Pour les 50 sites industriels les plus émetteurs de CO2, le contrat n’est pas rempli
Un exercice inédit de planification a été mené entre le gouvernement et les 50 sites industriels les plus pollueurs. Malheureusement, un flou persiste sur les paris technologiques que les industriels sont prêts à prendre pour atteindre les objectifs climatiques et les garanties que l’Etat leur demande en contrepartie de son soutien.
Il y a plus d’un an, le gouvernement a demandé aux 50 sites industriels les plus émetteurs de CO2 d’établir leurs feuilles de route pour décarboner leurs activités de manière à atteindre les objectifs de la Stratégie Nationale Bas-Carbone.
Cet exercice prospectif a été finalisé à l’automne dernier et s’est achevé par la signature de contrats de transition écologique entre l’Etat et les industriels.
Les feuilles de route détaillant les objectifs de réduction des gaz à effet de serre et la stratégie de déploiement des moyens technologiques mobilisés pour y parvenir n’ont pas été rendues publiques, dans le souci de respecter le secret des affaires. Néanmoins, les contrats de transition écologique ont été publiés courant décembre 2023 et nous éclairent sur la manière dont les industriels comptent s’y prendre… ou presque.
Pas de contrainte… pour le moment
Ces contrats sont plus symboliques que réellement engageants. Les entreprises peuvent ainsi témoigner de leur bonne volonté de suivre une trajectoire de décarbonation pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone tandis que l’Etat témoigne de sa bonne volonté pour soutenir les entreprises financièrement et par le déploiement d’infrastructures (réseau d’hydrogène et de CO2). Mais que se passe-t-il si un site industriel ne respecte pas son engagement de réduction d’émissions ?
Avec les 5 milliards d’euros d’aide publique supplémentaires qui pourraient être débloqués pour l’industrie d’ici 2030, il est primordial que cet engagement se concrétise au-delà d’un contrat symbolique. A commencer par la subvention massive dédiée à la décarbonation du site ArcelorMittal à Dunkerque, qui pourrait atteindre 850 millions d’euros. L’Etat doit demander des garanties en termes de diminution des émissions mais également de conservation de l’emploi en France, pour que de tels montants d’argent public soient utilisés à bon escient.
Des acteurs industriels plus ou moins investis
L’autre défaut de ces contrats est leur manque de précision quant aux stratégies de décarbonation envisagées par les industriels. On constate par ailleurs, pour les entreprises ayant joué le jeu de fournir les leviers de diminution des émissions, que ceux-ci sont majoritairement basés sur des technologies de rupture comme la capture et le stockage du CO2, encore très incertaines . Le déploiement de l’économie circulaire et la prise en compte d’hypothèses de sobriété de la demande ne sont cités que dans 3 des 32 contrats. Ce sont pourtant des leviers fondamentaux de la décarbonation de l’industrie.
Le Réseau Action Climat a souhaité évaluer la transparence des entreprises sur leurs engagements climatiques et les leviers qu’elles prévoient de mobiliser pour les tenir. A ce stade, il ne s’agit pas ici d’évaluer l’ambition des engagements et l’efficacité des stratégies mais la complétude et la transparence des déclarations des entreprises dans les contrats. Pour cela, nous avons évalué la quantité et la qualité des informations avec le système de notation suivant sur trois points :
- Entreprises ayant décliné un contrat (et donc une trajectoire et des leviers de décarbonation) par site,
- Entreprises ayant listé les leviers de décarbonation prévus dans leurs feuilles de route,
- Entreprises ayant précisé l’impact de chaque levier dans l’effort total de décarbonation.
Avec une moyenne de 1.3 sur 3 points, les 50 sites auraient pu mieux faire. Les mauvais élèves sont concentrés dans le secteur du ciment, les entreprises Eqiom et Heidelberg-Calcia ayant uniquement publié leurs cibles de réduction d’émissions pour 2030 et 2050. Ces informations paraissent bien maigres en comparaison avec les contrats déclinés site par site par un autre acteur du ciment en France, Vicat. Les secteurs de l’agroindustrie (Roquette et Cristal Union) et du raffinage (TotalEnergies, Petroineos) figurent également parmi les acteurs n’ayant pas joué le jeu de la transparence. On recense au final 33 sites industriels qui se sont contentés de publier des informations à l’échelle de l’entreprise et non du site.
Or, en regard de l’effort que l’industrie va devoir fournir pour atteindre les objectifs de réduction des émissions pour 2030 (-23% par rapport aux niveaux de 2022), il est légitime que la société civile ait plus d’éléments quant à l’orientation prise par l’industrie, notamment lorsqu’elle implique le déploiement de technologies aussi coûteuses en argent public.
Détail de l’évaluation réalisée par le Réseau Action Climat sur la transparence des Contrats de transition écologique des 50 sites :
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