Quatre points à retenir du Sommet Ambition Climat 2020
Le 12 novembre 2020, 5 ans jour pour jour après l’adoption de l’Accord de Paris à la COP21, le Royaume-Uni, la France et le Secrétaire général des Nations Unies ont organisé un Sommet Ambition Climat. Retour sur quelques-unes des annonces qui pourraient (ou non) faire la différence.
Le 12 novembre 2020, 5 ans jour pour jour après l’adoption de l’Accord de Paris à la COP21, le Royaume-Uni, la France et le Secrétaire général des Nations Unies ont organisé un Sommet Ambition Climat, pour tenter de redresser la barre face à l’écart grandissant entre les engagements des pays et les objectifs de l’Accord de Paris. Retour sur quelques-unes des annonces qui pourraient (ou non) faire la différence.
1. Les engagements fusent mais l’ambition reste insuffisante
Comme toujours, le sommet ambition climat a permis aux Chefs d’État et de Gouvernement d’adopter une ribambelle d’engagements, plus ou moins ambitieux. L’engagement de l’Union européenne de réduire ses émissions d’au moins 55 % d’ici à 2030, ou encore l’engagement de neutralité carbone de l’Argentine d’ici à 2050 font partie des plus mémorables. Le Royaume-Uni, organisateur du sommet, a ainsi décompté :
- 28 annonces liées à de nouvelles contributions déterminées au niveau national, qui contiennent les objectifs climatiques des pays à l’horizon 2030
- 24 engagements à la neutralité carbone
- 20 annonces liées à des plans d’adaptation et à la résilience
Mais au-delà des chiffres, quel impact réel sur notre trajectoire climatique ? Il est trop tôt pour le dire avec précision. Ce qui est certain, c’est que ce sommet international ne sera pas un coup de baguette magique pour sauver le climat. Les engagements désormais nombreux de neutralité carbone doivent être traduits sans attendre en action de court terme, car ce sont les 10 années à venir qui seront déterminantes pour limiter le réchauffement global à 1.5°C. Or, ces engagements à 2030 restent très insuffisants après le sommet, notamment en ce qui concerne les pays les plus émetteurs. Le Programme des Nations Unies a de nouveau rappelé le fossé entre les engagements actuels et l’Accord de Paris, dans son rapport annuel sur les émissions de gaz à effet de serre (voir graphique ci-dessous).
Signal encourageant, la Chine a annoncé une réhausse de ses objectifs climatiques pour 20301. Mais elle devra aller plus loin pour faire sa part juste de l’effort, notamment en atteignant un pic de CO2 en 2025 au plus tard, et en indiquant comment elle compte réduire puis sortir entièrement du charbon d’ici à 2040. De même, l’Union européenne peut et doit aller plus loin que son objectif nouvellement adopté, à travers la mise en œuvre du Green Deal et du plan de relance. D’autres très grands émetteurs, comme l’Inde, ou les États-Unis, ont raté le coche du sommet : ils devront faire leurs preuves en 2021.
Enfin, pour la solidarité, il faudra repasser. Alors que beaucoup des nouveaux engagements ambitieux de réduction d’émissions proviennent des pays en développement (Rwanda ou Fiji, pour n’en citer que deux), les pays développés continuent très largement d’éviter la question des financements climat. Elle est pourtant incontournable pour mettre en œuvre l’Accord de Paris dans un esprit de justice climatique.
2. L’industrie des énergies fossiles a de quoi frémir
Le Sommet Ambition Climat a été l’occasion d’annoncer deux engagements qui ne seront pas sans conséquences sur l’industrie fossile. D’une part, le Danemark a rappelé l’engagement adopté quelques jours plus tôt de mettre fin à toute exploration et exploitation de gaz et pétrole d’ici à 2050, et à renoncer sans attendre à la mise en exploitation/exploration de toute nouvelle ressource. D’autre part, le Royaume-Uni a annoncé mettre fin au plus vite à tous ses financements publics internationaux aux énergies fossiles, pétrole, charbon et gaz, y compris via son agence de crédit à l’exportation UKEF. C’est une première mondiale.
Ces deux annonces fixent la barre de l’ambition qui peut être attendue par l’ensemble des pays d’ici à la COP26, et pourraient contribuer à couper les vivres d’une industrie qui continue d’alimenter la crise climatique, de violer les droits humains et de se complaire dans le greenwashing.
3. La France est restée bloquée en 2015
Le discours d’Emmanuel Macron a semblé figé dans le temps. En louant le rôle de la France dans l’adoption de l’Accord de Paris, et les progrès accomplis depuis, le Président a oublié que les grands discours ne sauvent pas le climat. La France ne peut pas se raccrocher indéfiniment à son rôle d’architecte de l’Accord de Paris pour compenser une action nationale et internationale en profond décalage avec les objectifs du même accord.
Le constat est d’ailleurs de plus en plus clair : la France est dépassée sur le plan international. Ainsi, elle fait bien pâle figure face aux annonces du Royaume-Uni sur les financements internationaux aux énergies fossiles : tandis qu’outre manche, ils y seront mis fin dès que possible, la France s’autorise à continuer ces financements jusqu’en 2035 au moins, soit dans 15 ans.
Emmanuel Macron a également annoncé maintenir à 6 milliards d’euros le volume global des financements climat de la France dans les prochaines années, et atteindre 33 % de financements pour l’adaptation. Loin d’être suffisant, ce signal est en réalité à contre courant alors que les besoins en financements, notamment pour l’adaptation, ne cessent d’augmenter dans les pays en développement. Son effet sera d’ailleurs minime, puisqu’une augmentation à 33 % des financements pour l’adaptation ne représente qu’un progrès de 4 points par rapport à la part déjà atteinte en 2019, alors que l’Accord de Paris inscrit l’équilibre entre financement de l’adaptation et de l’atténuation dans son texte.
4. 2021 sera une année décisive pour prouver l’action
De l’aveu même d’Alok Sharma, Président de la COP26, le Sommet Ambition Climat est loin d’avoir remis la planète sur une trajectoire climatique compatible avec l’Accord de Paris. Mais il laisse cependant entrevoir les signes politiques d’une reprise de la coopération internationale sur le climat, qui pourrait s’accélérer avec le retour des États-Unis dans l’Accord de Paris en 2021. Les grands pays émetteurs qui ne se sont pas encore prononcés sur la réhausse de leurs objectifs de réductions d’émissions de gaz à effet de serre ont jusqu’à la COP26 pour le faire, à la hauteur des enjeux et de leur part juste de l’effort. Au delà des objectifs, une inflexion des plans de relance est nécessaire sans attendre, pour qu’ils contribuent à l’accélération de l’action climatique : fin décembre 2020, les mesures de relances de 28 des pays les plus émetteurs avaient déjà injecté plus de 250 milliards de dollars d’argent public en faveur des énergies fossiles.
Enfin, tandis que les vulnérabilités des populations et les impacts du dérèglement climatique continuent d’augmenter, la question de la solidarité devra être au cœur des préoccupations politiques en 2021. Non seulement pour atteindre l’objectif de 100 milliards de dollars de financements climat pour les pays en développement et augmenter les contributions financières de chaque pays riche, mais aussi pour développer les bons outils pour faire face aux pertes et dommages irréversibles liés à la crise climatique.
L’urgence climatique ne faiblira pas en 2021. L’inaction des pays les plus responsables de la crise climatique ne peut pas se poursuivre, 5 ans après l’Accord de Paris.
1La Chine s’est engagée à améliorer les 4 indicateurs contenus dans sa NDC. Les nouveaux objectifs prévoient : d’atteindre un pic de CO2 avant 2030, de réduire l’intensité carbone du PIB de plus de 65 %, d’atteindre une part d’énergie non fossile de 25% dans l’énergie primaire, d’augmenter le stock de forêt à 6 milliards de mètres cube.
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