Projet de Stratégie nationale bas-carbone : des améliorations pour le volet emplois et compétences
Le projet de stratégie nationale bas-carbone (SNBC-3) vient d’être mis en concertation par l’Etat. Des progrès sont notables par rapport à la version de 2024, avec notamment un engagement renforcé en matière de formation. Des déploiements opérationnels et des précisions sur la transition juste des emplois sont cependant attendus.

Le Réseau Action Climat actualise sa contribution au projet de SNBC-3, suite au nouveau texte mis en consultation en cette fin d’année 2025. Déjà, fin 2024, il avait porté une lecture attentive à la dimension emploi-compétences et travail du projet de SNBC 3. Il en avait tiré une analyse, rendue publique. Notre contribution actualisée s’appuie donc sur cette première analyse. On peut ainsi noter de réelles améliorations en la matière, sur le fond.
Le projet de SNBC 3 rappelle utilement, et dès l’introduction, que la planification écologique se donne pour ambition de « créer des emplois en France ». Par ailleurs, elle fixe “7 grands objectifs stratégiques”. Parmi eux : “garantir une transition juste et soutenable”, qui implique notamment de “développer l’emploi”. Cela nous semble à souligner.
Analyse secteur par secteur
Le texte rappelle également des enjeux sectoriels importants, comme sur le bâtiment où “la filière des rénovations d’ampleur devra en particulier accélérer sa structuration.” Parmi les leviers : “une anticipation des besoins en emplois et compétences en renforçant notamment les efforts sur la formation initiale et continue ainsi que l’attractivité des métiers, notamment dans la filière de la chaleur renouvelable et de la climatisation performante”. C’est pertinent, au regard des diagnostics identifiés, mais cela concerne également d’autres filières-clés.
Sur l’industrie, le projet de SNBC pose le principe suivant : “les évolutions industrielles en matière d’emplois et de compétences par bassin d’activité seront anticipées”. Cela nous semble nécessaire, mais à traduire plus systématiquement dans les faits.
En matière d’emplois, de compétences et de travail, c’est surtout le document des “Compléments” au projet de SNBC 3 qui apporte des éléments de consolidation. En termes de compétences, il fixe – en majuscule – une ambition significative : “FORMER PROFESSIONNELLEMENT PLUS DE 200 000 PERSONNES PAR AN POUR RÉUSSIR LA TRANSITION BAS-CARBONE”.
Pour fixer l’ambition, la SNBC 3 s’appuie sur les travaux du Secrétariat général à la Planification écologique (SGPE), qui sont utilement et largement rappelés dans le document des compléments, ce qui nous semblait manquer en 2024. Les principaux axes d’analyse, partagés par le Réseau Action Climat, sont présents.
8 millions d’emplois concernés
Par ailleurs, les éléments majeurs du diagnostic sont rappelés : “près de 8 millions d’emplois du secteur privé sont ainsi directement concernés par les orientations de la planification écologique et de la SNBC 3”. “La mise en œuvre de la transition écologique pourrait être créatrice nette de 200 000 à 550 000 emplois nets d’ici 2030 dans plusieurs secteurs, avec des profondes reconfigurations dans les secteurs et à l’échelle des bassins d’emploi”.
Le défi démographique, fixant le besoin à près de 3 millions d’emplois à pourvoir avec les départs en retraite, d’ici à 2030, est rappelé. Les profils sont assez clairement identifiés, avec “une majorité de techniciens et ouvriers.” Les canaux de mobilisation sont également mis en avant (sans exclusive) : orientation professionnelle, formation initiale et continue, reconversions, insertion par l’activité économique. La dimension territoriale est reconnue, ainsi que le lien avec la régionalisation de la planification écologique.
Orienter vers les emplois de la planification écologique
Ce projet de SNBC invite également à la priorisation, en matière de politique emplois-compétences, ce qui renvoie à aux propositions du Réseau Action Climat : “un certain nombre de ces dispositifs ne sont aujourd’hui pas assez orientés vers les métiers de la planification écologique.” Ainsi, “le Gouvernement travaillera à identifier des mécanismes permettant de mieux orienter les financements publics vers les besoins prioritaires de la planification écologique”. Nous sommes prêts à contribuer à cette réflexion, dans la continuité de nos propositions déjà publiques à ce sujet.
Dans la continuité des message du CESE, le document rappelle que “la planification écologique nécessite de mobiliser l’ensemble des branches professionnelles et des filières économiques”. On élargirait volontiers aux acteurs du dialogue social et environnemental et à l’écosystème emploi-formation.
Les partenaires sociaux ne sont pas cités en tant que tels, mais sont cependant identifiés, et le “dialogue social” est utilement mentionné à deux niveaux : “le dialogue social au sein des entreprises entre directions et syndicats est également un levier à mobiliser”. Il est également mobilisé pour renforcer la prise en compte des enjeux de qualité des emplois et du travail (sur ce volet, il est à noter que l’attractivité des métiers face aux défis identifiés n’est pas traduite uniquement par une réponse de communication) : ““L’attractivité des filières et métiers d’avenir sera renforcée par le biais du dialogue social, la reconnaissance et la valorisation des compétences, la mise en débat des conditions de travail et de salaires, ainsi que par des dispositifs en direction des salariés impactés leur permettant de découvrir ces métiers et opportunités professionnelles”.
Des engagements sur la formation
En matière de formation, les enjeux pour les citoyens, les agents publics sont identifiés et des engagements sont pris. En termes sectoriels, des engagements nouveaux (par rapport au projet 2024) émergent, comme sur l’agriculture : “Le développement des leviers de réduction d’émissions dans les exploitations est encouragé […] via l’enseignement agricole, en promouvant les pratiques agroécologiques dans la formation [notamment] par l’intégration systématique de l’impact environnemental dans les référentiels des diplômes rénovés”.
En matière d’économie circulaire : “La sensibilisation et la formation des entreprises et des consommateurs aux principes de l’écoconception seront intensifiées pour favoriser une demande accrue de produits durables”.
Des pistes pour l’action publique mais quels moyens pour une traduction opérationnelle ?
Face à l’ensemble des enjeux, le document évoque la structuration de l’action publique et partenariale en cours : “des plans d’action, co-construits entre les filières professionnelles et les branches professionnelles, et l’Etat seront déployés en ciblant des secteurs à enjeux, à l’instar du plan d’actions en faveur des compétences dans la filière nucléaire.” On peut aussi penser à la démarche TRANSFORMEURS, structurée et ambitieuse portée dans le domaine du train et du transport en commun, qui pourrait inspirer d’autres secteurs.
Ces pistes nous semblent pertinentes, cohérentes avec des chantiers engagés (comme le projet de feuille de route transition écologique pour la DGEFP), sous réserve de moyens associés (à ce sujet, voir notre alerte dans le contexte du PLF). C’est la dimension opérationnelle qui est désormais à construire, alors que la “stratégie emplois-compétences pour la planification écologique” a posé le diagnostic depuis plus d’un an et bénéficie d’une reconnaissance par plusieurs acteurs de la société civile.
Le projet de SNBC s’appuie sur ces éléments, mais évoque à son sujet le chantier « emploi et compétences » et “une première publication du SGPE” avec l’élaboration de plans d’actions “en cours”. La traduction des principes en action est le prochain défi majeur.
Une approche des enjeux -majeurs- de la transition juste qui reste à préciser
Un dernier point d’attention nous semble devoir être porté sur la transition écologique juste des emplois, fixée comme objectif stratégique, et présente (sans être toujours mentionnée comme tel) dans les documents. Ainsi, le projet de SNBC 3 rappelle que “la transition bas-carbone conduira à des réallocations d’emploi et à des évolutions profondes du marché du travail, qu’il conviendra d’accompagner pour en limiter les effets négatifs”. Mais la stratégie d’action en la matière est assez diffuse et encore peu structurée.
Le Fonds de transition juste n’est pas mentionné. La transition juste est assez largement renvoyée à une gestion territoriale du sujet, ce qui semble recouvrer une partie seulement des enjeux. Ainsi, dans la stratégie pour la recherche, le principe suivant est mentionné : “L’appui sur les recherches en sciences humaines et sociales sur la transition juste, sobre et durable pour accompagner les transformations sociétales nécessaires”. Il semble bienvenu, mais à lier avec la politique emplois-compétences.
En matière d’emplois, compétences et travail, les documents du projet de SNBC 3 font donc émerger des éléments importants sur le diagnostic, des objectifs stratégiques et des principes d’action bienvenus. Ils restent à opérationnaliser, dans le cadre d’une gouvernance partagée et d’une animation inscrite dans la durée, portée au plan politique. Enfin, des développements sont attendus pour préciser la stratégie de transition juste des emplois.
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