégués étaient encore absents en raison de problèmes de visa.

Finalement, les négociations ont été marquées par les élections européennes et la dissolution de l’Assemblée Nationale en France, ajoutant une menace supplémentaire à la crise climatique et sociale : la montée de l’extrême droite. Bien que le Parlement européen ait changé et que notre Assemblée nationale puisse elle aussi être considérablement transformée, les défis socio-climatiques demeurent constants. Les analyses des programmes gouvernementaux de défendus par l’extrême droite lors des différentes élections (élections présidentielles en 2017 et en 2022, élections européennes en 2024) effectuées par le Réseau Action Climat montrent, et ce de manière constante, qu’ils ne sont pas compatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris.

Les États relèveront-ils le défi d’une décision ambitieuse pour l’égalité de genre à la COP29?

La première semaine de négociations a permis aux États de lancer l’évaluation finale du programme de travail de Lima et de son plan d’action genre., grâce à une série d’ateliers interactifs répartis sur 3 jours, s’appuyant entre autre sur le rapport de synthèse des contributions des parties et groupes observateurs, dont celle de la Constituante femme et genre. Malgré des échanges plutôt ouverts pendant ces 3 jours, les États n’ont pas réussi par la suite à s’accorder sur un texte complet qui pourrait assurer le renouvellement et l’amélioration du programme de travail de Lima et de son plan d’action genre. 

Au lieu de cela, nous avons assisté dans les salles de discussion à des tensions fortes et des tentatives par certains États de remettre en question des éléments de langage déjà adoptés il y a plus de 10 ans, un recul inacceptable. La Constituante femmes et genre (“Women and Gender Constituency), l’un des neuf groupes de parties prenantes de la CCNUCC, a réagi en publiant le 10 juin un message d’urgence à l’attention des gouvernements. Finalement, grâce à la forte mobilisation de la société civile et de nombreux pays pour faire progresser cet agenda crucial pour la justice climatique, les parties ont quitté Bonn avec un document de 6 pages qui servira de base aux négociations de la COP29, mais sur lequel beaucoup reste à faire pour parvenir à une décision ambitieuse. Il faut également veiller à ce que le programme de travail de Lima sur le genre soit lié à la décision concernant le nouvel objectif collectif de financement. La qualité de ce financement doit intégrer les priorités et les besoins des communautés et des groupes de population les plus affectés par la crise climatique.

La COP de la finance et de la confiance : il faudra faire plus pour les pays du Sud pour être à la hauteur de l’urgence

La COP29 en novembre 2024 devrait adopter une décision sur un nouvel objectif post-2025 pour le financement climatique, connu sous le nom de Nouvel Objectif Collectif Quantifié (NCQG en anglais: New Collective Quantified Goal). Il s’agit de renforcer l’objectif existant de 100 milliards de dollars par an, en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement. 

Les États sont arrivés à Bonn avec un document de 63 pages et les réunions dans le cadre du programme de travail ad-hoc sur le NCQG ont cherché à simplifier ce texte, sans nécessairement le bonifier en terme de substance, réduisant d’environ de moitié la longueur du document, principalement en éliminant les redondances et les répétitions, rien de très révolutionnaire. Les longues heures de négociation à Bonn n’ont pas du tout permis de renforcer le texte : les positions des parties restent les mêmes et n’ont pas changé durant les négociations., alors que les besoins se comptent en trillions de dollars. Les divergences significatives entre les pays du Nord et du Sud sur des questions clés telles que : 

  • Fixer un objectif ambitieux qui réponde aux besoins des pays en développement en matière de financement de la lutte contre le changement climatique. Cet objectif doit être en phase avec les besoins qui se comptent en trillions de dollars.  et qui sera en trillions
  • Choix d’un cadre temporel approprié
  • Prendre en compte les trois piliers de l’action climatique : adaptation, atténuation et pertes et dommages
  • Concevoir le “NCQG” pour soutenir un financement climatique de qualité, c’est-dire àc’est à- dire privilégier la place des dons plutôt que la place des prêts pour distribuer ce montant. Actuellement, la finance climat reste distribuée majoritairement sous forme de prêt, ce qui accentue la dette des pays en développement et les empêchent de mettre en place leur transition écologique et de se protéger face aux impacts..

Tout au long des négociations, une opposition Nord-Sud claire était présente. Les pays en développement, en particulier l’AOSIS (les petits États insulaires (rassemblés dans la coalition AOSIS)), le groupe des s Pays les Moins Avancés (PMA) et le groupe des pays africains (AGN) (le groupe de négociation ralliant les pays africains), ont poussé pour des engagements financiers substantiels et chiffrés. Les pays développés, cependant, étaient réticents à s’engager sur ce terrain des négociations.

Quelles sont les prochaines étapes ? Les co-présidents qui encadrent les négociations prépareront un rapport sommaire de Bonn, ainsi qu’une nouvelle version du texte pour la troisième réunion du programme de travail prévue en octobre. Ils inviteront également les parties à soumettre de nouvelles propositions. Il reste à voir si la présidence azerbaïdjanaise de la COP29 nommera un duo de ministres pour faciliter un dialogue plus approfondi et commencer à faire avancer les discussions politiques sur les questions clés bloquées en matière de finance à l’échelle nationale et par le biais d’échanges bilatéraux et multilatéraux.

Une note d’espoir du côté des négociations agriculture

Après un an et demi de blocages, un programme de travail avec 2 ateliers a enfin été acté. Il y aura donc des discussions en Juin 2025 pour la prochaine session de Bonn., puis une « considération » des ateliers pendant les prochaines COP. Un compromis a pu être trouvé sur la mise en place d’un groupe de coordination (demandé par les pays en développement), et deux ateliers se tiendront en 2025 et 2026 pour parler des approches et besoins en matière d’action climatique dans l’agriculture et la sécurité alimentaire. En 2025 le premier atelier aura pour sujet les « Approches systémiques et holistiques de la mise en œuvre de l’action climatique sur l’agriculture, les systèmes alimentaires et la sécurité alimentaire ». L’année suivante l’atelier sera l’occasion de discuter les « Progrès, défis et opportunités liés à l’identification des besoins et à l’accès aux moyens de mise en œuvre de l’action climatique dans l’agriculture et la sécurité alimentaire, y compris le partage des meilleures pratiques ». 

Il reste encore beaucoup à faire pour que les discussions sur l’agriculture et la sécurité alimentaire au sein de la CCNUCC soient orientées vers les vraies solutions, telles que l’agroécologie, ou l’accès aux financements publics pour les petits producteurs, en particulier les femmes. L’action climatique ne contribuera à la réalisation du droit à l’alimentation pour tou.te.s que si les voix des personnes les plus touchées sont entendues et si les intérêts privés (notamment des grandes entreprises agro-industrielles) sont tenus à l’écart de l’espace de la CCNUCC.

Une suite bien timide pour le Bilan Mondial

Le premier Bilan Mondial (“Global Stocktake” en anglais, GST) dans le cadre de de l’Accord de Paris s’est conclu lors de la  COP28 à Dubaï, avec notamment un appel aux parties à « Opérer une transition juste, ordonnée et équitable vers une sortie des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques, en accélérant l’action pendant cette décennie critique, afin d’atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici à 2050, conformément aux données scientifiques. » La décision adoptée à la COP28 donne le coup d’envoi pour la troisième génération de plans climat nationaux (les “contributions déterminées au niveau national” (CDN), attendues d’ici début 2025, bien avant la COP 30 à Belém, au Brésil. Les plans climat vont devoir être revues sur de nombreux secteurs, notamment sur l’adaptation, le respect des droits humains et des peuples autochtones, sur la finance climat mais aussi sur le secteur de l’énergie. Par exemple, les CDN  actuelles mentionnent souvent, implicitement ou explicitement, une continuation ou une augmentation de la production de combustibles fossiles. Elles sont pourtant essentielles pour orienter les plans et actions des gouvernements vers la décarbonisation et la diversification économique, et ils envoient des signaux aux marchés concernant l’utilisation et la production futures des combustibles fossiles. Il est donc essentiel que dans leurs nouveaux plans climat, les Etats abordent non seulement l’utilisation des combustibles fossiles, mais aussi leur production, afin de préciser comment en sortir d’ici 2050. Atteindre les objectifs de l’Accord de Paris tout en évitant une transition trop abrupte hors des combustibles fossiles nécessite que les gouvernements planifient une élimination progressive et contrôlée de leur production et consommation

Afin de faire un suivi de ce Bilan Mondial, les Parties ont créé un dialogue qui devrait se tenir tous les ans lors des COP, le Dialogue des Emirats Arabes Unis sur la mise en œuvre des résultats du GST. Bonn était une étape décisive sur ce dialogue, car les États devaient se mettre d’accord sur ces modalités afin d’en avoir un dès la COP29 à Bakou: Or, les Parties étaient significativement divisées sur son champ d’application et.  Les pays développés ont appelé à ce qu’il opère un suivi de tous les secteurs couverts par le Bilan Mondial (atténuation, adaptation, finance climat, pertes et dommages, entre autre) ; la Chine, les pays africains ou encore le Groupe de négociations arabe ont argumenté qu’il devrait se concentrer uniquement sur les aspects financiers ; et AILAC (le groupe rassemblant la plupart des pays d’Amérique latine), les PMA et AOSIS ont cherché à trouver un équilibre entre ces points de vue, articulant une vision du Dialogue couvrant tous les résultats du GST mais avec un accent particulier sur les moyens de mise en œuvre. Les Parties ont fait peu de progrès pour faire converger leurs positions contrastées n’ont pas réussi à trouver un terrain d’accord. Ils ont convenu de reprendre les négociations à Bakou sur la base d’une note informelle contenant cinq options concurrentes. 

C’est un échec qui aura des conséquences, car cela signifie qu’il n’y aura pas de dialogue à la COP29, et donc pas de moment politique fort pour opérer un suivi des résultats du Bilan Mondial. Il faut alors espérer que les présidences des COP (émiratie et azerbaïdjanaise) créent un moment de pression pour s’assurer que les États prévoient leur prochaine CDN avec l’ambition nécessaire.

Le Programme de Transition Juste, une série en 12 épisodes

Le Just Transition Work Programme (JTWP) a été clôturé à la dernière minute après que les négociations menées par les co-facilitateurs aient échoué tard dans la nuit de mercredi, et les présidents des intersessions ont repris sans succès supplémentaire. Un accord en coulisses a été conclu à la mi-journée le jeudi après qu’une proposition présentée par le G77+Chine ait recueilli un consensus au sein des blocs de pays, qui a ensuite été adopté en séance plénière. Les co-présidents ont proposé une synthèse informelle de ce 1er dialogue pour éclairer les discussions à la COP29.  Les Parties ont convenu de modalités qui ont accru l’élan et approfondi le programme de travail. Cela inclut une plus grande clarté sur le processus de sélection des sujets pour les prochains dialogues du JTWP, un format de dialogue plus inclusif, ainsi que des résumés en temps opportun des dialogues en plus des rapports annuels déjà convenus. Les Parties ont convenu de faire avancer un texte de négociation par le biais d’une note informelle des co-présidents capturant les résultats du premier dialogue JTWP et des négociations de Bonn pour éclairer les discussions à la COP29. 

Des questions litigieuses demeurent ouvertes dans cette note informelle, notamment les mesures commerciales unilatérales, les moyens de mise en œuvre pour une transition juste, et un « espace réservé sur le plan de travail du programme de travail », proposé par le G77+Chine et opposé par les pays développés. Des discussions plus approfondies s’imposent d’ici la COP29 afin d’obtenir des décisions significatives et transformationnelles à la COP30 au Brésil.  En vue de la COP29, les Parties devraient élaborer davantage les modalités du programme pour favoriser des discussions plus approfondies et préparer le JTWP à réussir en tant qu’étape essentielle vers un résultat transformationnel de la COP30 sur la Transition Juste.

Pertes et Dommages : un fonds toujours vide

Suite à la création historique du Fonds Pertes et Dommages, des premiers engagements financiers annoncés à la COP28, les négociations sont en cours sur les modalités de gouvernance du fonds, et son mode de fonctionnement. De nombreuses questions ont été soulevées lors du 3ème Dialogue de Glasgow qui s’est tenu à Bonn. Par exemple, comment accélérer les décaissements pour permettre aux pays vulnérables de répondre rapidement aux impacts climatiques subis ? Comment articuler les politiques existantes et lutter contre la fragmentation des efforts et des financements ? 

Le troisième Dialogue de Glasgow a souligné le besoin urgent de cohérence et de complémentarité entre les systèmes internationaux et nationaux pour faire face aux risques et dangers climatiques, en mettant l’accent sur l’impact disproportionné sur les populations vulnérables. Les participants ont reconnu les progrès réalisés dans l’établissement de mécanismes de soutien pour les pertes et dommages, tels que le Comité exécutif du Mécanisme international de Varsovie (WIM ExCom), le Réseau de Santiago et le Fonds, en soulignant leurs rôles cruciaux dans le développement des politiques, le renforcement des capacités et la coordination financière. Cependant, les discussions ont mis en lumière plusieurs points : les lacunes significatives persistantes, notamment au niveau subnational, en raison de contraintes financières et d’approches fragmentées ; l’opérationnalisation du Fonds, avec des processus rationalisés et un décaissement rapide, essentielle pour permettre aux pays vulnérables de répondre efficacement aux impacts climatiques ; et l’importance d’une assistance technique du Réseau de Santiago et du WIM ExCom pour renforcer les capacités nationales, améliorer la collecte de données et faciliter l’accès aux ressources financières.

Les discussions ont également souligné l’importance d’intégrer un leadership local, une réponse sensible au genre et des approches fondées sur les droits humains dans les cadres de gouvernance pour assurer une réponse inclusive et efficace aux pertes et dommages. Il s’agit du troisième et dernier dialogue. Le premier dialogue a facilité la création du fonds, le deuxième a facilité son opérationnalisation, et le troisième dialogue devrait promouvoir le décaissement rapide du fonds en informant son conseil d’administration.

Conclusion

Les regards se tournent maintenant vers le G20 à , l’Assemblée générale des Nations Unis et le sommet pour l’avenir d’Antonio Guterres en septembre, et le G20 au Brésil en novembre, des moments clésd’importants moments pour préparer les décisions construire une décision de COP29 qui sortent les pays du Nord de l’inertie et soutiennent véritablement les pays du Sud.qui soit à la hauteur de l’urgence climatique que nous traversons. Par ailleurs, la COP29 se déroulera du 11 au 22 novembre en Azerbaïjan. Le pays a été accusé de réprimer les médias et l’activisme de la société civile. Human Rights Watch a relevé au moins 25 cas d’arrestation ou de condamnation de journalistes et de militant.e.s au cours de l’année écoulée, dont la quasi-totalité est toujours en détention. De nombreux militant.e.s et groupes de la société civile ont fait part de leurs inquiétudes quant à l’étouffement de la défense du climat dans un contexte de répression des médias. 

Quelles attentes pour la COP29

  • Un nouvel objectif de financement du climat pour l’après-2025 qui garantit que les pays en développement recevront les fonds nécessaires pour mettre en place de nouveaux modèles de développement sans combustibles fossiles, résilients au changement climatique et favorables à la biodiversité, dans le respect de la limite de 1,5°C.
  • Injecter l’élan politique dans la prochaine génération de plans nationaux de transition climatique et de résilience, la COP29 marquant le début du délai officiel pour que les pays soumettent de nouvelles CND (9 à 12 mois avant la COP30).
  • Guider les pays sur la manière de suivre et d’appliquer les résultats du premier Bilan Mondial (GST) et d’autres décisions de la COP28 concernant l’adaptation, les pertes et dommages, l’atténuation, le financement et la transition juste, afin de garantir que les processus de la CCNUCC aident à orienter les pays vers la réalisation de la vision du GST.
  • Délivrer un nouveau Plan d’Action Genre, qui n’a pas avancé correctement depuis des années alors qu’il n’est plus à prouver que les femmes sont essentielles tant dans la prévention que dans la réparation face aux conséquences du changement climatique.
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