Industrie

Quelle transition écologique pour l’acier en France ?

L’acier est présent partout dans notre quotidien, des constructions architecturales aux téléphones portables, en passant par nos voitures. Réduire son impact sur le changement climatique : une mission impossible ? Pas tant que ça.

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Si la filière sidérurgique française a longtemps été à la pointe, elle est en déclin depuis quelques décennies et a connu de nombreuses délocalisations et restructurations.

Les hauts fourneaux de Dunkerque, vestige d’un patrimoine industriel déclinant mais également fortement émetteur en CO2 sont aujourd’hui vieillissants et les installations doivent être renouvelées. 

Ce renouvellement, historique pour des installations d’une durée de vie allant de 40 à 70 ans, sera décisif dans l’atteinte des objectifs de neutralité carbone, soit une réduction de -81% pour la filière d’ici 2050.

La filière acier en France

La filière sidérurgique française emploie un peu plus de 30 000 salariés, représente un chiffre d’affaires de 15 milliards € pour une production en 2019 de 14,5 millions de tonnes.

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70% des entreprises de la filière réalisent plus de la moitié de leur chiffre d’affaires à l’export. Cette situation rend les entreprises du secteur fortement dépendantes aux flux commerciaux.

Les principaux secteurs de consommation d’acier sont :

43%
pour la construction
26%
pour le transport
16%
pour la mécanique

En vingt ans, la France est passée du neuvième au quinzième rang mondial en matière de production d’acier. Historiquement, les aciéries ont été construites proches des mines de fer et de charbon françaises pour faciliter la production (Lorraine, Massif central) puis les hauts fourneaux ont été placés sur les ports (Dunkerque, Fos-sur-Mer) du fait de la pénurie de ressources. La forte concentration des sites au niveau national s’est également faite pour des raisons économiques.

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Les 2 sites d’ArcelorMittal à Dunkerque et Fos-sur-Mer représentent les ⅔ de la production d’acier française

Les émissions de gaz à effet de serre de la filière de l’acier

Les émissions de la filière sidérurgique se sont élevées à 26 Mt de CO2eq en 2015, ce qui représente près de 5% des émissions françaises.

On évalue l’impact carbone d’une tonne d’acier produite en filière classique à 1,8 t CO2eq ,0,5 t CO2eq si elle est produite en aciérie électrique.

La partie la plus émettrice dans le processus de production de l’acier classique est l’ajout du charbon dans le haut fourneau pour faire fondre le minerai de fer.

Des solutions pour une production d’acier plus verte et durable ?

Comme pour les autres filières de l’industrie lourde, les publications et feuilles de route pour la décarbonation de l’industrie sidérurgique se sont faites nombreuses ces derniers mois. 

La feuille de route du Conseil National de l’Industrie s’est engagée à mettre en œuvre les transformations nécessaires à la réduction des émissions du secteur ; les entreprises se sont également saisies de la question et ont bénéficié des aides à la décarbonation dans le cadre de France Relance.

L’annonce la plus importante a été celle faite par ArcelorMittal et le gouvernement de la fermeture de trois des cinq hauts fourneaux fonctionnant au charbon et encore présents sur le territoire national sur les sites de Dunkerque et Fos-sur-Mer, sur laquelle le Réseau Action Climat s’est exprimé.

Les recommandations du Réseau Action Climat

La priorisation des leviers d’action est nécessaire à la mise en œuvre d’un plan de décarbonation soutenable. La concentration des efforts sur le seul levier de transformation des procédés de production reste insuffisante pour atteindre nos objectifs.

Développer l’économie circulaire dans la production d’acier, pour une industrie moins intensive en ressources

Nombreuses sont les études qui mettent en avant le rôle décisif de l’économie circulaire, du réemploi et du recyclage des matériaux pour assurer la décarbonation de l’acier, comme celle publiée par Sandbag en juillet dernier.

L’extraction de matière nécessaire à la production d’acier, très gourmandes en énergie et destructrices sur le plan social et environnemental, doit être limitée et la révision de la réglementation européenne représente à ce titre une réelle opportunité à travers notamment :

  • La fixation d’exigences environnementales en matière de taux de recyclabilité et d’empreinte carbone des produits sidérurgiques;
  • L’établissement de critères de circularité dans les permis environnementaux des installations sidérurgiques

Sobritété, recyclage et efficacité

Au niveau français comme européen, de nombreuses annonces ont été faites pour substituer le charbon par de l’hydrogène vert dans le procédé de production de l’acier. Ces annonces, bien que réjouissantes sur la capacité technique de l’industrie à se décarboner à terme, ne suffisent pas pour limiter assez vite la trajectoire d’émissions. Elle peuvent créer une tension sur la production d’électricité et d’hydrogène renouvelable pour substituer les quantités de charbon consommées actuellement dans la production d’acier.
L’action climatique demande donc en priorité de limiter la consommation d’acier via l’efficacité de son usage et par la sobriété des consommations; en second une forte augmentation de la part recyclée des matières premières; puis seulement ensuite la substitution de la partie restante nécessaire des haut-fourneaux par les nouveaux procédés à l’hydrogène. C’est une feuille de route similaire que propose le rapport 6 du GIEC (chapitre 11 du volet 3).

Le conditionnement des aides publiques

De nombreuses aides publiques subventionnent la décarbonation du secteur, notamment à travers le plan de relance post-Covid et France 2030. Celles-ci ne devraient être accordées que sous réserve d’objectifs clairs de transformation écologique du secteur, conformément à un nouveau contrat social comprenant des éléments de justice sociale et climatique.

En bref

  • L’industrie sidérurgique, autrefois fleuron de l’industrie française, a connu de nombreuses délocalisations et restructurations et est aujourd’hui vieillissante
  • ArcelorMittal concentre, avec ces 2 sites de Fos-sur-Mer et Dunkerque, près de 3,5% du total des émissions françaises et environ 60% de la production nationale
  • Des solutions existent pour décarboner cette industrie. Elles doivent être mises en place rapidement, mais il ne faut pas se concentrer uniquement sur la transformation des procédés de production industriels

Le Réseau Action Climat appelle à développer 3 leviers principaux :

  • L’économie des matériaux par la sobriété des utilisations et un usage réduit par l’efficacité à la conception
  • Une augmentation forte du recyclage des aciers et un effort d’efficacité des installations industrielles
  • Le remplacement du charbon par l’hydrogène dans la production restante d’acier primaire

Cette progression s’appuiera sur le conditionnement des aides publiques à des critères environnementaux et l’établissement d’un juste prix du carbone.

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