Quels liens entre la dette des pays du Sud et la lutte contre le changement climatique ?
Crises de la dette et crises climatiques forment un cercle vicieux qui piège les pays les plus vulnérables aux changements climatiques et creuse les inégalités. Le Réseau Action Climat appelle à modifier le fonctionnement du système financier international pour y mettre un terme.
Les pays à revenu faible et intermédiaire sont frappés depuis quelques années par une triple crise : la crise économique générée par la pandémie de COVID-19, la crise de surendettement et celle du changement climatique, dont ils sont en première ligne. Pour sortir de ce cercle vicieux, il est primordial de changer le fonctionnement du système financier international.
Les changements climatiques affectent l’endettement des Etats et vice-versa
Les crises de la dette et celle du changement climatique sont interconnectées et devraient être traitées de façon globale. D’un côté les impacts du changement climatique vont aggraver les situations d’endettement des pays en les forçant à emprunter davantage d’argent pour pouvoir y faire face, comme par exemple pour s’adapter à la montée des eaux. Or, un pays qui est plus exposé à des risques climatiques va payer des taux d’intérêt plus élevés lorsqu’il emprunte.
A titre d’exemple, la dette de Grenade a augmenté de 80% à 93% de son PIB après que le pays ait été touché par l’ouragan Ivan en 2004.
De l’autre côté, une dette importante empêche les pays d’investir de manière massive dans des actions d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, puisqu’une partie importante de leurs ressources est consacrée au paiement de leur dette. Par ailleurs, un haut niveau d’endettement peut pousser certains pays à exploiter et vendre leurs ressources naturelles (forêt, pétrole) pour avoir rapidement accès à des liquidités qui leur permettront de payer leur dette, tout en ayant des conséquences néfastes sur le climat et la biodiversité.
Les crises de la dette et du changement climatique constituent donc à bien des égards un cercle vicieux : comme les pays vulnérables au changement climatique ont des taux d’emprunt plus importants, ils déboursent donc plus d’argent pour rembourser leurs dettes, argent qui n’est donc pas utilisé pour investir dans des actions d’adaptation ou d’atténuation au changement climatique, ce qui les rend d’autant plus vulnérables au changement climatique et ce qui in fine augmente encore plus leur taux d’emprunt.
La dette écologique des pays du Nord
Cette situation est d’autant plus injuste que les pays les plus vulnérables au changement climatique sont aussi ceux qui en sont le moins responsables. En effet, ce sont majoritairement les pays développés, dont la France fait partie, qui ont contribué à l’émission de gaz à effet de serre notamment lors de leur industrialisation. En ce sens, ils ont une « dette climatique » envers les pays du Sud, c’est-à-dire une dette morale pour les aider à faire face au problème qu’ils ont contribué à créer.
Cette idée de dette climatique est importante pour comprendre le principe de la finance climat : quand les pays du Nord donnent de l’argent aux pays du Sud pour les aider à atténuer leurs émissions ou à s’adapter aux impacts climatiques, il ne s’agit pas d’aide au développement ou de charité, mais bien du paiement d’une dette climatique existante.
Quelles solutions pour sortir du cercle vicieux de la dette ?
La lutte contre le changement climatique nécessite de réformer la manière dont le système international financier fonctionne. En l’état, il favorise les créanciers (ceux qui prêtent), dont les intérêts passent avant les droits humains et la sauvegarde de la planète. Les pays riches doivent donc activement œuvrer pour une restructuration du système de la dette, qui passe notamment par une annulation des dettes insoutenables et par une réforme en profondeur du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale.
Reconnaitre la dette climatique des pays riches, maintenant !
La 76ème session de l’Assemblée Générale de l’ONU en 2021 a été marquée par l’appel de plusieurs pays à réformer l’architecture financière internationale. L’Argentine a notamment évoqué la nécessité de lier la restructuration de la dette aux objectifs climatiques et la Bolivie a demandé la reconnaissance d’une dette climatique des économies les plus riches.
Les pays du Nord doivent également reconnaître leur dette climatique en donnant les 100 milliards de dollars par an qu’ils ont promis aux pays du Sud le plus vite possible, et s’assurer qu’ils soient de qualité, c’est-à-dire qu’ils soient versés sous forme de dons, et non de prêts. Plus de deux tiers de la finance climat a été allouée sous forme de prêts depuis 2013 et a donc contribué à aggraver l’endettement des pays du Sud.
Enfin, il est primordial que les pays du Nord acceptent enfin de fournir un financement additionnel pour les pertes et dommages, les conséquences irréversibles du changement climatique. Si l’Allemagne a pu répondre aux inondations qu’elle a subi durant l’été 2021 en mobilisant 30 milliards d’euros de son propre budget, des pays plus vulnérables ne sont pas capables de répondre avec leurs propres ressources aux impacts climatiques. A titre d’exemple, les Philippines sont démunis face aux glissements de terrain et aux inondations causés par la tempête Megi, qui ont détruit des villages, déplacé des milliers de personnes et fait plus de 100 morts en avril 2022.
Permettre aux pays d’avoir accès à des ressources financières pour renforcer les droits économiques, sociaux et culturels dans des circonstances particulières dont ils ne sont pas responsables, telles que la crise climatique qui menace aujourd’hui tous leurs acquis, doit être une priorité pour lutter contre le changement climatique.
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