Pollution de l’air et réchauffement s’aggravent mutuellement

90% de la population mondiale respire un air pollué qui, chaque année, entraîne le décès prématuré de plus de 7 millions de personnes, dont 48 000 en France. Nous sommes exposés à l’ozone et aux particules fines à l’extérieur et à l’intérieur des habitations, en ville comme à la campagne. Et le réchauffement aggrave le problème…

Pollution de l'air à Paris
Pollution de l'air à Paris

Trois questions à Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche et responsable de l’équipe « Épidémiologie des maladies allergiques et respiratoires » à l’Inserm, Sorbonne Université, Paris

Qu’est-ce qui pollue notre air ?

Dès que l’on constate une modification de la composition standard de l’air, on parle de pollution atmosphérique. En ville, sa première cause est la circulation motorisée, le chauffage venant en second. Ils émettent notamment des particules fines. On retrouve également ces sources polluantes en zone rurale, où dominent cependant les pesticides et les engrais. Les particules solides se mélangent à des gouttelettes fines pour former des aérosols en suspension dans l’atmosphère. Elles sont de taille et composition variables et contiennent par exemple des métaux lourds, du diesel, des nitrates, des pollens, des moisissures…

Et, en fonction de leur taille, elles peuvent pénétrer plus ou moins profondément dans nos voies aériennes, parfois jusque dans le sang, dans le cas des particules fines de diamètre inférieur à 2,5 microns (PM2,5), ce qui les rend très dangereuses [1] [2].

L’industrie, les transports, l’agriculture, le bâtiment… les sources de pollution de l’air sont très variées. Il faut surtout être attentif à la durée d’exposition aux polluants : dans le métro par exemple, il y a énormément de particules fines. Mais pour l’usager qui ne passe en moyenne que 6 minutes par jour sur un quai de station, ce n’est pas alarmant. Par contre, pour ceux qui y travaillent toute la journée, c’est plus problématique.

Quel lien peut-on faire entre le réchauffement climatique et la pollution de l’air ?

La pollution aggrave le réchauffement [3] et vice versa [4] ! Par exemple, le réchauffement va augmenter la désertification, ce qui va amplifier la présence de particules de sable dans l’air. Il va provoquer des incendies sauvages et augmenter la pollution atmosphérique. On constate aussi plus d’inondations et d’humidité, en raison de l’augmentation d’événements climatiques extrêmes, ce qui peut faire augmenter les moisissures dans l’air. Le réchauffement climatique accroît l’exode rural et l’urbanisation, et donc la pollution ! De plus, sous l’effet de la chaleur, certains gaz comme les composants organiques volatils et les oxydes d’azote (NO et NO2) se transforment en ozone (O3), un gaz irritant très puissant qui déclenche certaines maladies respiratoires et cardio-vasculaires.

Sans compter que l’O3 est un puissant gaz à effet de serre. Et si le thermomètre monte, sa quantité augmente [5] [6] …

Enfin, le réchauffement climatique provoque une précocité et un allongement de la saison des pollens. Et la pollution atmosphérique rend ceux-ci plus agressifs et nous-mêmes plus sensibles aux allergènes. C’est l’effet boule de neige sur tous les tableaux.

Quelles sont les solutions ?

La priorité est bien évidemment de réduire les émissions de polluants et de gaz à effet de serre. A Tokyo, le diesel est interdit depuis 2001, la concentration de particules fines PM2,5 a diminué de 55% entre 2001 et 2011 et les gens vont mieux ! Aujourd’hui, les ventes de voitures diesel représentent moins de 1% du marché au Japon. Il faut encourager le développement de technologies alternatives, repenser la ville et nos déplacements, changer notre agriculture… Il n’y a pas une solution mais un ensemble de solutions mises en œuvre par plusieurs acteurs (gouvernements, autorités locales, industriels et citadins).

Et pour se protéger efficacement, il faut avoir une notion précise de notre exposition aux polluants et, pour cela, des moyens de mesure. Par exemple, à Paris, il y a 22 stations de monitorage de la qualité de l’air, dont seulement trois mesurent les particules fines : un nombre totalement insuffisant pour avoir une lecture précise de l’exposition aux différents endroits. Aucune station ne mesure en routine les particules ultrafines (PM0.1, de diamètre inférieur à 0,1 micron), qui sont pourtant à surveiller de façon réglementaire comme l’a indiqué récemment l’ANSES [7].

Avec des mesures plus précises, on peut lancer les alertes adéquates et mieux étudier les sources de pollution.

Notes

[1] OMS, Qualité de l’air ambiant et santé, 2 mai 2018

http://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/ambient-(outdoor)-air-quality-and-health

http://www.who.int/fr/news-room/detail/02-05-2018-9-out-of-10-people-worldwide-breathe-polluted-air-but-more-countries-are-taking-action

[2] Santé publique France, Impacts sanitaires de la pollution de l’air en France : nouvelles données et perspectives, 21 06 2016

http://www.santepubliquefrance.fr/Accueil-Presse/Tous-les-communiques/Impacts-sanitaires-de-la-pollution-de-l-air-en-France-nouvelles-donnees-et-perspectives

[3] Myhre G. et al., Multi-model simulations of aerosol and ozone radiative forcing due to anthropogenic emission changes during the period 1990–2015, Atmos. Chem. Phys., 17, 2709–2720, 2017

https://www.atmos-chem-phys.net/17/2709/2017/

[4] Ozone et particules : agir pour le climat et la santé, Réseau Action Climat, 23-12-2017

https://reseauactionclimat.org/ozone-particules-agir-climat-et-sante/

[5] Likhvar V. et al., Estimation des impacts sanitaires futurs de la pollution de l’air dans le monde, en Europe et Île-de-France : le projet A-C HIA, La Météorologie n° 93, mai 2016

https://www.researchgate.net/publication/301741921_

[6] Silva R.A. et al., Future global mortality from changes in air pollution attributable to climate change, Nature Climate Change, Vol 7, september 2017, DOI : 10.1038/NCLIMATE3354

https://www.nature.com/articles/nclimate3354

[7] Jean-Marc Lo-Guidice, Polluants atmosphériques nanoparticulaire, Anses, Les Cahiers de la Recherche N° 7 ‐ Santé, Environnement, Travail – juin 2016, page 23

https://www.anses.fr/fr/system/files/CDLR-mg-SantePollutionAir7.pdf

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