Projet de loi de simplification : Les populations locales empêchées de donner leur avis sur les projets industriels
Depuis plusieurs mois, le Gouvernement tente de faire reculer la démocratie environnementale : le 4 décembre, il avait discrètement mis en consultation un projet de décret qui transforme radicalement la façon dont les grands projets industriels sont débattus sur tout le territoire français.

En effet, le décret proposé par le Gouvernement supprimait l’obligation de saisine préalable de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) pour les projets industriels majeurs.
Après une consultation, où sur les 4000 participants, seuls 0,3 % étaient pour, le Conseil d’Etat a retoqué le projet de décret. Mais, au mépris de l’avis des populations, le Gouvernement pourrait poursuivre son œuvre en réintroduisant cette disposition par amendement dans le projet de loi de simplification. Des députés Républicains et Rassemblement National sont même allés plus loin, en proposant des amendements visant à supprimer la CNDP.
La CNDP, un organe démocratique incontournable, qui influe réellement sur le cours des projets
Dans le cadre d’un projet industriel majeur, la saisine de la CNDP a déjà eu des impacts réels comme par exemple, l’abandon total du projet d’exploitation minière en Guyane dit Montagne d’Or ou celui du barrage sur le Rhône, à la suite de celle-ci.
Plus globalement, à la suite de la saisine de la CNDP pour organiser débats publics et concertations depuis 1995, 58 % des projets ont vu leurs objectifs et grandes caractéristiques évoluer et 30 % leurs modalités de mise en œuvre (gouvernance, périmètre…). Les débats publics ont aussi permis aux industriels d’ajuster leurs projets pour les implanter dans les territoires comme en 2022, où le Gouvernement a revu le choix de localisation d’un parc éolien envisagé au large d’Oléron à la suite d’un débat public. Ces espaces de dialogue démocratiques garantissent ainsi la compatibilité des grands projets industriels avec la santé des riverains, travailleurs et des écosystèmes.
Quand leur santé est concernée, les populations doivent être écoutées !
Sans les débats et les concertations actuellement organisés par la CNDP, les riverains pourraient voir une usine s’implanter à côté de chez eux sans information sur les risques que l’activité industrielle de cette usine ferait peser sur l’environnement et surtout leur santé. Or, par le passé, l’industrie a déjà été à l’origine de pollutions qui ont mis en danger la santé des travailleurs et des riverains (Lubrizol, AZF, PFAS…). De plus, les études montrent que les risques de maladies sont multipliés dans les bassins industriels : par exemple, dans le bassin nazairien – où se trouvent la raffinerie de Total ou encore l’usine de peinture d’Airbus – le risque d’avoir un cancer du poumon y est plus élevé (+19 %) que dans le reste du département.
Les Français ont leur mot à dire sur la transition écologique et la politique industrielle
Restreindre le champ d’application de la CNDP, voire la supprimer, c’est restreindre le droit constitutionnel à l’information et à la participation des citoyens sur des sujets majeurs de politiques publiques. Pourtant, les débats publics autour des nouveaux projets industriels sont l’une des rares occasions pour les citoyennes et les citoyens de donner leur avis sur les orientations prises par les dirigeants politiques sur l’avenir énergétique et industriel du pays et leurs traductions dans leur quotidien, à l’échelle locale.
Le Gouvernement et les députés doivent entendre ce besoin démocratique et exclure tout décret ou amendement du projet de loi de simplification visant à restreindre le rôle, voire supprimer la CNDP, pour que sur tout le territoire, les populations puissent exprimer leur avis sur les projets industriels qui pourraient impacter fortement leur quotidien et leur santé.
Les salariés de la CNDP sont en grève aujourd’hui pour protester contre cette mesure.
Plus généralement, le projet de loi de simplification de la vie économique se transforme en florilège de tentatives de reculs sur la transition écologique et juste, qu’il s’agisse par exemple de l’encouragement à une industrialisation plus grande de l’élevage ou la reprise de l’exploration et l’exploitation de nouveaux gisements d’énergies fossiles en France.
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