Projet de loi de finances : Doit-on encore rappeler que la fin du monde et la fin du mois sont le même combat ?
Le Sénat a adopté la semaine dernière le projet de loi de finances avec de nouveaux reculs sur la transition écologique. Ces reculs freinent la lutte contre le changement climatique, affectent le pouvoir d'achat des ménages ainsi que les financements des collectivités et menacent des agences et organismes publics.
En dépriorisant les enjeux écologiques, ce projet de loi acte une transition à deux vitesses, au détriment des classes moyennes et des plus précaires. Dernière chance pour éviter cela : la commission mixte paritaire (rassemblant les représentants du Sénat et de l’Assemblée nationale), qui va devoir trancher le 30 janvier.
Une baisse des financements au détriment des solutions pour améliorer durablement le quotidien des Français
- Nouvelles coupes prévues sur le Chèque énergie et petit effort sur Ma Prime Rénov’
Avec l’adoption de deux amendements sénatoriaux qui réduisent de 1,3 milliard d’euros les crédits pour la transition écologique, alors même que le budget était déjà en forte baisse, le Gouvernement diminue encore les fonds alloués au chèque énergie. Et ce, alors que désormais 30 % des Français déclarent souffrir du froid chez eux en hiver. Cette baisse est d’autant plus inquiétante qu’en parallèle, on constate une stagnation des financements visant à accompagner les ménages dans la rénovation de leurs logements.
A l’inverse, le Sénat a finalement supprimé la baisse de 534 millions d’euros prévue par le Gouvernement et ajouté 50 millions à Ma Prime Rénov’, dispositif essentiel à préserver pour accompagner les ménages à baisser leurs consommations d’énergie et améliorer leur confort de vie. Cette suppression doit absolument perdurer pour remettre de la cohérence entre les ambitions affichées du gouvernement sur le long terme et les moyens alloués à court terme à la rénovation énergétique afin de lutter contre la précarité énergétique, améliorer la santé et le pouvoir d’achat des personnes.
- Baisse des aides sur les véhicules électriques
Les aides à l’électrification des véhicules, déjà amputées de 800 millions d’euros dans le projet Barnier, risquent d’encore être rabotées suite aux discussions sénatoriales. Concrètement, ce sont des dizaines de milliers de Français qui ne vont pas pouvoir acheter un véhicule électrique, les privant d’un véhicule moins polluant et moins cher à l’usage. Plus globalement, cela menace directement la trajectoire d’électrification de notre parc automobile, au détriment de nos constructeurs, du pouvoir d’achat des ménages et de la lutte contre le changement climatique.
- Baisse du budget des collectivités
Le Fonds vert pour les collectivités est l’objet de nouvelles coupes, passant pour la première fois sous la barre du milliard d’euros avec 715 millions prévus pour 2025. Une déchéance sans fin pour le seul mécanisme spécifiquement dédié aux projets verts locaux, victime de coups de rabots successifs depuis son lancement en 2023. C’est une catastrophe pour la mise en œuvre de projets pourtant largement attendus au plus près des Français : la rénovation énergétique des bâtiments pour assurer leur confort, le développement d’alternatives au tout-voiture, l’adaptation du territoire face aux impacts du changement climatique qui met déjà en danger des milliers de citoyennes et citoyens.
La nécessité de faire contribuer les plus aisés et les plus pollueurs pour investir dans la transition écologique
- Un barème sur la taxation du secteur aérien à renforcer
Seule véritable avancée promise dans le PLF, le renforcement de la taxe sur les billets d’avion (TSBA) permettrait de générer 2,5 milliards d’euros supplémentaires si seulement la France s’alignait avec le barème de l’Allemagne. Il est essentiel qu’un barème ambitieux soit adopté en CMP alors que le Sénat a réduit sa portée à 600 millions d’euros seulement pour l’aviation de ligne. Le projet initial du Gouvernement permettait pourtant de générer 850 millions d’euros, la version du Sénat est donc une perte nette de 250 millions de recettes fiscales !
- La taxation des acteurs les plus aisés et les plus pollueurs, un levier pour financer la transition écologique, l’adaptation et les pertes et dommages
Certaines avancées, fragiles, sont à souligner et à conserver en CMP, notamment, la mise en place de certains mécanismes qui vont dans le sens de plus de justice fiscale, comme la taxation des rachats d’actions et la contribution exceptionnelle des grandes entreprises. Pour l’instant, ces taxations permettront de rembourser la dette publique alors qu’il est nécessaire que ces dispositifs puissent financer la transition écologique.
La mobilisation de nouveaux moyens financiers doit cependant aller bien plus loin pour se hisser à la hauteur des besoins de transition et d’adaptation, sans oublier les enjeux posés par la hausse spectaculaire des coûts liés aux pertes et dommages climatiques. De nombreuses options sont pourtant sur la table :
- La mise en place d’un ISF climatique ;
- La taxation des superprofits des secteurs les plus polluants ;
- L’interdiction des dividendes climaticides pour les grandes entreprises qui ne respecteraient pas des objectifs annuels de réduction de leurs émissions de Gaz à Effet de Serre.
Le Réseau Action Climat attend de la Commission Mixte Paritaire qu’elle protège les financements favorisant l’accès des ménages à un chauffage et des déplacements moins coûteux et moins polluants, une alimentation et un air plus sain. Le Réseau Action Climat souhaite également rappeler que l’investissement climatique doit être planifié sur 30 ans. Retarder sa mise en œuvre pour boucler un budget, c’est une vision court-termiste, sans bénéfices sur le fond, qui laissera à la fois une dette environnementale, mais aussi budgétaire, aux générations futures.
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